Naît-on homosexuel ou le devient-on ?


Psychologies lance ce vendredi 22 mai une nouvelle formule de son magazine. Cet article, que vous pouvez lire entièrement en ligne, est l'article phare de ce tout nouveau numéro dont vous pouvez voir le sommaire ici.

PSYCHOLOGIE - La question est épineuse. Parce que penser la sexualité n’est pas simple, et parce que, après les vifs débats sur le mariage pour tous, le soupçon d’homophobie n’est jamais loin. Pourtant, se demander si l’origine de l’homosexualité est biologique ou psychologique, c’est découvrir nos fantasmes, nos croyances, et les stéréotypes qui nous animent.

Naît-on ou devient-on homo? "C’est bien une question d’hétéro! s’emporte Marc, 42 ans. J’ai l’impression qu’on me demande pourquoi je suis 'anormal', ce qui m’a 'traumatisé'! Ça ravive mes souffrances d’enfant martyrisé, ma honte d’être différent, ma peur d’être rejeté." Puis, après un silence: "Mais je dois avouer que je me la suis posée. Et pas qu’une fois." La question est compliquée. D’abord parce que, après les violents débats sur le mariage pour tous, le soupçon d’homophobie n’est jamais loin. Ensuite parce qu’il nous est impossible de penser la sexualité en ignorant les pulsions et les fantasmes inconscients qui la constituent. "Jamais résolue, à la fois libre et réactionnaire, l’énigme du sexuel nous exalte et nous terrifie", souligne le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez. "Méfions-nous des idéologies et des phobies qui peuvent infiltrer nos élaborations théoriques. Méfions-nous aussi de notre tendance à dire les normes", avertit le psychanalyste Patrick de Neuter. Qu’est-ce qu’être une femme, un homme, un couple? L’homosexualité interpelle nos modèles et nos croyances, fondements de notre identité difficiles à interroger.

Plusieurs hypothèses

Pour éclairer l’origine de l’homosexualité, deux grands types de théories sont invoquées: celles dites "essentialistes", attribuant un rôle prépondérant aux effets biologiques; et celles pour lesquelles le milieu parental, éducatif, social l’emporte. Les premières ont le vent en poupe en Grande- Bretagne et aux États-Unis, mais pas en France. Selon le neuroendocrinologue Jacques Balthazart, notre "opposition farouche à l’idée d’une contribution génétique" viendrait notamment de "la très puissante psychanalyse postfreudienne". Mais "aucun des facteurs biologiques identifiés n’est à même d’expliquer à lui seul l’homosexualité chez tous les individus". Pour ce qui est de la psyché, nombreuses sont les hypothèses avancées: héritage transgénérationnel, influence de l’imaginaire parental, absence de modèle du même sexe, identification contraire aux désirs parentaux… Pour la psychanalyste Susann Heenen-Wolff , "il n’y a pas de constellation familiale ni d’enfance typique aux homosexuels. Ils sont aussi bien portants ou malades et aussi différents les uns des autres que les hétérosexuels". Sans compter que les homosexualités sont aussi complexes, diverses et singulières que les individus qui les vivent. D’ailleurs, ajoute Serge Hefez, "si l’on s’interroge sur le 'choix' homosexuel, le 'choix' hétérosexuel ne va nullement de soi et pose autant de questions sur le plan psychique".

Impossible, donc, d’établir une étiologie. "En 1905, Freud a sorti les homosexualités du champ des perversions […]. Il les a fait entrer dans le champ élargi d’une sexualité universelle", rappelle le philosophe et psychanalyste Claude Rabant. Dommage que l’American Psychiatric Association et l’Organisation mondiale de la santé aient attendu 1973 et 1993 pour faire de même. "Chercher une explication, c’est considérer que c’est une tare", souligne Mathieu, 24 ans, qui pèsent ses mots "pour ne pas donner de billes aux homophobes". Une tâche ardue, car les mêmes énoncés peuvent autant renvoyer à une volonté d’émancipation que d’éradication.

Rien d’anodin dans ces recherches

L’argument génétique, par exemple, est aujourd’hui mis en avant par les militants gays et lesbiens américains face à la droite religieuse: si c’est biologique, ce n’est pas "contre nature". Cette même hypothèse héréditaire a, hier, justifié des stérilisations et peut, demain, faire craindre un eugénisme prénatal. Idem pour les recherches en endocrinologie, qui renvoient aux injections d’hormones pratiquées par les nazis, ou aux États-Unis jusque dans les années 1960. De la même façon, les travaux du neuroscientifique Simon LeVay sur l’hypothalamus des gays, toujours pour prouver la naturalité de l’homosexualité, évoquent paradoxalement les tentatives de traitement par lobotomie aux États-Unis ou dans l’ex-URSS après 1945. Les barbaries pour éradiquer ou "traiter" l’homosexualité sont si nombreuses qu’aucune recherche n’est anodine!

Côté psyché, ce n’est pas mieux, nombreux étant "les thérapeutes rétrogrades, mauvais lecteurs de Freud, qui y voient une évolution infantile pathologique. Jusqu’à peu, le but de la cure était de la guérir. Sauf que, bien sûr, personne n’y arrivait jamais", explique Susann Heenen-Wolff. Qui rappelle que le père de la psychanalyse "trouvait aussi absurde et vain de vouloir rendre un homo hétéro que l’inverse". Et pourtant: thérapie d’aversion, vomitifs, électrochocs, hypnose…, les homos ont été des "cobayes privilégiés pour toute une série de méthodes de 'rééducation comportementale'", détaille le sociologue et historien Pierre-Olivier de Busscher. Des groupes d’entraide américains comme les "ex-gays", dénoncés par Barack Obama en avril mais soutenus par la puissante droite religieuse, proposent même des ateliers de maquillage pour lesbiennes et de mécanique pour gays.

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