Une formidable expression

WILLY DALLAY

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w.dallay@sudouest.fr

Psychologie et théâtre font bon ménage dans la carrière d'Olivier Tsevery : niveau doctorat pour ses études de psycho et cours Florent bien connu dans le milieu du théâtre parisien. Installé depuis quelques années à Pessac, il développe ces deux types de compétences et talents au sein de l'association 0 Théâtre et de la structure Odysseus. Plutôt grand public avec ses cours ouverts à tous qui regroupent 70 élèves, la première utilise des salles municipales. Avec Odysseus, en revanche, Olivier Tsevery se déplace : « Je fais de la formation et j'apprends à mieux communiquer grâce au théâtre. Cela s'adresse aussi bien à des managers qu'à des demandeurs d'emploi. J'interviens aussi après de personnes en situation de handicap par le biais de l'Adapei (déficients mentaux) et de l'Unadev (déficients visuels). »

Gare aux préjugés

Chaque mercredi, de 18 heures à 20 heures, on le retrouve à la maison de quartier de la Châtaigneraie, rue Antoune. Ici, avec sa casquette O Théâtre, il s'occupe d'une douzaine d'adultes de 25 à 45 ans, de différents Esat (Établissements et services d'aide par le travail) : Pessac Magellan, Alouette, Bègles, Mérignac, etc.

Rires, connivences, exclamations… L'ambiance est celle de toute répétition. « Il faut se défaire de certains a priori », prévient Olivier Tsevery. « Par exemple qu'ils ne se rendraient pas compte. Ce sont des gens extrêmement sensibles, dont les émotions sont multipliées, dans une sorte de surconscience. Ils ont une peur terrible du regard de l'autre, car ils ont déjà un problème de regard sur eux-mêmes. Cela se manifeste par une angoisse à s'exposer. Passer sur scène leur paraît inconcevable »… au départ.

Car c'est ce qu'ils vont faire au mois de juin, dans des Esat et ailleurs, lors d'un spectacle d'une heure et demie, inspiré de séquences de films, comme « La soupe aux choux » et de spectacles d'humoristes. La décontraction et l'aisance avec laquelle ils réalisent les exercices proposés par leur metteur en scène sont de très bon augure. Il faut dire que ce ne sont plus des débutants. En 2016, ils en seront à leur 4e spectacle.

« Il faut les aider à canaliser leurs émotions, à structurer leur expression, et peut-être parce qu'ils ont un imaginaire plus lent et plus limité, je prends le temps de les laisser vagabonder. »

Olivier Tsevery sait aussi les mettre en confiance, comme l'a prouvé lors du dernier festival Art'Ternatives avec un autre groupe avec lequel il travaille, toujours en lien avec l'Adapei : « Ces élèves du foyer de vie de Martignas ont présenté le 24 novembre, à Pessac Bellegrave, des saynètes issues de Lucky Luke, Tintin, etc. en accord avec le thème du festival sur la BD. On ne connaît pas celui de la prochaine édition, mais on a recommencé à travailler. »

Un humour bien vu

Avec l'Unadev, Olivier Tsevery anime une équipe d'une dizaine de déficients visuels qui n'hésitent pas ironiser sur leur propre handicap : « Ils se sont appelés les Yvoriens. » Une façon d'exorciser le mal par l'humour. « Contrairement, à ce que l'on pourrait penser, ils ont peur du… regard des autres. Techniquement, le problème spécifique que je dois les aider à surmonter, c'est la difficulté à se situer dans l'espace. Il faut leur permettre de prendre des repères. Cela complique les mouvements. Mais ce sont aussi des personnes qui développent plus leurs autres sens. »

Les Yvoiriens vont eux aussi monter sur scène et ce, très prochainement, le 2 avril, à 20 h 30, en compagnie des Improvisateurs anonymes. Une vraie scène, celle de la salle du Point du jour, à Bacalan (1). Faute d'être remboursé par la sécu, le théâtre a au moins la reconnaissance de structures comme l'Adapei et l'Unadev. Plus généralement, il fait ses preuves pour aider à s'exprimer tout un chacun plus librement.

(1) Spectacle gratuit. Renseignements auprès d'Olivier Tsevery au 06 88 20 61 90.

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