Un bisou pour garder la santé

On se la "fait", ou on se la "claque". A l'heure de l'inévitable "Bonne année, bonne santé, meilleurs voeux", la bise, le bisou, la "bisouille", s'impose. Selon les travaux de Tiffany Field, psychologue et fondatrice du Touch Research Institute, à l'université de Miami, nous serions même, nous Français, les rois de la spécialité. Et pas seulement sur le registre consacré du French kiss langoureux et sensuel. En dépit de certaines disparités régionales - les uns tendent les deux joues et les autres, une seule -, il apparaît en effet d'après les recherches de maints chercheurs émérites que nous pratiquons le bisou avec une constance bien supérieure à celle de nos voisins.  

Ce sont les spécialistes en philamatologie - la science appliquée à l'activité labiale - qui le disent: les mères de l'Hexagone sont particulièrement portées sur les poutous. Dès la période de l'allaitement, elles couvrent leurs rejetons de bisous beaucoup plus souvent que les mamans anglo-saxonnes. Ce geste de tendresse stimule la tétée et, à plus long terme, le développement du langage des petits. Mères ou pas, du reste, les femmes accordent plus d'importance au rôle de la bise dans les rapports sociaux et dans la vie du couple, affirme la psychologue américaine Susan Hughes. "Il faut y voir le résultat d'une démarche évolutionniste, explique Nicolas Gueguen, chercheur en psychologie sociale à l'université de Bretagne-Sud. En quête d'informations olfactives et tactiles pour évaluer l'autre, considéré comme un partenaire potentiel, les femmes multiplieraient les situations permettant d'obtenir ce type d'informations, et la bise en fait partie." 

Sur le plan physiologique, le rituel du bisou favorise la production de sérotonine, l'hormone régulatrice de l'humeur, et celle de l'ocytocine, associée au lien affectif, sexuel et amoureux. Il contribue de cette manière au contrôle des émotions et du comportement. Mieux: il fortifie le système immunitaire. Selon les recherches d'un allergologue japonais de l'université d'Osaka, un couple se bécotant comme du bon pain serait aussi moins sujet qu'un autre à de méchantes allergies cutanées aux pollens. Vous en voulez encore? Une équipe de chercheurs américains a demandé à des couples d'enchaîner les bisous avant de se soumettre à des tests sanguins - on connaît expérimentation plus douloureuse. Résultat: les cobayes présentaient un taux de cholestérol, de cortisol et une numération globulaire à faire pâlir d'envie un coureur de triathlon.  

Bordeaux détiendrait le record national

Les bécoteurs compulsifs seront également heureux d'apprendre qu'un bisou effleuré exige l'activation de seulement 12 muscles faciaux, contre 34 pour le bécotage en bonne et due forme. Et qu'il remplace avantageusement l'effort sportif puisqu'il stabilise le rythme cardiaque autour de 110 pulsations minute. Pratique pour rendre le coeur plus endurant sans suer sur un vélo d'appartement. On ignore si les participants aux kiss mob - ces manifestations bisouteuses de masse lancées par les réseaux sociaux dans tout l'Hexagone - sont au courant des trouvailles scientifiques susmentionnées, mais en tout cas ils y vont de bon coeur. Aux dernières nouvelles, Bordeaux détiendrait le record national, avec 830 bisous distribués à la chaîne en vingt-trois minutes chrono, serré de près par Metz. Bref, on espère vous avoir convaincu: en ce siècle d'effusions faciles, le baiser n'a plus rien de cette "déplaisante coutume et injurieuse aux dames" dont parlait Montaigne. On se fait la bise?  

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