Radiographie d’une psychologie familiale

Un village sur la côte norvégienne. Une communauté où tout le monde se connaît sans vraiment se connaître. Un été à la lascivité oppressante. Le cadavre d’une jeune fille découvert en forêt…

Dans ses premières pages, « Et maintenant il ne faut plus pleurer » présente toutes les caractéristiques des romans policiers scandinaves qui se sont engouffrés dans le marché ouvert par la trilogie « Millenium » de Stieg Larsson. Le dernier roman de Linn Ullmann, journaliste et écrivaine norvégienne, fille d’Ingmar Bergman, n’a pourtant rien d’un polar : le meurtre de la jolie Mille, pataude ou lumineuse selon qui la regarde, n’est qu’un prétexte à la construction d’une œuvre psychologique complexe, une radiographie des microfissures de la famille dont elle était la jeune fille au pair.

« Et maintenant il ne faut plus pleurer » dépeint le dialogue – ou l’incommunicabilité – entre trois générations d’une famille, d’une société, où la névrose est devenue la règle. Où la violence d’un fait divers relèverait presque de la banalité. Jenny est une femme d’un autre âge, hantée par sa beauté passée et par son fils mort à quatre ans… Sa fille, Siri, se réfugie dans l’hyperactivité pour occulter les souvenirs macabres de sa mère. Pour s’excuser indéfiniment d’avoir laissé son frère cadet se noyer. Et pour s’affirmer face aux maîtresses que son mari, Jon – écrivain à succès incapable de finir sa grande trilogie – collectionne sans trop savoir pourquoi. Et puis il y a Alma, leur fille aînée – telle une plaie béante ou une énigme. Une créature à vif, dont les parents ne peuvent que constater la souffrance et la violence.

Grande ronde narrative

Avec en toile de fond ce meurtre sordide qui peut resurgir au détour d’un chapitre sans crier gare, Linn Ullmann entraîne son lecteur dans une grande ronde narrative et humaine. L’auteure saute de point de vue en point de vue, d’un cerveau à un cœur, et compose un tableau complet des obsessions, des angoisses et des brisures de ses héros.

La psychologie des personnages est disséquée à l’aide d’une écriture vivante et changeante, qui semble coller au caractère de chacun. Avec ce roman, Linn Ullmann signe une œuvre grave et subtile. Un roman puissant et captivant qui s’incruste dans les replis de l’âme.

J.-B. B.

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