Quand technologie rime avec psychologie

Inutile de dire qu'on ne gère pas de telles opérations avec des crayons et du papier. Sous le capot d'Uni-Sélect se cachent des outils informatiques de pointe. Celui qui en tire les ficelles s'appelle Jean-Pierre Beaulieu, vice-président et chef des technologies de l'information de l'entreprise.

L'homme a été nommé hier CIO de l'année - l'acronyme vient de l'anglais Chief Information Officer, ou chef des technologies de l'information - lors d'un gala visant à souligner ceux qui pratiquent ce métier encore largement méconnu du grand public.

«Le prix me touche vraiment, surtout qu'il vient de mes pairs», a confié M. Beaulieu, qui ne s'attendait pas à être ainsi couronné aussi tôt dans sa carrière.

Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas nécessairement la passion des ordinateurs qui a permis à M. Beaulieu de faire sa marque au sein de sa profession.

Rencontrer l'homme permet de faire tomber rapidement le mythe du chef des technologies qui fonctionne en vase clos, obsédé par ses logiciels ou ses serveurs informatiques.

«La technologie pour la technologie, en fait, ça ne m'emballe pas, va même jusqu'à dire M. Beaulieu. Pour moi, les technologies de l'information sont là pour répondre à un besoin - pas le contraire.»

Étonnamment, le CIO de l'année préfère parler affaires... et même psychologie. Une dimension qui fait partie intégrante de son travail, explique-t-il.

Pourquoi la psychologie? Parce qu'on ne demande pas aux 6600 employés d'une boîte comme Uni-Sélect d'adopter de nouveaux outils technologiques et de changer leurs méthodes de travail sans en connaître un peu sur l'être humain et sa façon de penser.

«La résistance au changement, c'est quelque chose qui existe et qu'il faut comprendre, dit M. Beaulieu. Il y a des étapes là-dedans, qui vont du refus à l'acceptation.»

L'homme en sait quelque chose. Il se trouve actuellement au beau milieu d'un vaste projet lancé il y a deux ans visant à revoir l'ensemble des systèmes technologiques d'Uni-Sélect. Le changement touchera toutes les facettes de l'organisation, des inventaires aux finances en passant par les commandes, les achats et la paie des employés. Nom de code: projet Phoenix.

Phoenix, qui devrait se conclure l'an prochain, mobilisera 150 personnes durant trois ans. Coût de l'opération: 69 millions de dollars.

Uni-Sélect n'avait pas le choix. Parce que l'entreprise a grandi par acquisitions, elle fonctionnait avec une dizaine de systèmes d'information différents qui se parlaient difficilement entre eux. Un vaste ménage s'imposait.

Si tout se déroule comme prévu, le projet permettra de réduire les erreurs, augmenter l'efficacité et économiser 10 millions de dollars par année. Évidemment, les délais et dépassements de coûts font partie des grands dangers de ce genre de processus.

«L'autre défi, c'est que, pendant tout ce temps, il faut continuer à vendre des pièces de voiture et servir parfaitement notre clientèle», souligne M. Beaulieu.

Pour réussir une telle opération, il faut avoir les employés de son côté. S'ils se braquent devant les changements, ce sont toutes les opérations de l'entreprise qui en souffriront.

«Il faut communiquer. Former les gens. Et faire ce que j'appelle du développement organisationnel: expliquer aux employés tout ce qu'ils peuvent faire avec les nouveaux outils technologiques», explique M. Beaulieu.

C'est pour ces raisons que ce chef des technologies dit mettre autant de tant à peaufiner ses aptitudes interpersonnelles qu'à se garder à jour sur les nouvelles tendances technologiques.

En parallèle, le chef des technologies doit aussi être un homme d'affaires aguerri. Jean-Pierre Beaulieu ne porte pas le titre de vice-président pour rien. Il fait partie intégrante de l'équipe de direction d'Uni-Sélect et participe donc aux décisions stratégiques de l'entreprise.

«On ne fait pas des technologies de l'information pour le plaisir d'en faire, dit-il. Notre rôle ultime est d'améliorer l'entreprise et d'augmenter les bénéfices. Pour être un bon CIO, il faut comprendre profondément l'entreprise pour laquelle on travaille.»

Complexe, le métier de CIO? Plus vaste, en tout cas, que de simplement magasiner des logiciels.

«Notre succès passe par beaucoup de facteurs, et vous ne serez pas surpris si je vous dis qu'un des plus importants est la gestion du changement», dit Jean-Pierre Beaulieu.

Celui qui participe à une myriade de causes, allant du hockey mineur à l'intégration sociale des personnes dévaforisées, donne aussi régulièrement des conférences dans les universités.

«Le message que j'essaie de passer aux jeunes est simple, dit M. Beaulieu. C'est que la technologie, ça peut être bien plus que juste de la programmation informatique.»

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