Quand quitter une fête?

Nous avons tous rencontré cette
configuration: nous sommes à une fête, et vient le moment de faire un choix.
Dois-je rentrer? Ou dois-je rester pour continuer à profiter de cette soirée? Si
oui, jusqu’à quel point?

Quel bouleversement marginal
(arrivée d’un nouveau groupe de personnes, départ de sa meilleure amie, ou
changement de lieu) va faire basculer cette fête, non pas en mauvaise fête,
mais en fête insuffisante comparée aux coûts qu’elle engendre?

En réalité, il y a toujours un
moment où on doit quitter une soirée, c’est-à-dire après le summum de la fête.
Le point où on a «gagné» assez de plaisir et où le plaisir ne ferait que
décroître. Le problème c’est qu’on ignore toujours ce moment où la fête perd de
son intérêt. On devrait partir, mais on ne le sait pas encore… Sans compter
qu’il y a dans ce rapport l’espoir que la situation s’améliore.

La psychologie économique –l’étude
des comportements des agents économiques (individus, Etats, entreprises) de
manière scientifique– peut nous aider à résoudre ce problème en identifiant les
variables en jeu et en développant un système économique par points.

Cliquez sur l'image pour la voir en grand

Nous proposons un calcul afin de
permettre de résoudre ce choix de manière la plus optimale et la plus
rationnelle possible.

Ce choix comporte plusieurs
variables.

Tout d'abord, deux grandes
catégories: les coûts de la soirée, c’est-à-dire tout ce qui engendre un malus.
Ceux-ci sont d'ordre très divers: santé, argent, fatigue... Ils peuvent revêtir
des ratés pour le jour suivant. Il y a aussi les coûts d'opportunité existants
(si nous allons à cette soirée, nous ne pourrons pas travailler ce cours ou
prendre de l'avance dans notre travail).

La deuxième catégorie sont les
bénéfices attendus de la soirée. Ceux-ci sont d’ordre récréatif, d'expérience,
de nouvelles rencontres, sexuels…

Le calcul est simple: les
bénéfices attendus de la soirée doivent être supérieurs aux coûts engendrés.

Comment calculer B et
C?


Les bénéfices sont répartis comme
suit: tout d’abord, il s’agit des gens présents, selon qu’on les apprécie plus
ou moins (+5 lorsqu’il y a nos meilleurs amis ou des gens intéressants par
exemple). Ce sont les bénéfices que l’on attend de passer un moment heureux ou
intéressant avec eux.

Puis selon qu’on aime plus ou
moins la musique qui passe dans cette soirée, on va plus ou moins aimer y être
(5 points lorsque c’est nous qui la passons, -5 points lorsque c’est du
classique et qu’on est un fan inconditionnel de hip hop).

Les lieux dans lequel se déroule
la soirée (appartement, bar, discothèque) sont aussi notés de la même manière
(si on déteste les discothèques, on sera moins enclin à suivre un groupe qui
s’y rend).

Enfin, l’alcool est une variable
modératrice. Elle biaise le calcul par sa présence et atténue la rationalité.
Elle doit donc être prise en compte, autant
que faire se peut
. Ayant consommé trop d’alcool, l’individu aura de toute
façon du mal à interpréter les données. En tant que variable modératrice, elle
peut avoir le suprême impact de rendre le tout positif ou négatif. Si très peu
d’alcool est consommé, alors son impact est nul. Il ne compte pas 0 mais
disparaît tout simplement.

Les coûts sont le résultat
d’anticipation: «Si je quitte cette soirée, que va-t-il se passer?» La polarité
s’inverse par rapport aux bénéfices.

Tout d’abord, j’anticipe ma
fatigue du lendemain. Si je décide de rentrer maintenant, peut-être pourrai-je dormir
quelques heures de plus que si je rentre plus tard. Avoir de l’énergie à
revendre  sera interprété positivement à
-4. En revanche, être très fatigué sera mesuré de manière négative (+5) surtout
si je dois travailler le lendemain. Cette fatigue doit toujours être comparée
aux obligations qu’on a le lendemain. C’est donc un rapport de ces deux choses.

Les transports anticipés sont une
variable ayant un impact pouvant être démotivant. Savoir que l’on va devoir
marcher deux heures dans le froid n’invite pas particulièrement à partir. Ou au
contraire, cela est un critère pour partir plus tôt. Habiter tout près (-5) ou
bénéficier d’un moyen de transport personnel (un scooter par exemple: -5) sera
plus motivant pour rester à cette soirée que le fait d’habiter loin, dans un
endroit peu desservi ou qu’on ne possède pas de moyen de transport (+5).

Être sous l’effet de l’alcool
peut aussi avoir un coût supplémentaire. Savoir que l’on va être malade invite
à essayer de quitter la soirée (+5). L’alcool est donc à considérer par deux
fois de manière différente.

Ainsi nous avons:

Prenons des exemples

1) Pierre est à la soirée X, il a
moyennement bu (Bénéfice: nul, coût: nul). L’ambiance lui déplaît fortement
depuis qu’il passe beaucoup de musique qui n’est pas de son goût (M: -2). Bien
que ses amis soient toujours là, sa copine est rentrée chez elle (G: +1). Le
lieu est neutre (0).

Il a cependant envie de s’amuser,
de plus, demain, c’est dimanche (F/O: -5) et il habite à 5 minutes à pied: il
n’a pas envie de rentrer chez lui (-4).

Les bénéfices sont supérieurs aux
coûts. Il n’est pas encore venu le moment pour Pierre de quitter cette soirée.

2) Jeanne passe une soirée
extrêmement agréable: gens (+4), musique (+3) et lieux (+4) sont vraiment à son
goût. Cependant, elle a vraiment beaucoup bu (bénéfice négatif: -2, coût: +2).
Sans compter qu’elle doit demain aller au travail assez tôt (+4) et qu’elle
habite assez loin (+5).

Les coûts sont supérieurs aux bénéfices, Jeanne devrait rentrer
chez elle.

Procédure

Les mesures ne sont pas
standardisées. La notation est totalement subjective. Cela dépendra de la
personne qui souhaite donner à cet instant plus de poids à telle ou telle
variable.

Il est bon de mesurer la «valeur»
de la soirée après chaque mouvement (départ, arrivée, changement, etc) et selon
l’heure qui passe, après chaque demi-heure. Il y a toujours un instant où
chacun doit partir d’une fête, bien qu’il ne le sache pas forcément.

Cette méthode est un outil d’aide
à la décision. Elle ne fait que rationnaliser et récapituler les grandes
informations à retenir pour y voir plus clair sur son désir de rester ou non à
une soirée.

Elle peut aussi être utilisée
comme méthode de projection, c'est-à-dire, avant d’y être. La question se pose
donc, d’aller ou non à cette soirée.

Le modèle repose alors
entièrement sur des anticipations, c'est-à-dire quelles personnes je vais
probablement voir, quelle musique va probablement passer, combien de verres je
vais probablement boire… Ce calcul est donc encore plus instable.

Cependant, elle permet de
calculer les coûts et les bénéfices attendus de plusieurs options possibles et
de les comparer entre elles pour pouvoir se décider (je choisirais ainsi la
soirée avec le moins de coûts ou le plus de bénéfices). Un autre coût doit
aussi être pris en compte lorsqu’on choisit de partir en soirée: c’est le coût
d’opportunité (c’est-à-dire que le temps investi à cette soirée ne pourra pas
être investi à faire autre chose, comme lire, travailler ou faire le ménage). Les
bénéfices attendus en valent-ils la peine comparés à tout le travail qu’il me
reste à faire?

Un dernier conseil: n’attendez
pas forcément l’effet de masse pour partir. Les gens attendent que d’autres
partent pour pouvoir partir, par mimétisme, mais aussi pour passer inaperçu histoire
de ne pas affronter l’hôte de la soirée ou l’organisateur. Ainsi, une seule
personne peut décider le départ de tout un groupe (le rôle du leadership serait
intéressant ici à analyser).

N’attendez pas que quelqu’un vous
tienne la main. Quand l’heure est venue, partez.

Antoine Malezieux

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