PSYCHOLOGIE – Comment affronter les difficultés de l’expatriation ?


PSYCHOLOGIE - Comment affronter les difficultés de l'expatriation ?

L’expatriation est souvent synonyme d'expérience riche et valorisante. Il ne faut pas oublier qu´elle requiert cependant une forte adaptation de l´expatrié à un nouvel environnement social, culturel et professionnel. Laura Elizabeth Turner, psychiatre et psychologue francophone à Buenos Aires a répondu aux questions du Petitjournal.com concernant les difficultés rencontrées lors d´une expatriation et nous livre quelques clefs pour les surmonter avec succès.

Lepetitjournal.com : Quelles sont les difficultés rencontrées lors de l´expatriation ?Laura Elizabeth Turner : L'expatriation peut être, dans certains cas, une expérience difficile associée à de multiples changements. Qu´elle soit temporaire ou permanente, l´expatriation se caractérise par une inévitable période de stress due à la peur de l'échec et à la perte de repères. Chaque individu réagit à ces événements en fonction de ses expériences passées, de ses traits de caractère et de son histoire personnelle. Quand les difficultés se présentent, les sentiments les plus fréquemment exprimés par les expatriés sont l'impuissance, la désorganisation, l'insécurité et la peur. D´autres symptômes peuvent également apparaître tels que l´anxiété, la dépression, les phobies, les "attaques de panique" et les troubles psychosomatiques. Alors, dans ces cas particuliers, la psychothérapie centrée est un outil utile et efficace pour relever ces défis progressivement. Elle permet de transformer un évènement parfois traumatique en une expérience de croissance et d’enrichissement personnel.

Quel est le profil de vos patients ?
Les femmes d´expatriés peuvent se sentir déprimées. Elles doivent parfois renoncer à leur carrière professionnelle ou à leur travail pour suivre leurs époux. Elles doivent souvent faire face à ces changements qui ne sont pas sans frustration, et en plus prendre en charge la majorité de l’adaptation familiale au sein du nouveau foyer : la maison, les enfants, l’école, etc. Alors que leurs maris, absorbés par leur travail, ne ressentent parfois pas ce choc avec la même intensité. Quant aux couples mixtes, ils peuvent souffrir de problème d´incompréhension du fait de malentendus liés aux différences culturelles. Enfin, certaines personnes suivent une psychothérapie car elles recherchent un lien social mais ont peur d´entamer une relation à cause du futur départ. Elles ont donc tendance à se refermer sur elles-mêmes.

En quelle langue pratiquez-vous vos consultations ?
C'est au patient de décider. La majorité choisit de suivre son traitement dans sa langue maternelle. Cependant, même si je parle français, certaines personnes préfèrent s´exprimer en espagnol plutôt qu'en français. Ce problème vient de la relation mère-enfant. La langue maternelle, associée à la mère peut être liée à des refoulements non résolus. Certains Français préfèrent donc communiquer – partiellement ou non - en espagnol afin d’aborder certains sujets ou exprimer certains sentiments.

Quels sont vos conseils pour surmonter les difficultés de l'expatriation ?
Il est essentiel de se renseigner avant le départ pour ne pas avoir des attentes en inadéquation avec la réalité du pays. Par exemple, certaines personnes pensent qu´il est facile de trouver un travail dans la ville alors que ce n'est pas forcément le cas. D'autres attendent de cette expérience qu’elle soit la meilleure de leur vie et sont donc souvent déçues par rapport à ces exigences disproportionnées. Il ne faut pas négliger la période d´adaptation lorsque l'on s'installe dans un nouveau pays. Celle-ci peut parfois prendre plusieurs mois. Elle passe par l´apprentissage de la langue mais également la découverte de détails de la vie quotidienne (faire les courses, prendre les transports en commun, conduire, etc.). Enfin, il est important de ne pas s'isoler et d'être capable de partager ses émotions. En Europe, dans certaines familles ou communautés, il est moins courant de parler de ses sentiments. L´individu se sent faible ou dévalorisé pourtant c´est tout l´inverse. C´est une démarche très courageuse. En tant qu´expatrié, les émotions sont plus fortes. Elles sont décuplées. Parler avec d´autres personnes des problèmes rencontrés est d´une grande aide. Il ne faut pas hésiter à demander de l´aide même si le séjour est de courte durée. Elle permettra à chacun de mieux profiter de son séjour. De même, avec l´émergence des nouvelles technologies, il est possible de commencer une psychothérapie dans le pays où l'on vit et de la poursuivre à son retour en France par l´intermédiaire de Skype.

Vous êtes membre de Babelpsi, pouvez-vous nous en dire plus sur cette institution ?
Babelpsi est une institution internationale, interdisciplinaire et multilingue dont les membres s’intéressent aux phénomènes interculturels, à la migration et à l'expatriation. Une de ses activités est le MIC (Multi interculturel Babelpsi). Ce sont des réunions ouvertes à des personnes de cultures différentes et parlant des langues différentes qui visent à échanger des expériences culturelles pour une meilleure compréhension mutuelle (famille, amis etc.). C'est une ressource très utile dans le processus d'adaptation. 

Propos recueillis par KT (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) Rediffusion

Laura Elizabeth Turner
Laura Elizabeth Turner est médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapeute diplômé de la UBA et à de la "Escuela de Psicoterapia para Graduados". Consultante auprès de l'Ambassade américaine et du Consulat français, elle travaille depuis plus de 10 ans avec des expatriés, en anglais et en français. Elle est aussi membre du groupe de recherche Babel Psi (www.babelpsi.com) et auteure de travaux scientifiques sur l´expatriation.

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