Prix Marcel-Vincent – Qui dort enrichit la nation!

Vaincre les ennemis du sommeil : lauréat du prix Marcel-Vincent 2012, Charles Morin, chercheur en psychologie, a développé une approche novatrice pour y arriver. Reconnus à travers le monde, ses travaux sur les troubles du sommeil peinent encore à se tailler une place dans le traitement des insomniaques québécois.

En 2009, le professeur à l’école de psychologie de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche Robert-Giffard a calculé que les troubles du sommeil privent le Québec de 6,6 milliards par an, coûts directs et indirects inclus. Absentéisme, productivité perdue, coûts de santé, consommation de médicaments… Selon le chercheur, il coûte dix fois plus cher de négliger l’insomnie que de la traiter rapidement et efficacement !

« On ne reconnaît pas encore l’importance du sommeil, alors qu’on passe le tiers de notre vie à dormir !, juge M. Morin. On le tient pour acquis, mais plusieurs choses peuvent dérailler au cours de la nuit. »

Selon une de ses plus récentes études, 40 % des Canadiens présentent au moins un symptôme de l’insomnie, comme la difficulté à s’endormir au moins trois nuits par semaine. Et 13 % des gens sont de réels insomniaques : ces difficultés la nuit se répercutent sur leurs journées, qui s’en trouvent perturbées.

« Disons qu’il y aurait matière à offrir des services aux gens qui souffrent de troubles du sommeil, constate Charles Morin. L’insomnie affecte la qualité de vie. Elle peut accroître les risques à long terme de dépression ou d’hypertension. Et, si on ne la traite pas tôt, on peut se retrouver avec des abus d’alcool et de somnifères ! »

Il a en effet constaté que 28 % des insomniaques légers ou lourds utilisent l’alcool pour s’endormir. « Ce ne sont pas seulement nos ancêtres qui se servaient un petit gin avec du miel », observe le chercheur. Il souligne que cette pratique nuit à un sommeil profond et réparateur.

C’est faute de ressources que les insomniaques se tournent vers les médicaments en vente libre, les produits naturels ou l’alcool. Même dans le bureau du médecin, le sommeil se retrouve souvent en bas de la liste des priorités à soigner. Si on a un médecin !

Bannir les siestes. Se coucher et se lever à heures régulières - même le samedi. Alléger les repas. Relaxer. Créer une ambiance propice au sommeil. Et ne jamais calculer le nombre d’heures qu’il nous reste pour dormir ! Voilà quelques-uns des conseils que Charles Morin prodigue aux insomniaques, après 25 ans à se pencher sur leurs nuits trop courtes.

Les somnifères peuvent être utiles dans certaines circonstances, mais la thérapie du sommeil qui modifie les habitudes du dormeur reste l’outil qui présente le plus d’efficacité à long terme. « Les médicaments modernes ont moins d’effets secondaires. C’est sûr que ce ne sont pas des bonbons, mais ils sont parfois utiles sur une courte période. Changer son mode de vie, c’est important, mais, parfois, on a besoin d’une bouée de secours. »

Avec des collègues américaines, M. Morin mène actuellement une étude comparative entre les approches psychologiques et pharmacologiques. Les patients se verront offrir l’un ou l’autre des traitements. Mais si les résultats sont décevants après six semaines, ils pourront essayer la deuxième option. Une approche intéressante, puisqu’elle calque ce qui se passe souvent dans la vraie vie : quand un traitement échoue, on en essaie un autre.

Et si un logiciel pouvait venir en aide aux plus technos des mauvais dormeurs ? Avec d’autres collègues américains, Charles Morin teste un programme de gestion du sommeil via le web. « Les gens s’autoévaluent. Puis, ils reçoivent des conseils sur les moyens qu’ils peuvent prendre pour modifier leur attitude face au sommeil. Ils ont aussi un journal de bord. Ce n’est pas comme d’avoir un thérapeute, mais ça va chercher un plus grand nombre de personnes à faible coût. C’est le modèle du traitement par paliers : si ça ne fonctionne pas, on passe à l’étape suivante, soit la consultation en personne ou la thérapie de groupe. »

Il y a plusieurs années déjà que Charles Morin caresse le rêve d’une clinique du sommeil publique à Québec : il doit recommander les patients à Montréal, pendant que le projet tarde à se concrétiser.

« On a l’expertise ici ! Je ne perds pas espoir, mais disons que ça fait un bout de temps qu’on travaille sur ce projet. On sent une méconnaissance de l’importance du sommeil. Pourtant, l’insomnie est un problème de santé publique extrêmement important ! Aux États-Unis, les hôpitaux universitaires ont leur clinique du sommeil. Disons qu’on tire un peu de l’arrière en matière de transfert des connaissances du laboratoire à la pratique. »

Grâce à ses publications scientifiques et à son ouvrage grand public, Vaincre les ennemis du sommeil, l’approche de Charles Morin a connu un rayonnement international. « Le plus touchant pour moi, c’est quand un professionnel de la santé vient me dire que mes travaux ont influencé sa pratique. Ou quand une personne vient me raconter qu’elle se sent désormais moins seule avec son problème ! »

Environ 40 % des Canadiens présentent au moins un symptôme de l’insomnie.
Charles Morin

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