Pourquoi je pleure? Une question difficile sur laquelle la science n’a …


PSYCHOLOGIE - Une discrète larme qui pique l'œil, glisse sur la joue, ralentit près du nez et meurt au coin de la lèvre. On ne devrait pas être surpris, quelques instants plus tôt, nous reniflions déjà. Essuyer d'un revers de la main et afficher un sourire feint. Soyons sérieux, nous éprouvons de la peine oui, mais, d'ordinaire, nous ne pleurons pas.

Ces derniers jours, entre les éditions spéciales des chaînes d'informations, le hashtag #rechercheParis, les bougies près du Bataclan, la minute de silence au bureau, les portraits des victimes et les témoignages en pagaille, les larmes nous prennent parfois par surprise. Pourquoi? Pourquoi pleure-t-on? Surprise, aussi évident que ce réflexe physique semble être, la science n'a pas encore percé tous les mystères de nos crises de larmes.

À Sao Paulo devant le consulat français le 15 novembre 2015

Préserver une humidité salutaire, voilà l'un des objectifs principaux de nos larmes dites "basales". Elles sont composées de protéines et "d'autres substances qui maintiennent l'œil sain et permettent de combattre les infections", explique Michael Trimble, l'auteur de Pourquoi les humains aiment pleurer (inédit en français), publié dans la revue Scientific American. Quand l'œil est irrité, à cause d'une fumée de cigarette, d'un coup de vent trop fort ou d'un oignon, nous produisons des larmes "réflexes".

Mais ce sont une troisième sorte de larmes qui apparaissent au coin de l'œil depuis vendredi 13 novembre, les larmes dites "émotionnelles". Celles-là même qui coulent sur nos joues après une rupture ou devant un film émouvant. Pourquoi la peine nous pousse à pleurer? Sur ce point, il existe plusieurs théories.

Certains scientifiques suggèrent que les humains pleurent pour signaler leur détresse sans faire de bruit. "On peut imaginer qu’il y aurait une pression dans la sélection naturelle pour développer un système de signaux qui ne feraient pas savoir aux prédateurs que l’on est vulnérable", expliquait ainsi Randy Cornelius, un psychologue de l’Université américaine de Vassar, interrogé à la radio nationale NPR. Une théorie critiquée car en terme de survie, pleurer peut même nous distraire d'un comportement plus adéquate tel que la fuite.

Pourquoi certaines larmes nous font du bien?

Demander du réconfort, voilà une autre raison pour laquelle les humains pleurent. "Pleurer est un moyen d’obtenir du soutien de la part des autres pendant les moments de détresse", affirme Lauren Bylsma, docteur en philosophie, ancien doctorant de l’université de Pittsburgh, qui a mené des études multiples et écrit plusieurs articles sur les larmes et l’action de pleurer.

Les enfants pleurent pour attirer l’attention de leurs parents, tandis qu’un adulte peut pleurer pour s’attirer la compassion d’un ami ou de l’être aimé. Cela peut aussi mener à une résolution de conflit plus rapide au cœur d’une dispute. "Pleurer semble entraîner la compassion et la culpabilité, et cela peut être en soi un mécanisme évolué destiné à sauver les relations de la détresse", expliquait ainsi Jesse Bering de l’Institut de la Cognition et de la Culture de l’Université de Belfast toujours sur la radio NPR. "Il est difficile de punir ou de se disputer avec quelqu’un qui pleure… C’est comme un déclic qui incite à reculer."

Une grande partie de la recherche de Lauren Bylsma se concentre sur l'effet cathartique que l’on trouve dans l’action de pleurer. Pourquoi certaines larmes nous font du bien? Tout dépend du contexte. Si vous pleurez en compagnie de personnes qui vous soutiennent, dans un environnement chaleureux, vous aurez plus tendance à vous sentir bien que si vous essayez (sans succès) de retenir vos larmes dans un endroit où vous vous sentez vulnérable, en danger ou embarrassé.

Certains chercheurs ont aussi suggéré que les larmes émotionnelles, contrairement aux larmes basales et aux larmes réflexes, contiennent des hormones de stress, que le corps est capable d’évacuer durant le processus du pleur, la leucine enkephalin. "Pleurer pourrait donc pousser le corps à libérer des endorphines de bien-être (les mêmes que vous libérez quand vous faites de l’exercice ou que vous pleurez)", écrivait ainsi Judith Orloff, psychologue américaine contributrice sur Le HuffPost.

Pleurer nous rendra pas plus heureux

Une étude publiée en août 2015 dans la revue "Motivation and Emotion" s'est aussi intéressée au réconfort que pouvaient nous apporter les larmes. Cette expérience menée sur un nombre très limité de participants, 60 personnes, demande cependant à être confirmée à plus grande échelle. Les participants ont regardé deux films jugés très émouvants, La vie est belle de et avec Roberte Begnini et Hatchi avec Richard Gere.

Pendant la diffusion de ces films, 28 participants ont pleuré. En sortant de la projection, 20 minutes puis 90 minutes plus tard, les chercheurs ont demandé aux spectateurs de donner une note à leur humeur. Les 32 personnes qui n'ont pas versé une larme ont gardé un moral constant après la diffusion du film. Les autres participants en revanche se sentaient plus déprimés après le film qu'avant. Vingt minutes plus tard, leur humeur était revenue à la normale. Une heure et demi après avoir regardé ces films et avoir pleuré, ils se sentaient en revanche en meilleure humeur qu'avant le début de l'expérience. Selon Asmir Gračanin qui dirigeait cette étude, la courbe descendante puis ascendante du moral pourrait expliquer l'impression de meilleure humeur que nous ressentons après avoir versé quelques larmes.

Comme l'explique Laurence Janin-Schlemmer de Psychologies Magazine, le système parasympathique "chargé de rétablir le calme après une accumulation de tensions dans le corps se déclencherait en même temps les larmes. Donc, si elles n’en sont pas la cause directe, elles accompagnent le soulagement que nous ressentons".

En ces temps difficiles, où l'on accumule peine et angoisse, pleurer ne changera certes pas grand chose à l'issue de la soirée du vendredi 13 novembre 2015, cela pourra permettre d'alléger un tant soit peu notre fardeau.

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