Les hauts et les bas de la résilience chez les enseignants

Les enseignants, on le sait, ont la vie dure. Ils sont stressés, peu valorisés et confrontés à des cas de plus en plus complexes, des parents exigeants et des directions d'école débordées. De 20 à 40% des enseignants démissionneraient au cours des cinq premières années de leur carrière.

L'état psychologique précaire de certains profs a permis à Corinne Zacharyas, consultante en psychologie du travail, de mieux étudier la résilience au boulot dans le cadre de son doctorat à l'Université de Montréal. «La résilience est définie comme une aptitude à rebondir et à se développer positivement en dépit de circonstances défavorables, explique-t-elle. Plus un individu est résilient, meilleur serait son bien-être. Dans le contexte du travail, une personne résiliente résisterait mieux au stress et resterait plus facilement en poste.»

Des superhéros fragiles

Plus de 530 enseignants du primaire et du secondaire ont participé à la recherche de Corinne Zacharyas. Premier constat: environ 10% d'entre eux seraient très peu résilients. Ils auraient en plus une faible santé psychologique, c'est-à-dire qu'ils vivent beaucoup de détresse et peu de bien-être. «Dans cinq ans, ces personnes seront sans doute en épuisement professionnel», estime la spécialiste.

Mais il y a une bonne nouvelle: le quart des enseignants est très résilient. Ce sont eux qui ont aussi la meilleure santé psychologique.

Entre les deux extrêmes, on retrouve des enseignants qui ont une résilience et une santé psychologique variables. C'est là que les résultats sont le plus surprenants. «Certains enseignants affichent une résilience à toute épreuve. Ils sont compétents et efficaces. Mais à l'intérieur d'eux-mêmes, tout s'écroule», rapporte Corinne Zacharyas.

Autrement dit, la résilience ne garantit pas une bonne santé psychologique. Pour que l'un aille de pair avec l'autre, il faut un ingrédient supplémentaire: le plaisir au travail. «Sans quoi les enseignants accomplissent leurs tâches par obligation», analyse Mme Zacharyas.

Corinne Zacharyas a aussi découvert que la résilience peut devenir le talon d'Achille de certains individus. «L'enseignement est un travail émotionnel, signale-t-elle. Ça peut devenir épuisant si on s'y investit sans partager ce qu'on ressent. Mais bien des résilients agissent ainsi pour mieux résister à ce qu'ils vivent. Et ceux qui les fréquentent ne cherchent pas à savoir s'ils vont bien parce qu'ils les voient comme des superhéros capables de tout traverser.»

La consultante propose de créer au sein des écoles des lieux de parole qui pourraient prendre la forme de 5 à 7 ou de groupes de discussion. «La plupart des enseignants affirment ne pas avoir le temps de se parler, remarque-t-elle. Au cours des réunions et des journées pédagogiques, les échanges restent fonctionnels. À quel moment un prof peut-il dire «Ça me rend tellement triste quand cet enfant ne réussit pas»? Pourtant, c'est dans ces moments qu'on satisfait le besoin d'interagir avec ses pairs.»

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