Les âmes blessées

Après Sauve-toi, la vie t’appelle (Odile Jacob), où il racontait comment il avait été sauvé des chambres à gaz puis était parvenu à se reconstruire, Boris Cyrulnik revient sur cinquante ans d’histoire de la psychiatrie, dans laquelle il a choisi de mettre ses pas très jeune, s’intéressant de près à la souffrance humaine, celle des « fous », des orphelins ou des enfants maltraités. Le célèbre psychiatre, spécialiste de la résilience, concept qu’il contribua à faire connaître en France, a le mérite d’une certaine humilité, ce qui le place à rebours des experts trop sûrs d’eux, portant un regard implacable sur l’autisme, la schizophrénie, la dépression aiguë, les troubles psychotiques ou autres handicaps mentaux.

Dommage que son livre, bien écrit, sobre et jouant la partition de l’apaisement et de la mesure, tout en condamnant les idées reçues, fasse l’impasse sur l’engagement des chrétiens (qui ne sont pas fascistes – le sous-entendu est parfois limite !) dans cette folle aventure pour soulager et comprendre la souffrance psychique. Dommage aussi qu’il passe sous silence des hommes comme Victor Frankl (1905-1997), psychiatre autrichien fondateur de la logothérapie.

Dommage enfin qu’il se félicite que les années 70 aient permis d’aborder certaines questions « de manière médicale et psychologique et non plus seulement par la religion et la morale ». Certes. Mais il aurait alors fallu toucher un mot des dérives actuelles de la psychiatrie et de la psychanalyse, qui tentent souvent de s’instituer en lieu et place de la morale et de la religion. Créant ainsi de nouvelles névroses.

Quant à son enthousiasme envers la jeune génération de psychiatres, qu’il nous soit permis de ne pas la partager. S’ils sont peut-être plus ouverts et mieux formés, sont-ils pour autant davantage empreints de sagesse humaine et d’empathie ? 

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