L’Apocalypse de Jonathan ou l’apocalypse de l’université

Pour son premier article sur MediaEtudiant.fr, Julia787 nous présente le livre d’un jeune auteur qui relate la vie de Jonathan, un jeune étudiant en psychologie. On le suit dans la vie de tous les jours, dans ses problèmes à la fac, ses soirées… mais au-delà de ce quotidien qui peut sembler banal c’est l’analyse qui en est faite qui confère tant de saveur à ce livre.

Elle a découvert ce livre grâce à l’offre Amazon "un ebook à 1,50 euros". Il s'agit de L’Apocalypse de Jonathan, par Samuel Dock. Internet est peu généreux en information sur l’auteur. Il est possible d’apprendre, au mieux, qu’il a vingt-six ans et qu’il est psychologue clinicien. Pas de quoi écrire une biographie !

Sans cette offre, peut-être que le public n’aurait pas entendu parler de lui et c'est bien dommage. C'est peut-être la raison même de cet article : présenter un jeune écrivain talentueux qu’il serait dommage de négliger.

 « Jouer le jeu sans règle »

La couverture (le triptyque « le jardin des délices » de Bosh) et la citation choisie par la maison d’édition pour présenter le livre donnent tout de suite le ton : « comme tous ceux de ma génération, ce n'est pas l'inconnu qui m'aurait fait peur mais la reproduction conformiste de votre parcours à vous, dupliquer votre existence au profit d'un faux confort, ne jamais nous réaliser, on ne vit pas ce qui a déjà été vécu par quelqu'un d'autre ».

L’auteur aborde tout au long du roman la question de cette « génération » qu’il n’aura de cesse de chercher à définir avec l’intransigeance d’un scientifique, une minutie d’orfèvre. Tantôt de manière très directe :

"Ma génération dispose de sa propre parentalité. Nous prenons conscience bien plus tôt des défaillances de nos parents, y voyons des humains bien avant d’en avoir fait des dieux. Il n’y a plus personne en qui croire, tout déçoit et tout est permis, nos parents nous accoutument à la déficience, nous pouvons faire pareil, c’est notre nature, l’ordre des choses. C’est le modèle défectueux que nous avons, plus personne n’a la guerre et la pénurie dans le sang, plus personne n’est ce genre d’adulte."

Tantôt de manière plus métaphorique : « Que reste-t-il dès lors à changer ? Elles aiment contempler les cicatrices des catastrophes, les stigmates du pouvoir sur leur mortalité. Quand un autre meurt ce n’est pas soi ».

Mais à cette question du « générationnel » qui a été relevée par plusieurs blogueurs sur la toile (au même titre que son exigence de travailler la beauté de la langue française et le retour à une vraie littérature, la sophistication des émotions etc.) il serait intéressant d’en soulever une autre qui structure l’intégralité du roman : celle de la vie étudiante.


« C'est une tendance à respecter, rien de plus »

Effectivement, nous suivons tout au long du roman les pensées de Jonathan qui est étudiant en psychologie. Chaque cours, chaque soirée, chacun des aléas de l’administration donnent lieu à des analyses de la vie étudiante. La plupart des lecteurs soulèveront le pamphlet contre l’enseignement de la psychologie :

"Leur théorie n’est que leur expérience de la vie, un reflux de bistrot, celui-là même dont ils ordonnent de se méfier, le leur vaut mieux quand il peut emprunter le nom de Lacan ou de Winnicott, personne n’ira vérifier une source déjà tarie. Sauf moi. Tous mes camarades recopient les jappements, s’inclinent devant les maitres de l’esprit pour déniaiser le leur. Terrible ironie que la mort de la raison brandisse l’étendard de la démagogie."


« La vigueur de notre âge tient de notre capacité à s’unir »

Mais Samuel Dock ne s’arrête pas là. La visite médicale obligatoire, les grèves, les professeurs et le sectarisme de certains étudiants : rien n’échappe au prisme déformant (reformant ?) du regard de son protagoniste.

On ne peut que se réjouir quand la littérature aborde de manière sérieuse et approfondie ce que nous pouvons tous traverser : l’hésitation, le doute, le désespoir, le mal-être…mais aussi d’autres émotions dont on parle rarement : « De l’exaltation mêlée à de la nostalgie et des envies d’ailleurs nous parcourent. Je le sens bien, notre absence est la même, au carrefour des mêmes âges, hâtif de nous débarrasser de la mue d’un passé déplaisant ».


« L’apocalypse est humaine »

Les médias ne manquent jamais une occasion de parler des problèmes des étudiants, ils donnent des chiffres et égrènent des informations sur les réseaux sociaux, la drogue, la sphère du sexuel, le vide de sens d’un âge où la jeunesse se traîne et s’enchaîne.

On ne peut qu’être bouleversé, à la lecture de l’Apocalypse de Jonathan, de découvrir le psychisme, le cœur, la vision du monde sensible d’un jeune être humain en cette époque de transition. De faire de ce Jonathan, ce martyr des civilisations, l’étendard d’une génération tantôt X, tantôt Y, toujours vivante et en retrait.

Espérons que ce livre puisse redonner du cœur, du fond aux débats, qu’ils puissent revenir à l’essentiel de la pensée, à ce qu’il peut y avoir de terriblement universel à l’université mais de terriblement singulier également. L’Apocalypse de Jonathan est l’anti-stigmatisation, on y trouve une écriture incroyable, un ami…notre propre voix aussi.

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