La République face à la folie meurtrière

Cela va faire plus de dix jours que  la folie meurtrière a envahit nos écrans de télévision. Dès lors tout est en place pour que nous assistions à une récupération politique de ce drame. Moults experts d’Etat autrefois auto-proclamés, aujourd’hui nommés par le pouvoir, se sont succédés sur les antennes de la radio de service public: diagnostics vagues, psychologie de bazar, rien ne nous aura été épargné... Mais les faits sont têtus et bien avant l’épilogue on revivait tous le actes d’une histoire bien ancienne, celle de la maternelle de Neuilly. Les principaux acteurs étaient en place pour continuer leur impéritie sécuritaire, le Président candidat , le premier. Au lieu d’une énième loi prise sous le coup de l’émotion, c’est plutôt une analyse minutieuse des dispositifs anti terroristes qui faut mener et aussi s’interroger sur  la notion de passage à l’acte.

 

 

 

Le spectacle Sarkozyste.

 

Depuis 2002 et compte tenu de la concentration des pouvoirs qui s’est produite, un seul nom en haut de la hiérarchie des responsabilités et donc de l’échec sécuritaire: Nicolas Sarkozy.

La fusion police/gendarmerie, la fusion RG/DST donnant la DCRI, les fichiers Cristina et autres, la concentration de l’action publique pénale directement entre les mains de la présidence, l’idéologie d’Etat et ses instituts divers de sécurité fort peu universitaires, la naissance d’une discipline scientifique d’Etat: la criminologie sorte de digeste de recettes panoptiques..etc.. Tout cela est son oeuvre. L’investissement politique du candidat président fut massif en ce domaine...Le résultat est  toujours négatif, mais peut importe à chaque fait divers on va empiler de nouveaux dispositifs sécuritaires pour montrer que l’on-fait-quelque-chose.

 

Cette politique spectacle signe la naissance de cette carrière politique dont la genèse se retrouve non pas dans une mesure économique brillante ou une gestion territoriale hors norme. Non, le départ de cette carrière est d’avoir été négociateur habile dans une prise d’otage d’enfants dans une maternelle à Neuilly..... Etait ce la place d’un politique. ?.Peu importe,  comme une sorte de bravade, l’homme  allait nous faire la démonstration de sa virilité politique et son talent d’acteur dans un coup médiatique inédit...

Depuis ce jour, et après la  mort du preneur d’otage ( H-Bomb), seule  l’image du leader politique luttant contre le mal s'imposera: l’homme qui lutte ( à mains nues ?) contre la racaille...( cf Human Bomb et le futur président par Alain Vogelweith dans Les mauvais jours finiront éditions La Fabrique 2010)

C’est un beau créneau, car des faits divers , il y en a tous les jours, tous aussi plus violents les uns que les autres....

Jacques Chirac en 2002 lui ouvrait voie en lui confiant le ministère de l’intérieur...Dès lors l’homme n’était plus seul: il avait ses hommes..Au fil des années l’on a assisté à une sorte de patrimonialisation de la sécurité au profit d’un seul homme, sorte de maillage territorial et neuronal qui faisait remonter toutes les informations au profit d’une seule personne placée au sommet de la hiérarchie..Au fil des années,  furent avalés et digérés: le ministère de la justice, le ministère de la défense, un bout des universités...

 

 

Dispositifs  policiers et techniques anti terroristes en errance

 

 

Les personnels de police  font leur travail comme ils peuvent. Dans les drames de Montauban et de Toulouse le pouvoir leur avait assigné «une obligation de résultat».. Pure tautologie puisque ces services sont toujours chargés d’interpeller les auteurs au plus vite. A meurtres multiples et exceptionnels, dispositif exceptionnels.... 1000 policiers et techniciens, une équipe du RAID, certes...

Tous ces personnels ont fait le travail mais dans une ambiance mediatico-politique de premier ordre. Le Monde du 24 mars 2012 nous indique « Gueant et Sarkozy sont restées en contact permanent durant la crise. mercredi le Chef de l’Etat a refusé l’assaut rapide envisagé par son ministre». L’exécutif a directement mené les opérations faisant fi, comme habituellement des textes de la République, des « corps intermédiaires», Procureur, responsables de police ....

Dès lors ce fut assauts, retraits, négociations, de nouveaux assauts....autant de tergiversations tactiques qui peuvent s’expliquer par les ordres et contre-ordres politiques. Comme le décrit Christian Prouteau, fondateur du GIGN  à propos de l'opération du RAID à Toulouse : un assaut mené selon lui "sans schéma tactique précis».http://www.sudouest.fr/2012/03/23/mohamed-merah-il-fallait-le-bourrer-de-gaz-lacrymogene-critique-le-fondateur-du-gign-667514-5215.php

 

Cette situation s’explique par cette hyper concentration de pouvoirs  dans la lutte anti terroriste. Cette concentration a aboutit à une «parisianisation» . A l’image des BAC dans les quartiers , les services débarquent sur les lieux à la façon du FBI ( le fameux FBI français ). Cette démarche si spectaculaire qu’elle soit et plaisante pour les journalistes embarqués est source de multiples pertes d’informations de terrain.. En quelques sorte nous revoilà plongé dans les interventions des missi dominici dans la Provincia...

A quand la war room anti-terroriste à l’Elysée ?..

Par ailleurs, la fusion RG/DST semble avoir placé les services dans une véritable errance informationnelle comme en témoigne l’affaire de Tarnac ..totalement dépendants de la commande politique voire de l’ambiance politique d’un moment.

 

 

La violence folle

 

Al Qaïda n’est pas un réseau hiérarchique structuré. Dans cette affaire , c’est plutôt une invocation.Par contre la violence est gratuite, intense à l’image d’un Anders Behring Breivik en Norvège, violence inouïe qui s’impose face à l’innocence  des victimes.

Nous ne pourrons jamais connaître ou du moins approfondir réellement les mobiles, les circonvolutions mentales de cet homme devenu ivre de fanatisme. Pas d’expertise psychiatrique possible, pas d’expertise psychologique. L’action publique est éteinte par la mort du suspect ( à moins d’un rebondissement et de la découverte de complice et co auteurs).

La démocratie ne se trouve pas grandit de cette issue, car justement l’absence de procès  accroît le malaise, le non dit d’une situation absurde...

Ces victimes et leurs familles ne pourront pas trouver d’‘explication sauf a sombrer dans des théories faisant appel au choc des civilisations, aux troubles entre communautés religieuses. 

Notre République a perdu pour imposer la Raison, car nous connaissons ce fanatisme dans notre histoire lointaine et récente: de Simon de Montfort qui massacre toute la population de Béziers en disant « Tuez les tous . Dieu reconnaitra les siens » en passant par les guerres de religion et la folie nazie..L’on sait que l’homme peut être dans ses pulsions de mort hanté par un fanatisme lui dictant des actes ignobles. 

Mais souvent dans les faits jugés par les Cours d’Assises il n’y a même pas de fanatisme, simplement de la barbarie....

La surenchère de l’extrême droite prônant la peine de mort à tout va tombe complètement à coté de la réalité...C’est auteurs de ces meurtres sont déjà morts à l’humanité avant de donner la mort et de  se faire sauter...

 

Rejoindre l’humanité c’est être jugé

 

L’Etat de  droit, la République sont notre rempart contre la barbarie, à condition qu’ils  puissent exister, qu’ils ne soient pas confisqués au profit d’un seul fusse t-il amateur du Fouquet’s...

 

Quelques propositions

 

 

Ce n’est pas une nouvelle loi pénale qui nous sortira de l’ornière, ornière dans laquelle le pouvoir se complaît. Les débats sur le choc des civilisations, sur la consommation de tel ou tel viande nous a fait sombrer dans une abîme de bêtise .Les infractions de plus en plus floues proposées par l’actuel locataire de l’Elysée se heurtent déjà au scepticisme de ses propres services...Inutile d’en rajouter sauf à préciser que ce 22 mars, le Conseil Constitutionnel en censurant la loi Gueant portant création d’une base de données biométrique de population rappelle la nécessité d’une proportionnalité de tout fichier par rapport à un  but légitime .... 

 

Ce sont plutôt des  réformes de structures qu’il faut approfondir:

 

  • décentraliser la lutte anti terroriste: c’est la rapprocher de la réalité de terrain, l’éloigner des pressions politiques. Jusqu’en 1986 cette lutte était confiée à des juges d’instruction territorialement compétents non sans succès...

 

  • faire un audit  précis et objectif de la DCRI tout comme du rapprochement gendarmerie/police...Les résultats sont hasardeux , il est temps de se poser les bonnes questions.Il faut privilégier l’expertise d’usage, celle qui vient de la base plutôt que les charlataneries inspirées de méthodes néo manageriales sans aucune prise sur le réalité historique, sociale, culturelle de notre pays. 

 

  • Répertorier exactement le nombre de fichiers et les rendre opérationnels au regard de leurs finalités précises, en d’autre terme abroger le STIC  et autres fichiers inutiles. Réorienter les budgets vers la sécurisation des autres fichiers régaliens

 

  • Développer une véritable politique sociale et culturelle en direction des quartiers populaires pour éradiquer les causes de régressions collectives et individuelles qui conduisent au fanatisme et au terrorisme. Tout dispositif  social doit appréhender la fonction émancipatrice pour faire des individus épars et individualistes des citoyens...

 

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