La fausse psy avait signé 400 expertises


La fausse psychologue avait trompé son monde. / Photo DDM./archives.
La fausse psychologue avait trompé son monde. / Photo DDM./archives.

Dépourvue de tout diplôme, Régine Labeur, a réalisé 400 expertises judiciaires dont certaines ont brisé des vies. Elle était jugée, hier, en correctionnelle, à Toulouse.

« Ce travail me plaisait énormément. J'ai été ambitieuse, je ne savais plus comment m'arrêter. J'ai dû faire beaucoup de mal », reconnaît Régine Labeur, 55 ans, des sanglots dans la voix. Entre 2004 et 2009, elle a berné toute l'institution judiciaire sur le ressort de la cour d'appel de Bordeaux en se faisant passer pour un expert psychologue. Magistrats et fonctionnaires de Périgueux, où elle travaillait, n'y ont vu que du feu. Durant cinq ans, Régine Labeur a procédé à 400 expertises judiciaires, plus de 500 selon elle, en produisant des faux diplômes. Hier, cette femme s'est présentée à la barre du tribunal correctionnel de Toulouse pour usage de faux documents, usurpation et exercice illégal d'une profession. Une affaire à peine croyable qui a été dépaysée, à Toulouse, en raison des connexions entre la prévenue et les magistrats de Périgueux. « Ma fille aînée avait été abusée sexuellement par mon ancien compagnon. À partir de là, j'ai beaucoup étudié la psychologie. » Avec un BEPC en poche et une activité de comptable au sein de la société de transport de son mari, à Périgueux, Régine récupère sur internet, en 2003, des copies de diplômes, du DEUG au DESS de psychologie clinique. Avec une formation accélérée à l'université de Toulouse-Mirail et à la faveur de lectures sommaires, Régine ingurgite Freud. Elle scanne des copies de tampon « Académie de Toulouse » et utilise un autre tampon émanant de la fac du Mirail pour valider ses dossiers. « À la DDASS de Périgueux, où l'on enregistre mon activité de psychologue, on m'a juste demandé la copie des diplômes. C'est tout. » Inscrite auprès du tribunal de Périgueux et profitant du réseau de connaissance que son époux entretient avec les notables locaux, Régine Labeur se fait une place au sein du service départemental d'incendie et de secours de Dordogne, en tant que psy. « Vous faisiez tout ça pour l'argent ? », demande le président Roussel. Mais bien plus que l'appât du gain, (173€, le rapport d'expertise) « c'est le désir d'être reconnue qui me motivait, dit-elle, j'ai toujours agi avec impartialité. » Dans ces rapports, la fausse experte égratigne des victimes et draine des diagnostics tronqués. Ainsi, une mère se voit retirer la garde de ses enfants sur la base de ses conclusions. Une victime d'agression sexuelle voit son affaire classée à la suite de ses rapports, dont le travail est « basé sur des connaissances superficielles », observe un vrai expert. « Il y a des filtres judiciaires qui n'ont pas fonctionné », s'étonne l'avocat de la prévenue, Michel Nunez. « Je partais en vacance avec un juge de Périgueux », avoue-t-elle. Fin de la supercherie, le 29 avril 2009, lorsque son mari, placé en garde à vue pour violences conjugales, s'épanche auprès des enquêteurs : « Ma femme a de faux diplômes!»

Hier, la procureure Brigitte Lanfranchi a défendu l'institution judiciaire estimant qu'elle avait eu affaire à une « faussaire ». Elle a requis une peine de 3 ans de prison dont 15 mois ferme. Jugement mis en délibéré au 15 septembre.

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