En Syrie, la dépression, l’épuisement et les traumatismes sont …


PSYCHOLOGIE - Exténués par quatre années de guerre, éreintés par une crise économique qui les a ruinés, de nombreux Syriens souffrent de dépression et de troubles psychologiques. Pour la première fois, le ministère de la Santé a révélé fin février l'étendue des dégâts: le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux a bondi de 25% depuis 2011, les tentatives de suicide sont en forte hausse et 40% de Syriens ont besoin d'un soutien psychologique et social.

Dans une clinique du centre de Damas, une femme de 55 ans décrit à son cardiologue des douleurs thoraciques et des palpitations, mais celui-ci est formel, il ne s'agit pas d'une maladie cardiaque. Elle s'effondre alors en larmes et confie: "deux de mes fils sont morts dans les combats. Mon troisième fils est en prison et je n'ai aucune nouvelle de lui", raconte à l'AFP le médecin, qui refuse d'être identifié.

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Une famille de réfugiés syriens devant une maison dans un quartier d'Istanbul le 4 mars 2014.

Aucune amélioration ne se dessine, bien au contraire

Selon ce cardiologue, sur dix de ses patients, quatre, souvent des déplacés dont le niveau de vie a chuté, souffrent de stress ou de troubles mentaux. "Ils sont déprimés et anxieux à cause du conflit et cela se traduit parfois par des manifestations psychosomatiques", explique-t-il. En quatre années de guerre, plus de 220.000 personnes ont été tuées, 11,4 millions ont fui leur domicile.

Et aucune amélioration ne se dessine, bien au contraire. Chaque jour apporte son lot d'abominations, commises notamment par le groupe jihadiste État islamique (EI). "Les cas de dépression et de troubles de stress post-traumatique (TSPT), qui se traduit par des tensions, de l'anxiété, des cauchemars, ont augmenté de 30%" depuis le début de la guerre, affirme à l'AFP un psychiatre, qui exerce dans une clinique d'un quartier commercial de Damas.

Ce médecin, qui a étudié en France, assure que la population est "fragilisée" psychologiquement et physiquement. "Nous sommes désespérés. Les tueries continuent, il n'y a pas de mazout pour le chauffage, pas d'électricité, le gaz domestique est hors de prix. Je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir", se désole Abou Samer, propriétaire d'un grand magasin d'ameublement déserté par les clients.

Une 'génération dévastée'

Des obus tombent régulièrement sur certains quartiers de la capitale, et le conflit a fait reculer de trois décennies l'économie: une partie des infrastructures sont détruites, la monnaie a perdu 80% de sa valeur et la moitié de la population est au chômage. Même constat alarmant chez un pharmacien du quartier central de Qassaa, qui constate que les ventes de somnifères et d'anxiolytiques ont bondi de 30% depuis 2011. "Chaque jour, plus de 20 clients réclament ces médicaments mais je n'en vends qu'à quatre ou cinq qui possèdent une ordonnance", témoigne-t-il.

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Des civils syriens cherchent des survivants après des raids aériens par les forces du régime dans le quartier tenu par les rebelles de Douma à l'est de Damas le 9 février 2015.

Les "Dames de charité du Bon pasteur", un centre d'écoute dédié avant la guerre aux victimes de violences conjugales, apporte aujourd'hui en priorité un soutien psychologique aux déplacés. Les appels à l'aide ont plus que doublé depuis 2011, selon la psychologue Racha Taireh. Les troubles affectent aussi les enfants, confrontés aux horreurs de la guerre et aux traumatismes de la perte de repères.

Ainsi, Sabah, une mère quadragénaire, raconte que sa fille de deux ans a été atteinte un temps d'"une névrose obsessionnelle", la trichotillomanie, besoin compulsif d'arracher ses propres cheveux. "Nous habitions à Roukneddine (dans le nord de Damas), les bruits des tirs étaient intenses et il y avait beaucoup de descentes de soldats. Le trouble a disparu quand nous avons changé de quartier", explique-t-elle.

Ali et Kawa, 5 et 7 ans, font des cauchemars toutes les nuits à Jaramana, la banlieue druzo-chrétienne de la capitale, qui a subi par le passé des bombardements intenses. "Ils se réveillent terrifiés. Le petit fait pipi au lit, il ne veut jamais rester seul", raconte leur père Mohammad. Pour le psychiatre, c'est "toute une génération qui est dévastée". "Les handicaps physiques et mentaux apparaîtront encore plus à la fin de la guerre car actuellement les gens sont davantage préoccupés par leurs besoins de base, le chauffage, la nourriture", prévient-il, pessimiste.

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