Ebola et la psychologie collective : la peur qu’il suscite n’est pas la …

Le virus est nouveau mais la peur qu'il suscite chez nous est millénaire. Si Ebola fut identifié pour la première fois en 1976 dans l'ancien Zaïre, il renvoie l'humanité à des peurs bien plus anciennes. Les angoisses qui traversaient nos ancêtres lorsque la peste décimait l'Europe animent aujourd'hui les médecins, les habitants de l'ouest africain en proie à ce virus meurtrier, les Américains et les Européens qui craignent une propagation. 

 

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Pendant longtemps la peste fut associée à des connotations morales et religieuses en Europe.

Aujourd'hui nous comprenons mieux le mythe des dix plaies d'Egypte comme une tribulation permettant de rationaliser et donner un semblant de logique à une pandémie. Mais la littérature ou encore le cinéma ont repris ces thèmes, leur ont insufflé tantôt un caractère romantique, tantôt un caractère dramatique. Et la culture populaire est empreinte de morbide : il fallait pouvoir représenter cette maladie qui décimait. Lui donner un visage. Mais à mesure que la science a découvert la vraie nature de la peste, son visage fut moins littéral. "En occident cette facette qui relève des croyances est en grande partie oubliée, on ne parle plus de fléau en termes bibliques", confirme François Lebigot, psychiatre spécialiste des traumatismes. Et de poursuivre : "En Afrique, la situation est différente et le virus peut encore être associé à un mauvais sort". 

La peur des Européens est suscitée par d'autres facteurs et malgré les explications de la science, son intensité n'a pas évolué. Il faut dire que la justification de la pandémie est aussi perturbante que l'explication religieuse qui était faite de la peste. "Invisibles, des insectes de la jungle pénètrent nos corps à travers tous ses orifices dans le but de nous nuire, l'explication scientifique est toute aussi horrible que les mythes religieux contés lors des épidémies de peste", nous explique Scott Bixby dans un article publié par le Daily Beast.

L'idée est d'autant plus terrifiante que ce sont les interactions sociales elles-mêmes qui seraient la cause de la propagation de nos ennemis mortels.  En somme, la nature même de l'être humain deviendrait son propre ennemi. Ne pas pouvoir serrer la main des gens, ne pas pouvoir embrasser celui que l'on aime lorsque l'on rentre chez soi le soir. La peur de quelque chose d'invisible et d'inconnu. Sa facilité de contagion. "C'est une maladie mortelle sans traitement ni protection. Il est normal que cela crée des vents de panique dans les pays touchés. Ebola est extrêmement contagieux ce qui s'ajoute encore à cette peur", explique François Lebigot. "Par ailleurs, le virus est tout nouveau, ce n'est pas comme la peste ou le choléra où la peur est transmise de génération en génération. Ce qui parle à l'inconscient des gens, c'est plus largement la question de la vie ou de la mort, " conlut ce médecin.

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