Considérations sur… la débilité mentale

 

 CONSIDERATIONS sur la psychologie de l’enfant dans «ses pratiques "

                                     Méthode d’investigation : la pratique des tests d’intelligence

                   Analyse d’un cas particulier : « Le Débile mental »

 

Définitions 

La méthode d’investigation la plus couramment utilisée dans la pratique de la psychologie, en particulier dans l’orientation scolaire et professionnelle, est le test ou la batterie de tests.

« Le test est une situation standardisée servant de stimulus à un comportement qui est évalué par comparaison avec celui d’individus placés dans la même situation, afin de classer le sujet soit quantitativement, soit qualitativement. »

Certes les résultats des tests doivent être compléter par des entretiens, mais l’objet de référence reste les résultats du test considéré comme « la radiographie de l’intelligence ou de la personnalité d’un sujet, radiographie qu’il appartient, de la même façon qu’un médecin interprète  la radiographie d’un poumon, au psychologue d’interpréter. (Pichot)

La parfaite bonne conscience du  psychotechnicien « testeur », quant à la scientificité de son « instrument de mesure », est apparemment justifiée par tout le monde,  l’enseignant qui trouve souvent dans le test ce qu’il pressentait face aux échec répétés de l’élève, et surtout les patrons des entreprises qui apprécient la réussite des sujets que les psychotechniciens leur proposent à l’embauche, sauf peut-être par le « testé » qui vient d’échouer sans trop savoir pourquoi, et surtout une minorité de personnes, dont nous faisons partie, qui refusent de confondre « scientificité » et « efficacité », et ne se font guère d’illusions.

Si nous ne mettons nullement en cause l’efficacité des tests dans la sélection et l’orientation professionnelle, il faut bien reconnaître que les échecs professionnels des personnes sélectionnées , par des « testeurs » sérieux et des psychologues expérimentés sont rares, la multiplication et les chiffres d’affaire des « Service de Psychologie appliquée » sont des signes réconfortants pour les praticiens, présagent d’un avenir radieux pour les officines de consultants psychologues chargés, de plus en plus,de sélectionner les « meilleurs », et accessoirement de « réconforter » ce qui pourraient être dans la détresse

Si dans sa pratique, la psychologie fait preuve d’une incontestable efficacité dans des domaines de plus en plus diversifiés, si son audience s’est largement accentuée,  et  ses interventions sont de mieux en mieux appréciées dans le cadre de l’Education Nationale.

Il nous a paru utile de nous interroger sur la « scientificité » de la méthode des tests, tout particulièrement des « tests d’intelligence » qui ont la prétention non seulement de « mesurer l’intelligence », la capacité de compréhension actuelle d’un sujet en fonction de son âge, mais prétendent avoir aussi une valeur prédictive quant aux possibilités, en fonction des résultats obtenus et d’une certaine façon quantifiés par le Q.I (quotient intellectuel) , d’accéder au nec plus ultra plus ultra qu’est , dans notre civilisation la Pensée abstraite, qui est capable d’aborder à un haut niveau la Philosophie et les Mathématique  et autres Sciences de l’Univers.

A titre d’exemple, nous essaierons de « voir » dans quelle mesure ; le besoin de classification des enfants en fonction de rendement scolaire, « besoin » qui est à l’origine du test « Binet Simon » et d’autres tests d’intelligence, peut-il rendre compte de l’intelligence d’un enfant et surtout de l’évolution possible de cette intelligence. Nous nous interrogerons, plus particulièrement,  sur les dimensions idéologiques que recouvrent de leur « voile » le profil mental dégagé par ces tests qui ne font qu’entériner les préjugés existant  à propos de cette distinction admise, par le sens commun, entre une « intelligence abstraite », celle capable de manier de « concepts » et une « intelligence concrète » dont l’horizon serait limité à la manipulation d’objets et d’idées toutes simples, exprimées de manière concrète, simpliste.

Remarques préliminaires

Evitant de nous étendre sur un sujet qui mériterait à lui seul de longues pages de réflexions, nous nous contenterons de nous  cantonner à un niveau bien délimité et limité, à celui que nous connaissons pour avoir enseigné,de 1959 à 1991 comme instituteur spécialisé dans des classes de perfectionnement.

 Début des années 60, les structures qui accueillaient «les déficients intellectuels légers », s’appelaient « Ecole de perfectionnement » pour être appelées aujourd’hui « Classes d’Enseignement adapté ».

 Alors que jusqu’au début des années 60, on utilisait, couramment le terme de « Débilité mentale »pour tout enfant  qui avait un quotient intellectuel intérieur à  90/80, et qui  pouvait , de ce fait, « profiter » de l’enseignement d’instituteurs spécialisés qui avaient acquis le C.A.E.I (Certificat d’Aptitude pédagogique  à l’Enseignement des Arriérés Intellectuels), alors que nous  avons été titularisés en 1970 du C.A.E.I (Certificat d’Aptitude à l’Education des Enfant et Adolescents Déficients ou Inadaptés). Ces changements de vocabulaires ne sont que là pour masquer une réalité qui n’est que significative d’une diversité d’approches signifiant des degrés d’exclusions gradués et de mieux en mieux organisées

Fin des années 50, alors que nous nous étions engagés dans des études de psychologie, nous considérions l’intervention des psychologues dans les écoles comme un « progrès » qui permettrait, grâce aux interventions de personnes compétentes,de tirer le maximum, d’épanouir ces « élèves en difficultés », il nous était même arrivé de critiquer vertement un instituteur de cours préparatoires qui exprimait sa méfiance, assurant qu’il était de son devoir d’arriver à apprendre à lire aux élèves qui lui était confiés, m’assurant que ces interventions extérieures pourraient être préjudiciables aux enfants en difficultés qui vont être écartés du système scolaire normal, cloisonnés dans des classes « d’enseignement spécialisé » dont j’étais un éminent représentant, et que si j’avais, aujourd’hui, certes des élèves intellectuellement profondément perturbés, (ces élèves en question avaient un Q.I en 40 et50), il se pourrait bien que dans des temps tout proches, la multiplication de ces classes serait une voie de garage facile, justifiant les incompétences et défaillances des instituteurs ayant perdu quelque peu leur sens des responsabilités, en se réfugiant derrière les doctes propos des psychologues.

 Quelques années après, dans le cadre de notre critique de la psychologie, et à la lumière de notre pratique professionnelle dans le cadre des « écoles spécialisés », j’ai bien dû me rendre compte que mon collègue avait bien raison de se méfier des interventions des psychologues dans les écoles ; et surtout à ce jour cela devient même « grave », dans la mesure où ces interventions sont, soit un emplâtre sur une jambe en bois quand il s’agit d’interventions très ponctuelles, soit une justification des ségrégations sociales quand il s’agit de placer des enfants dans une des nombreuses « structures éducatives » de plus en plus diversifiées qui s’appellent Centre médico pédagogiques destinés aux handicapés mentaux moyens ou profonds : Q.I. se situant entre 40 et 70.et les Classes d’Enseignement adapté destinées aux enfant en échec scolaire ayant un Q.I  entre 80/90, ou même plus s’ils perturbent le « bon fonctionnement » de la classe. Les instituteurs, encore assez réticents au début des années 60, savent de mieux en mieux se servir  des « acquis de la psychologie », pour se débarrasser de certains élèves !

Nous référant à notre « expérience » et à nos « lectures » nous essaierons, brièvement, d’esquisser quelques réflexions sur « La débilité mentale », avant d’entrer dans le vif du sujet : La débilité mentale en question

 

Les tests d’intelligences pratiquées dans le cadre de l’Education nationale

Le test « Binet – Simon »  au début du 20ième siècle avait pour seule prétention de donner des indications sur les capacités intellectuelles et cognitives d’un enfant, et d’apporter une certaine « remédiation » pédagogique, dans le cadre des écoles primaires, aux enfants dits « anormaux » au début du siècle, c’est à dire des enfants en difficultés sur le plan scolaire, en particulier dans les apprentissages élémentaires de la lecture et du calcul.

Ce test, aux prétentions relativement limités au départ, est devenu par la suite, fin des années 40, le « Binet Simon » modifié par Zazzo, non seulement un test pour sélectionner et répartir dans des « classes spéciales » les enfants incapables de suivre un enseignement normal, mais un test d’intelligence affublé d’un Q.I. (Quotient intellectuel) quantifiant l’intelligence du sujet soumis à cette épreuve.

 Ce test  est non seulement considéré comme un moyen pour sélectionner et répartir dans des « classes spéciales » les enfants incapable de suivre un enseignement normal, mais offre selon Maurice  Zazzo un échantillon de questions révélatrices de l’intelligence de l’enfant. Il donne, selon son promoteur, une idée de la profondeur de la débilité mentale de l’enfant, des indications précieuse quant au stade de développement mental qu’atteindra l’enfant.

 

Le quotient intellectuel est établi après une trentaine d’items mis au point en 1906 par Alfred Binet pour le ministère de L’Education nationale. L’objectif était alors de détecter les enfants en échec scolaire pour leur apporter un soutien personnalisé. Il a été depuis adapté et modifié à plusieurs reprises pour aboutir au statut que lui conféra René Zazzo.

 D’autres tests comme le Wechsler ou le Standfort Binet avaient aussi eu la même fonction au moment de l’entrée en guerre des Etats Unis, ils visaient à sélectionner les candidats à l’entrée dans l’armée américaine ; par la suite dans les années 50/60, ils ont été en quelque sorte détournés  pour être « auréolés » des vertus qu’au départ ils n’avaient pas la prétention de faire valoir.

Le Q.I étant le rapport entre la note obtenue par l’enfant testé et la moyenne des enfants de sa classe d’âge le tout multiplié par 100, Zazzo établit une  classification qui vaut son pesant de préjugés idéologiquement plombés, et qui même remise à jour fonctionne toujours.

  Définition et profil du « débile mental » Pour la psychologie « classique », celle qu’on nous a enseignée début des années 60, qui un moment contesté, a été remise au goût du jour pour diverses raisons, dont la principale est la mise à l’écart d’un certain nombre d’enfants dans des « Institutions » dans la mesure où ils ne trouvent plus guère de « place » dans  un contexte social de plus en plus sélectif et exigeant des connaissance scolaires de plus en plus importantes. Par exemple, il y a une cinquantaine d’années, un « illettré » pouvait accéder à un emploi de balayeur de la ville de Strasbourg, alors qu’aujourd’hui on lui demandera à la fois un « comportement normal » et des connaissances scolaires du niveau de l’ancien certificat d’études  Bärbel Inhelder née 1913 à Saint-Gall (Suisse)  a fait ses études à la faculté des lettres et à l’institut des sciences de l’éducation de l’université de Genève. Elle fut l’élève puis la principale collaboratrice de Piaget, avec lequel elle a publié de nombreux ouvrages sur la genèse de la pensée et de l’intelligence chez l’enfant. Reçue Docteur en philosophie en 1943, avec une importante étude sur les déficiences de l’intelligence de l’enfant mentalement retardé, Bärbel Inhelder a acquis une réputation internationale grâce, non seulement, aux travaux réalisés avec Piaget, mais aussi à l’originalité de ses recherches personnelles, et notamment à l’attention qu’elle a portée aux composantes psychologiques du fonctionnement intellectuel de la pensée enfantine.

Pour Inhelder : « L’enfant débile se caractérise par une certaine viscosité génétique : en avançant plus lentement qu’un enfant normal, l’enfant débile garde une empreinte plus forte du stade de développement précédent, et risque par conséquent  toujours de régresser »

 

Psychologue, enseignant et chercheur, René Zazzo (1910-1995) s'inscrit dans les traces de son maître Henri Wallon, à qui il succédera à la direction du Laboratoire de psychobiologie de l'enfant (Ecole pratique des hautes études) en 1950. La préoccupation de R. Zazzo pour le développement et la mesure de l'intelligence, se traduit par une recherche de méthodes diagnostiques de plus en plus fines, notamment pour le concept de débilité mentale (dont il considère que les critères la définissant doivent être non pas physiologiques ou psychiatriques, mais psychopédagogiques). Pour comprendre la cohérence globale des enfants, il importe, selon lui, de tenir compte des aspects socioéconomiques et culturels, de la représentation de soi, de la genèse des valeurs mais aussi de l'activité électrique cérébrale, du contrôle psychomoteur et du développement morphologique.

A la suite de savantes recherches, R.Zazzo a introduit, pour donner au profil du « débile mental » une allure scientifique qui devrait permettre de distinguer les « vrais débiles mentaux » de « faux débiles » la notion d’hétérochromie.

 Selon lui, l’enfant « débile mental » se développe à des vitesses différentes suivant les différents secteurs du développement psycho biologique qui se caractérise tout particulièrement par une dissociation entre le rythme de développement somatique et le rythme de développement des tissus cérébraux ; comparé à l’enfant normal le « vrai débile » se caractérise par un développement psychomoteur à peu près normal (Test des deux barrages) et un déficit intellectuel plus ou moins important (Echelle d’intelligence type Binet).

Classification  traditionnelles des déficiences intellectuellesSi cette classification que nous donnons à titre indicatif, peut être parfois, vertueusement contestée, que les résultats des tests, le Q.I, détermine l’orientation des enfants dans les différentes « institutions », et il n’y a plus guère que les « déficients intellectuels légers » qui peuvent se retrouver dans des  classes d’enseignement adapté, souvent en compagnie d’autres élèves en situation d’échec scolaire, ayant parfois un Q.I supérieur à 100La déficience intellectuelle grave

Indication évaluative du quotient intellectuel (QI) : entre 30 et 50
Les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle qualifiée de grave ne peuvent accéder à des apprentissages de type scolaire et s’expriment d’une manière rudimentaire et concrète.
Ils possèdent peu d’autonomie.

La déficience intellectuelle moyenne : (QI) : entre 45 et 70 Les personnes atteintes de déficience intellectuelle moyenne peuvent accéder à des apprentissages limités (tels l’écriture et la lecture parfois) ;
Cependant leur autonomie reste limitée et leurs besoins d’accompagnement réels.La déficience intellectuelle légère : Q.I entre 80 et 100C’est en début de la scolarité que le psychologue détermine après test, ce niveau de déficience intellectuelle, et « propose aux parents », l’entrée de leur enfants dans une « classe d’adaptation », appelée, autrefois, classe de perfectionnement

Remarque

Aujourd’hui, on ne parle plus de « débile mental », la distinction entre les intelligences est mise en sourdine, on nous vante les mérites des écoles ou lycée « d’Enseignement adapté » ; mais dans la réalité les « remarques » qui vont suivre et que nous avons  rédigées il y a quelques dizaines d’années restent toujours « valables », et surtout René Zazzo, tout autant que Jean Piaget font encore autorité, malgré quelques critiques émises.

 

Dépistage et destin du « débile mental »

L’enfant d’âge scolaire qui n’apprend pas à lire et calculer et surtout qui perturbe le travail des autres, est au bout d’un certain temps, en général après un premier redoublement C.P (cours préparatoire) est soumis aux test mentaux, dits tests d’intelligence, (en général le B.S.Z, le Cubes de Kohs et parfois le W.I.S.C). Pour un Q.I aux alentours de 80, on proposera son admission à une « Ecole de perfectionnement » ou plutôt une « Ecole d’enseignement adaptée »

Dans ces « écoles » il est donnés aux enfants un « enseignement sur mesure », un enseignement à la mesure de ce qu’on sait, de ce qu’on croit savoir, de ce que dit la psychologie sur les limites intellectuelles du « débile ». Un enseignement qui maintient l’enfant dans un infantilisme conforme à l’idée qu’on se fait de l’enfant débile et un sous développement intellectuel qui situe bien la pratique d’aide sociale que constitue l’enseignement spécialisé.

Selon les « Instructions officielles », l’instituteur spécialisé doit « réconcilier » l’enfant « débile » avec l’Ecole, lui faire accepter sa « débilité mentale » et adapter ainsi son niveau d’aspiration à la « réalité ». Puisqu’il ne fait pas partie de ceux qui ont l’intelligence nécessaire pour faire des études ; il importe qu’il  accepte les « limites congénitales » de son intelligence pour acquérir les connaissances de base (lecture et calcul) et la docilité nécessaire à un bon manœuvre ou ouvrier spécialisé

Remarques
On peut remarquer qu’au milieu des années 60/ 70, il y eu bien des contestations sur les prétentions attribués aux tests d’intelligence, de mesurer l’intelligence des sujet grâce au Q.I dont Zazzo et d’autres avaient fait une classification par ordre de grandeur, et qu’il nous a paru intéressant de relever, bien qu’on y mette aujourd’hui, parfois des réserves, souvent, formelles, alors que la réalité est toute autre. Par exemple si on ne parle plus « d’idiot congénital » ou même de « débile mental  profond», il n’en reste pas moins qu’un grand nombre d’Institutions du genre Institutions médico- pédagogiques, Classes d’Adaptation qui traitent les enfants en fonction de leur Q.I, de la même manière qu’il y a cinquante ans, souvent avec la prétention d’apporter une aide, même d’une façon pire, comme nous avons pu le constater au cours de notre expérience professionnelle d’enseignant.  Fin des années 50, il nous était arrivé de retrouver dans une « classe de perfectionnement des élèves atteints d’une déficience intellectuelle grave, affichant un Q.I dans les alentours de 50. Si nous n’avons pas pu leur faire acquérir la maîtrise de la lecture et du calcul, pour la plupart d’entre eux, j’étais arrivé à leur faire acquérir quelques bribes de connaissances, surtout une certaine autonomie comportementale  qui leur avait permis d’avoir un emploi professionnel, comme par exemple  être balayeur à la Ville de Strasbourg. Aujourd’hui, cette même population est enfermée dans les Institutions médico pédagogique d’où ils n’en sortent plus, pour la bonne raison qu’il n’y plus de travail pour eux. Quant aux déficients intellectuels légers, ils atterrissent, le plus souvent, dans des C.A.T (Centres d’Aide au Travail), qui étaient réservés aux déficients intellectuels moyens, parfois on les fait bénéficier d’une aide à l’apprentissage qui leur permettra d’accéder, au mieux, au statut d’O.S  (Ouvrier spécialisé).

La psychologie, justifie d’une certaine façon les « exclusions » en participant à la mise en places des Institutions qui sont chargées de s’occuper des « handicapés ». Il est donc bien loin le temps où l’on préconisait l’embauche des handicapés, persuadé qu’on était que les contacts et tout particulièrement le travail avec « les autres » leur permettait d’évoluer, de s’épanouir, pour atteindre une certaine « normalité ». D’ailleurs, il m’était arrivé de retrouver à quelques reprises d’anciens élèves, classés comme « débile mental profond », et qui placés dans un circuit normal de travail, avaient fait des progrès étonnants, et pour moi, jeune étudiant en psychologie, imprévisibles, inattendus. C’est d’ailleurs à partir de ces observations et des lectures que nous avons pu faire, fin des années 60, que nous nous sommes débarrassés des « vieux clichés » véhiculés par la psychologie, pour aborder « le débile mental » sous un angle totalement différent ! De ces lectures et de notre expérience, nous en rendrons brièvement compte, juste dans le but d’esquisser une critique de la psychologie que nous développerons dans un autre « essai », retraçant notre parcours d’instituteur.

La « débilité mentale » en question   

         Si Maud  Mannoni, dans son livre : «  L’enfant arriéré et sa mère » souligne l’importance du barrage dans l’accès  à la parole la relation de l’enfant à sa mère, reprenant l’idée développée par la psychanalyse sur l’importance de la « loi du père », si elle reconnaît le décalage qui peut exister entre certaines famille et les « discours » et les « exigences » véhiculés par l’Ecole, si elle émet, à juste titre des réserves sur l’importance attachée au Q.I, sur sa valeur prédictive et pense que la distinction que certains psychologues ont pensé devoir introduire entre le « vrai » et le « faux » débile, après qu’ils aient pu constater une certaine vacuité des Q.I, est un tour de passe passe sans beaucoup d’intérêt.  

 

Le réquisitoire cinglant et aussi plein d’humour rédigé dans « Lettre à une maîtresse d’école », par des élèves italiens, considérés comme des « enfants débiles irrécupérables », qui pris en charges par un prêtre qui s’est occupé d’eux et les a « poussé » à parler et à écrire sur les péripéties de leurs parcours et surtout à livrer leurs réflexions, nous est apparu comme la démonstration évidente des ségrégations dont sont victimes, avec la complicité des psychologues, les enfants des milieux défavorisés

La lecture de ce livre et notre propres expérience professionnelle nous ont amenés à des réflexions qui pourront paraître quelque peu réductrices, simplistes, certains  étant persuadés que l’Ecole reste un lieu d’épanouissement des intelligences, qu’en tout état de cause, il existe bien d’indéniables différences entre le degré d’intelligence, la capacité d’abstraction et de compréhensions entre les enfants, que la capacité d’enfoncer un  clou  ne fait appel qu’à une « intelligence pratique » d’ordre psychomotrice d’un niveau inférieur que la capacité de lire et d’écrire le mot clou, c’est à dire la capacité de lire et d’écrire, ces mêmes personnes sont aussi persuadées qu’il est plus facile de comprendre, par exemple un mode d’emploi qu’un texte philosophique, alors que notre propre expérience et réflexion nous inclinent à penser que cette « hiérarchie » des intelligences n’est en théorie nullement fondée, mais par contre elle s’inscrit bien dans la logique sociale qui fait que ce sont bien ceux qui détiennent le Pouvoir, l’exercent par le magistère de la parole. Le maître est celui qui sait, alors que l’élève est celui qui doit apprendre grâce aux leçons du « maître » professeur ou instituteur qui dispense son savoir aux « ignorants » Ayant pour ce qui nous concerne, une certaine pratique de la réflexion philosophique nous comprenons plus facilement la philosophie , les écrits de psychologie, de métaphysiques qu’un mode d’emploi d’un montage ou d’utilisation d’une machine. Ne connaissant rien à la mécanique, quand j’ouvrais le capot d’une voiture les organes du moteur m’apparaissaient plus difficilement compréhensibles qu’une page  de philosophie.

Pour avoir travaillé comme professeur d’enseignement général dans une Ecole Nationale de Perfectionnement, avec des élèves considérés comme « débiles » j’ai pris conscience  que l’intelligence mise en œuvre pour monter un mur, ou faire un exercice de maçonnerie était toute aussi importante  que celle utile à l’apprentissage de la lecture, la compréhension d’un texte jugé difficile, ou l’apprentissage des mathématiques au niveau de la préparation d’un C.A.P.

A partir des années 70, plus particulièrement après la lecture de livre : « Lettre à une maîtresse d’école », contre l’avis des autorités éducatives : directeur de l’E.N.P (Ecole Nationale de Perfectionnement) et les Inspecteur en tous genres de l’Enseignement adapté, avec la complicité du professeur d’atelier de maçonnerie qui m’avait fait remarquer que nos élèves, classés dans la catégorie des « débiles légers » n’étaient vraiment pas plus « cons » que ces collègues de travail, quand il était chef de chantier, et même par la suite il venait me voir pour m’exprimer son « émerveillement » face à l’intelligence de certains d’entre eux qui avaient trouvé des solutions plus pertinentes que les siennes dans la résolution de certains problèmes techniques .En présentant ses élèves aux exercices pratiques du  C.A.P , ils obtenaient des résultats très satisfaisants

Pour ce qui me concerne après leur avoir fait quelques leçons de mathématiques concernant la géométrie, la trigonométrie, le Théorème de Thalès, celui de Pythagore et quelques autres notions de mathématiques quant aux aires et volumes, (en gros des connaissances de mathématiques que j’avais apprises dans mes études déjà bien lointaines), je prenais au hasard, sans l’avoir préparé, un problème de mathématique tiré du livret du C.A.P, pour essayer avec eux de trouver la solution. Dans cet exercice, il était arrivé plus d’une fois que les élèves trouvent, pour leur plus grande joie, la solution du problème que par jeu je m’étais  « amusé » à faire en même temps qu’eux.

Nous sommes arrivés non seulement à leur faire passer un Certificat d’Aptitude professionnel avec une évidente réussite (une moyenne de 50% ) alors que les autres collègues du même établissement qui suivaient le directives des « Inspecteurs » n’enregistraient guère réussite. Cette réussit était évidemment conditionné grandement par « l’acceptation » du côté des élèves à jouer le jeu en acceptant de « travailler » après s’être débarrassés des préjugés dont ils avaient été les victimes, 

Au début de notre décision de préparer nos élèves au C.A.P, il y eu bien des réticences, en particulier du côté du côté du professeur de technologie, et il était bien sûr arrivé assez souvent que des élèves échouent. Par la suite, il y eut un professeur qui partagea nos convictions. Un jour, je me suis pointé dans sa salle de classe, et je vois affiché le dessin d’une balustrade en fer forgé avec la Note de 20/20. En voyant le nom de l’élève, je n’en crus pas à mes yeux, parce qu’il s’agissait d’un élève qui  était, quand même considéré comme le « bon débile » qui était jugé, dans les conseils de classe, incapable de comprendre la notion de volume. Voyant cela, je me suis précipité pour interpeller cet élève, qui mis en confiance, rattrapa allègrement son retard au bout d’une année de travail acharné. Les controverses avec l’Administrations furent donc bien nombreuses au cours de ces années d’enseignement, pour aboutir, en fin de carrière, à un blâme condamnant mes pratiques pédagogiques « désinvoltes », avec un sanction administrative où ma note pédagogique passa de 15/20 à 11/20 et une lettre de menace de la part de l’Inspecteur d’Académie. Apprenant mes déboires, mes élèves, scandalisés, ont réagi en travaillant d’arrache pied pour réussir tous leur C.A.P complet, l’année de mon départ à la retraite en 1991.

Il nous apparaît qu’aujourd’hui, avec la mise en place d’une « pédagogie par objectifs » qui limite les objectifs dans les classe d’adaptation à des objectifs très limités, où l’intelligence est conçue d’une façon hiérarchisée, une telle expérience serait condamnée d’avance, parce que le contrôle du travail des enseignants est devenu de plus en plus tatillon. Les enseignants étant obligés de plus en plus de faire des préparations écrites, ce que nous ne faisions guère ; ils sont de plus en plus astreints à suivre les « instructions ministérielles ». Par ailleurs, il faut aussi reconnaître que les élèves et surtout les parents d’élèves, tout autant que l’Administration n’ont plus aucune « ouverture » aux méthodes d’enseignement « non conformes », je me suis trouvé être, sans doute, l’une des  « premières victimes », alors que dans mes débuts d’enseignant je m’étais trouvé en désaccord avec mon inspecteur, qui pourtant reconnaissait que malgré cela, il m’accordait sa confiance, étant donné que les élèves dont je m’occupais avaient fait de « grands progrès », alors qu’en  I987, j’ai été sanctionné parce que je n’avais pas de préparations écrite, et ai été considéré comme « un mauvais instituteur malgré les résultats obtenus par mes élèves. Ce qui signifie que, si on suit les procédures dûment répertoriées, l’échec des élèves est à imputer à ces derniers, donc l’enseignant n’a nul besoin à se poser des problèmes, mais doit « réorienter » les élèves dans des secteurs d’enseignement prévus à cet effet.

Conclusion                

Donc loin de prendre en compte le discours de la psychologie qui définit« La débilité mentale est un état de pauvreté et de faiblesse congénitale du psychisme dans son ensemble et plus particulièrement de l’intelligence mettant les sujets en état d’infériorité mentale »  (cf. Manuel Alphabétique de psychiatrie Edition P.U.F), nous pensons que le problème essentiel du « débile » est bien le « barrage » qui lui est imposé dans l’accès à la parole, parfois par sa mère mais le plus souvent par l’Ecole. Sans nous étendre les préjugés qui pèsent sur les « milieux défavorisés », nous pensons que l’Ecole véhicule des « modèles linguistiques » souvent bien éloignés de la langue des « milieux populaires » ; le langage parlé à l’école est souvent « incompréhensible » pour certains enfants. Les autres élèves, les bons élèves répondent à leur place, écoutent attentivement et font avec application les exercices demandées, alors qu’eux s’installent dans un silence plus ou moins buté ou dans une activité désordonnée, une agitation qui agace le maître qui va s’empresser de faire appel au « psychologue » chargé de « porter remède » à cette situation.

A l’Ecole, c’est l’enfant qui parle avec le plus d’assurance, qui s’exprime avec le plus d’aisance qui a le plus de chances de réussir. Les autres doivent accepter de corriger leur façon de parler, accepter la fiction d’une Ecole qui  dénie et dévalorise même leur  « réalité ». L’enfant des milieux « défavorisés » entre à l’Ecole avec un double handicap, il ne lui manque non seulement les connaissances requises pour être un bon élève, mais surtout les modèles qu’on lui propose ne correspondent guère et sont souvent en contradiction avec les « réalités » de son milieu. La réussite scolaire de ces enfants est souvent liée à un renoncement !

Certains enfants ne s’intéressent pas à l’Ecole, parce qu’ils se rendent bien compte que l’Ecole ne s’intéresse pas à eux. L’enfant qui n’assimile donc pas les matière de base enseignées à l’Ecole, qui ne sait, pour des raisons culturelles évidentes, répondre aux problèmes posés par un test ou une batterie de test  est considéré comme un « débile mental », ayant une intelligence inférieure étalonnée par le Q.I ou une courbe en cloche qui permet de le situer avec la population d’enfants de son âge. Très tôt, on considère qu’il a une capacité d’abstraction limitée alors qu’il n’a, souvent, pas, d’après nos propres observations, compris la logique et le langage de l’Ecole ou du test qui vraiment ne l’intéresse pas !

La débilité mentale, telle que nous avons pu l’observer, nous est apparu comme un « refus », mais elle est aussi souvent la conséquence d’un « rejet » Par les extrapolations qu’elle opère à partir des tests, certains psychologues, de plus en plus par les temps qui courent, semblent oublier la destinée première des tests, c’est à dire une sélection rapide et efficace des individus en fonction des exigences que requiert tel ou tel emploi, toute autre prétention relève de l’escroquerie intellectuelle. La hiérarchie établie par la psychologie entre une « intelligence abstraite », une intelligence capable de tenir un discours cohérent, un discours qui peut souvent faire illusion sur la maîtrise des choses par le sujet parlant,mais qui est convaincant parce qu’il sait à la fois utiliser les bonnes ficelles de la langues et des idées qui circulent, et une « intelligence concrète » qui serait incapable d’élaborer des « concepts » conforte la hiérarchie établie et logique entre « l’intellectuel » et le « manuel », puisque le premier donne des ordres aux second.

Nous pensons que le maniement des « concepts » à partir du moment où les règle du jeu ont été comprises, n’est pas plus difficile, ni plus « abstrait » que le maniement d’un outil pour fabrique un objet, nous dirions même que le premier est plus simple, car les exigences de la mise à l’épreuve ne sont vraiment pas du même ordre. Si nous pensons que la façon dont la psychologie traite le problème de la « débilité mentale » entérine donc bien les ségrégations imposées par la société, si par notre expérience nous avons pu prendre conscience de la supercherie que représente  quant aux capacités intellectuelles d’un enfant ou d’un adolescent,si nous avons bien pu prendre conscience que le développement de l’intelligence de certains enfant a pu être bloqué par le fait d’être désigné comme « débile », nous avons eu constamment le souci d’introduire nos « débiles » dans le jeu du langage, de la parole et de l’écriture qui participent avec la maîtrise des « choses » au développement de l’intelligence.

Tout au long de notre carrière « d’instituteur spécialisé », nous avons bien pu prendre conscience que si nous faisons le démarche  de reconnaître l’égalité entre les intelligence, de considérer notre intelligence non pas en terme de supériorité parce que nous avons fait des études « supérieurs » et nous pouvons nous prévaloir de nombreuses lectures, nous n’avons pas manqué d’être surpris par la capacité de compréhension et d’inventivité de ces élèves mis au rebus et considérés comme des « débiles ».. Nous nous rappelons bien la joie d’un de mes élèves tout surpris d’avoir réussi à expliquer à sa copine, en classe terminale de lycée, des problèmes de mathématique, et surtout l’immense joie de tous ceux, qui ayant pris confiance en eux, prenaient conscience qu’ils comprenaient, qu’ils avaient une intelligence normale, comme les autres, comparable même à la mienne !

Remarques

Pour l’essentiel, ces réflexions écrites il y a une trentaine d’années, nous les avons réintégré à notre « essai », en les réactualisant, plus particulièrement après avoir vu le film le film à succès « Entre les murs »couronné au Festival de Cannes. La commisération et le dédain du « maître » pour ses élèves, nous a bien rappelé que la distinction entre « intelligence pratique » et « intelligence abstraite » restait d’une brûlante actualité, et que les lycée d’Enseignement adapté, restent des lieux d’une ségrégations aux apparences « soft », alors qu’ils sont à la limite plus « baisants » que nos anciennes écoles de perfectionnement pour « arriérés mentaux », dans l’exacte mesure où nos préjugés sur l’intelligence, et un « nécessaire comportement adapté » exigé des élèves donne au « maître d’école » de se comporter comme un goujat, en traitant l’une de ces élèves de « pétasse », de sanctionner gravement un des élèves qui l’avait « insulté » et de se moquer de cette mère qui pense que son fils pourrait accéder à un poste de « responsabilité », de pavaner en étalant la supériorité de son intelligence qui n’est en réalité que celle d’un fat, un peu, beaucoup, à l’image du Président  Sarkozy qui nous gouverne en nous balançant des discours creux, bourrés de platitudes et de lieux communs, pour ainsi mieux escamoter les « vrais problèmes », et surtout sauver la mise à ses « copains », tout en prétendant « être au service de tous les Français » et agir pour le mieux

 

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