Chagrins d’amour et psychologie

Le chagrin d’amour, ça tord le coeur, le bide et les cordes vocales, ça fait osciller entre déprime profonde et gaieté éphémère, ça fait dormir douze heures ou ça rend insomniaque… Mais que se passe-t-il dans notre tête pendant ces moments délicats ?

Les ami-e-s, l’heure est grave. J’avais prévu de vous parler d’un truc tout à fait sérieux et scientifique sur les choses étranges qui se passent dans notre cerveau, mais figurez-vous qu’un ouragan a tout chamboulé : mon petit frère a un chagrin d’amour, un de ceux qui craignent, où tout le monde est un peu impuissant et répète qu’avec le temps, avec le temps va, tout s’en va.

Cette semaine, pour mon frère en or, je vous propose qu’on parle tou-te-s de nos cœurs brisés (et recollés) et de nos chagrins d’amour : qu’est-ce que les sciences humaines ont à dire sur ce phénomène quasi universel ?

Une rupture amoureuse est généralement douloureuse, que ce soit pour celui/celle qui reste… ou pour celui/celle qui part. Une séparation est un processus en plusieurs temps, où les trucs organisationnels (qui va vivre où, qui prend le chat, qui garde le canapé…) se mêlent à des aspects bien plus profonds (qui suis-je sans l’autre, comment dénouer le lien, comment accepter l’absence d’amour…).

Pour certains chercheurs, lorsque l’on étudie l’imagerie cérébrale de personnes amoureuses récemment quitté-e-s, on peut même observer que ce que l’on ressent lors d’une rupture est similaire aux effets d’une addiction à la drogue.

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Les étapes de la rupture : de la protestation à la résignation

Dans un article pour le magazine Cerveau Psycho, l’anthropologue Helen Fischer explique qu’il existerait deux phases dans un processus de rupture.

Tout d’abord, après un moment de stupeur, la personne quittée traverserait une phase de refus de la situation, dans laquelle elle tentera de faire revenir l’être aimé, de comprendre ce qu’il s’est passé et d’arranger les choses. Qu’ai-je fait ? Qu’est-ce que je n’ai pas vu ? Que puis-je faire pour que l’autre revienne ?

Souvent, dans cette phase, les amoureux-ses éconduit-e-s craqueront, supplieront leur ex-partenaire, se laisseront embarquer dans des scènes psychodramatiques…  Au lieu d’atténuer leur peine, ces moments de craquages ne feraient qu’entretenir les sentiments des personnes quitté-e-s, sans faire revenir les personnes aimé-e-s. C’est le concept de « frustration-désir » : la personne qui m’a quittée ne revient pas, cela me frustre et je désire encore plus son retour.

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Cette réaction peut même s’observer dans notre cerveau : lorsque l’on étudie l’activité cérébrale de personnes qui traverses ces situations, on s’aperçoit que notre cerveau concentre deux neuromédiateurs (la dopamine et la noradrénaline) qui correspondraient à une vigilance accrue et à un comportement d’appel à l’aide. Autrement dit, à ce moment-là, nos sens et notre organisme sont bien en éveil : lorsque l’ex-partenaire disparaît, le cerveau provoque un désir intense de le ou la voir réapparaître.

Le psychologue Reid Meloy qualifie cette frustration de « rage de l’abandon » : pour lui, nous aimons et détestons l’ex-partenaire. On se mettrait à détester l’être aimé parce que l’idée de le perdre est insupportable ; du coup, le détester rendrait l’idée de séparation plus supportable.

Une fois cette phase de protestation passée, nous entrons dans la deuxième phase du processus de séparation : la résignation et le « désespoir ». À ce stade, nous devenons abattus, tristes, malheureux et pouvons traverser une période plus ou moins longue de dépression. Pour Helen Fischer, cette déprime pourrait être un mécanisme adaptatif, qui nous permettra ensuite de rebondir : par notre comportement déprimé, nous appelons à l’aide. Ce serait une manière de signaler à notre entourage que nous avons besoin de soutien !

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Rupture, addiction, désespoir… et après ?

Dans ces moments douloureux, le danger résiderait dans « la perte de clarté de l’image de soi » : selon une étude menée par Erica Slotter (et al.), les amoureu—ses quitté-e-s pourraient être touché-e-s dans l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Certain-e-s ne savent plus « qui » ils sont, ne parviennent plus à se définir : c’est la « perte de clarté de soi ». Parfois, nous nous définissons en partie par notre relation, et lorsque celle-ci touche à sa fin, nous ne sommes alors plus sûrs de ce que l’on est, de ce que l’on veut…

Pour aller mieux, il est donc important de prendre du temps pour soi et de construire une nouvelle perception de soi. Les chercheurs-es soulignent aussi que le temps guérit : comme quoi, la chanson dit vrai !

Que faire ?

  • Accepter d’aller mal

Lors d’une rupture, nous passons par tout un tas d’états psychologiques, et parfois, nous voulons aller mieux, le plus vite possible. Le truc, c’est qu’avant d’aller mieux… il faut accepter d’aller mal, ou en tout cas d’aller moins bien. Donnez-vous le temps d’être triste, de chouiner, de râler, de déprimer un peu ! Ça vous aidera à accepter la réalité, mais aussi à définir de nouveaux objectifs.

  • Comprendre

C’est un exercice difficile, mais tentez de comprendre pourquoi cela ne fonctionnait pas. Souvenez-vous des moments où vous aussi, vous trouviez que quelque chose clochait…

On a souvent tendance à se morfondre en se souvenant des bons moments. Vous avez sûrement vécu de jolies choses ensemble, et vous aurez bien le temps de vous les remémorer une fois le chagrin passé, mais pour l’heure, souvenez-vous aussi des moments moches, des jours où il/elle n’avait pas fait la vaisselle, vous empêchait d’aller voir vos potes, ou vous enquiquinait pour un détail.

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  • Prendre soin de soi

Que les choses soient claires : lors d’une rupture, l’estime de soi s’est pris un bon taquet et nous avons une tendance à nous trouver nul-le, moche et naze. Luttez contre cette vilaine tentation, passez en mode Beyoncé et essayez de vous kiffer. Plus vous vous aimez, plus vous prenez soin de votre estime de vous, moins l’amour de l’autre sera important à vos yeux !

  • Parler

C’est le truc un peu dur lors d’une rupture : parler à son entourage de ce que l’on vit, c’est aussi rendre la séparation plus réelle. Si j’en parle, c’est qu’elle existe…

Mais vous confier (à des personnes qui sauront vous écouter) pourra vous aider à prendre du recul, à apaiser votre peine, à vous changer les idées. N’hésitez pas à demander de l’aide, à vos amis, à des professionnel-le-s… Chercher de l’aide, c’est un premier pas vers l’avenir !

Surtout, surtout, gardez à l’esprit qu’avec le temps, va, tout s’en va, et que cette histoire d’amour vous aidera aussi à faire le point sur ce que vous souhaitez vivre et ce que vous ne souhaitez  pas.

C’est compliqué de l’entrevoir dans ces moments, dans ces instants où l’on pense que le ciel s’est écroulé sur nos têtes, que nos projets ont volé en éclats et que nos vies seront marquées à jamais. Pourtant, c’est probablement le meilleur conseil : le temps guérit.

Un jour, vous vous réveillerez, et vous n’aimerez plus. Cela ne voudra pas dire que vous n’avez pas été marqué-e, que votre relation n’a pas été importante, n’a rien signifié. Cela veut simplement dire que cette étape est derrière vous, et qu’un tas de nouvelles étapes vous attendent. Et c’est exactement ce que je veux dire à mon frangin : un jour, cela sera derrière toi et la vie aura repris son cours. En attendant ce jour-là, moi, je te kiffe pour deux, pour mille !

Pour aller plus loin…

  • Un article de CerveauPsycho
  • Un article de la Revue Électronique de Psychologie Sociale sur la régulation des émotions
  • Un article des Actualités Médicales sur la comparaison entre rupture amoureuse et addiction
  • Un article de Sciences Humaines sur la séparation
  • Une étude d’Erica Slotter (et al)

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