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CritiqueOn lit "Ces âmes chagrines" avec plaisir mais seulement avec plaisir car de l'intrigue, il n'y a rien à dire et à contester. Et c'est cela qui fait la faiblesse du roman pour moi. Première faiblesse: le personnage même d'Antoine. On a une description psychologique extrêmement sommaire et rudimentaire. Là où on attend un travail analytique plus en profondeur, on n'a qu'une peinture narcissique grossièrement peinte. La scène de toilette d'Antoine rappelle celle de Patrick Bateman (scène d'anthologie repris dans le film plus tard et interprétée par un Christian Bale hors du commun pour ce rôle) mais avec le talent en moins. Si chez Brett E.Ellis, il s'agit d'une allégorie sur les golden boys des années 80, ici Antoine est juste considéré par l'auteur comme un être rongé par la haine, égocentrique et profiteur. Lorsqu'une psychologie est réduite à quelques caractéristiques du caractère humain, on est selon moi dans la caricature moralisatrice. Or je pense que l'art (à fortiori la littérature) n'a pas à épouser le verbe moralisateur sinon pauvre Narbokov avec sa Lolita! Pauvre Thomas Mann avec La mort à Venise! Le personnage d'Antoine est donc trop stéréotypé. Aucun être humain ne peut être monolithique de cette façon. Deuxième faiblesse: les thèmes périphériques: l'Occident (soit les Nordistes), l'Hexagone, l'Afrique (Mboasu), l'immigration, racisme, colonisation, abus de la politique extérieure restent dans le domaine du débat de comptoir. Or ce sont des thématiques qui auraient pu être traitées avec intelligence et stratégie. Mais tout le monde n'a pas le talent d'un Ahmadou Kouroumba ou d'un Perceval Everett dans Effacement. Il faut le dire: ce n'est pas bon pour moi. A force de vouloir se pencher maladroitement sur le problème de la population afropéenne, on dessert son combat. Du moins c'est toujours mon avis. Elle me fait penser à sa consoeur Fatou Diomé avec Le ventre de l'Atlantique. Doit-on rappeler à l'auteur que certes, il y a eu la colonisation, que certes, il y a eu la traite négrière, que oui, les conséquences étaient terribles, que l'Hexagone et bien d'autres ont eu une grande responsabilité dans cette affaire. Cependant, la traite négrière et le commerce triangulaire ont enrichi les "Nordistes" (pour reprendre son expression), l'Afrique aussi a creusé sans cesse la fosse pour s'y jeter dedans. La traite négrière a été facilitée par les "commerçants" noirs d'êtres humains. Il suffit de relire le texte d'Alex Haley "Racines" et se pencher sur les études qui ont été faites et qui sont encore approfondies chaque année dans les actes de colloques par des gens sérieux qui n'ont pas le titre de négationniste ni de raciste. Il suffit aussi de lire les oeuvres d'Ahmadou Kouroumba (encore lui) pour comprendre l'instabilité des régimes, des putschs, des dictatures débouchant sur des massacres de victimes aux bras raccourcis désignés sous les expressions cyniques: manches longues, manches courtes. Politique visant à étouffer la Démocratie dans l'oeuf. A l'heure où j'écris ces mots, une nouvelle guerre civile est en train peut être de sévir dans la République Démocratique du Congo. A qui est la faute? L'Occident? La corruption interne du régime lié aux querelles intestines autour de l'épineuse question du pétrole? Le roman prend trop de raccourcis et l'auteur dénonce à tout go l'Afrique, l'Occident mais d'une façon que çà devient risible. Mais ce n'est que mon humble point de vue. Bonne lecture à tous.

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