Affaire France Bédard: pas d’état post-traumatique, conviennent …

L'affrontement des experts a débuté, hier, au procès sur la poursuite de 300 000 $ qu'a intentée Mme Bédard à la succession d'Armand Therrien et à l'Archevêque catholique romain de Québec. La présentation de la preuve de la demanderesse s'est conclue par le témoignage du psychologue Hubert Van Gijseghem, après quoi l'avocat de l'Archevêque a appelé à la barre une autre psychologue et neuropsychologue, Micheline Favreau.

Selon M. Van Gijseghem, les événements relatés par Mme Bédard ne sont pas fabriqués. Fort résiliente, la femme de 64 ans n'est pas porteuse de symptômes liés aux événements qu'elle a vécus à 17 ans à Saint-Marc-des-Carrières, mais, ajoute le psychologue, il y a sûrement des séquelles.

Pendant longtemps, Mme Bédard a éprouvé de la honte, de la culpabilité et de la peur. Elle a été victime d'abus de pouvoir par une «personne en autorité, presque déifiée». Elle a ensuite glissé dans la séduction du vicaire de 24 ans.

«Elle parle de consentement, mais ce n'en était pas, a soutenu M. Van Gijseghem. Elle se trouvait en situation d'abus d'autorité, de sorte qu'elle ne pouvait être consentante.»

La suite des événements, soit la liaison de quelques mois entre les deux amants, s'est apparentée au syndrome de Stockholm, analyse le psychologue. Même dans le contexte de cette hypothèse, la jeune France Bédard a pu éprouver un «certain sentiment amoureux» pour le violeur, a admis le témoin expert, comparant ce fait à l'enfant qui est «en amour fou avec son abuseur».

Si la sexagénaire n'a pas dénoncé avant aujourd'hui les gestes du vicaire Therrien, c'est parce qu'on a longtemps considéré que «la femme a toujours tort», a expliqué M. Van Gijseghem, ajoutant : «Sur le plan social, il était impossible de dénoncer un prêtre publiquement. Elle a franchi la porte et elle est allée voir la police lorsqu'on [le porte-parole de l'Archevêque] lui a dit que l'abbé Therrien niait tout. Pour sa propre survie psychologique, il fallait qu'elle passe à l'acte.»

Pour sa part, Mme Favreau, aussi docteure en psychologie, estime que les événements de 1965-1966 n'ont pas entraîné de séquelles psychiques permanentes chez Mme Bédard, qui a bien fonctionné dans toutes les sphères de sa vie. D'autre part, la psychologue n'a pas trouvé d'élément pouvant soutenir son incapacité à agir durant 40 ans.

Par ailleurs, l'absence d'état post-traumatique signifierait, selon Mme Favreau, que Mme Bédard n'a pas vécu le viol avec tant de violence. Lors de sa rencontre avec celle-ci, la psychologue a surtout observé beaucoup de colère contre Armand Therrien pour l'avoir obligée à donner son enfant en adoption et pour avoir refusé d'aider ce dernier, 30 ans plus tard. La demanderesse a aussi exprimé de la colère contre l'Église, car elle s'était créé beaucoup d'attentes quant à une réparation suffisante pour ce qu'elle avait vécu.

Outre la colère, Mme Favreau a perçu chez la demanderesse beaucoup de douleur d'avoir donné son fils en adoption. Elle lui a dit l'avoir fait parce qu'Armand Therrien n'avait pas voulu l'aider financièrement. La mère a également exprimé la souffrance d'avoir constaté que son fils avait été mal adopté et qu'il n'était pas aussi fonctionnel qu'elle l'aurait souhaité.

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