14 idées reçues sur les gens qui vont chez le psy


PSYCHOLOGIE - Si un ami vous dit: "J'ai rendez-vous chez le médecin", votre premier réflexe ne sera pas de penser qu'il est plein aux as, qu'il est faible ou qu'il est dingue. Quand le corps est blessé ou qu'il présente une anomalie, consulter un médecin semble être la réaction la plus adaptée, et la plus sensée.

Mais quand on parle d'aller voir un thérapeute, les gens portent un jugement plus critique.

Personnellement, j'en discute très ouvertement. Dans l'ensemble, ma famille et mes amis me soutiennent. Mais, comme tout le monde, ils posent aussi des questions ou font des commentaires qui me rappellent combien cette démarche n'est pas encore aussi courante et anodine que je le souhaiterais.

Je sais que mon entourage me veut du bien, et que j'ai de la chance qu'il en soit ainsi. Mais quand je dis, d'une manière ou d'une autre, que "je vois un psy", il y a toujours cette microseconde de silence qui précède une réponse polie (et souvent à côté de la plaque). Le flot de pensées et d'interrogations se traduit par un léger trouble, une gêne dans le regard de mes interlocuteurs.

Cette microseconde trahit la stigmatisation dont nous faisons l'objet. Dans son ombre se dissimulent toutes les idées reçues, générées par la peur, le manque d'intérêt et la parfaite ignorance des psychothérapies et de la santé mentale. C'est un ensemble complexe qu'il nous faut disséquer, morceau par morceau, pour tout reprendre à zéro et repartir sur de bonnes bases.

Afin de mieux comprendre ce que recouvre le mot "thérapie", voici une liste de 14 idées reçues sur les personnes qui consultent.

1. On est faibles

Suivre une thérapie demande en réalité beaucoup de courage et de force. On me dit parfois que ça doit être agréable de prendre une heure par semaine pour "m'occuper de mes soucis". C'est effectivement agréable. Mais c'est aussi l'heure la plus épuisante de toute ma semaine sur le plan affectif. Il faut accepter d'explorer chaque recoin de sa pensée et de son cœur, et évoquer sans complexe toutes ses peurs, ses secrets, son vécu, afin de bénéficier au maximum de l'aide du thérapeute. Il faut beaucoup de force pour se confronter aux limites de ses émotions et de sa pensée, pour se laisser guider sur des chemins que l'on n'aurait pas empruntés, afin d'en tirer des leçons et chercher activement une façon d'aller mieux.

2. On est fous

Qu'un patient suive une thérapie parce qu'il souffre d'une maladie mentale ou qu'il cherche de l'aide pour mettre un peu d'ordre dans des sentiments ou des pensées envahissantes, le traiter de fou n'est, en aucun cas, adapté. Ça renforce la stigmatisation, et ça explique pourquoi certains n'iront jamais chercher de l'aide pour trouver l'apaisement dont ils ont tant besoin.

3. On gaspille notre argent

Chacun utilise son argent en fonction de ses propres priorités. De la même manière que quelqu'un paiera pour écouter les conseils d'un coach personnel qui l'aidera à atteindre ou retrouver un certain niveau de forme physique, je considère l'argent que je dépense chez le psy comme un investissement pour ma santé et mon développement personnel.

4. On est riches

Une thérapie peut coûter cher, mais il existe différentes manières de la financer. D'expérience, la plupart des médecins acceptent d'appliquer des tarifs dégressifs quand on n'a pas de mutuelle. Et beaucoup d'entreprises et d'établissements scolaires offrent (au moins en partie) des séances gratuites à leurs salariés ou élèves.

5. On a personne à qui parler

On ne va pas chez le psy parce qu'on n'a pas de vie sociale. La psychothérapie ne remplace pas les relations d'amitié, et le thérapeute n'est pas un ami. L'amitié fonctionne dans les deux sens: les points de vue qui s'échangent peuvent être biaisés par l'expérience personnelle et les circonstances. Ça renforce la stigmatisation, et ça explique pourquoi certains n'iront jamais chercher de l'aide pour trouver l'apaisement dont ils ont tant besoin. Il est accompagné par un professionnel qualifié qui va l'aider à affronter ses difficultés et ses besoins.

Consulter un thérapeute ne sous-entend pas non plus que l'on a de mauvaises relations avec ses parents. C'est effectivement dans l'enfance qu'on développe des compétences sociales et une façon de percevoir les autres, ses propres besoins et le monde en général. Mais tout ce qui nous arrive par la suite ne peut être constamment ramené à la relation que l'on entretient avec ses parents. Ce qui m'amène au point suivant.

6. On parle de vous pendant nos séances

Ne nous demandez pas ce que le thérapeute sait sur vous parce qu'il y a de grandes chances qu'on ne parle jamais de vous. Même si c'était le cas, ça ne vous regarderait pas. Alors, quand on discute ou qu'on s'engueule, ne vous abaissez pas à dire des choses comme "J'imagine que tu vas en parler à ton psy!" La thérapie est un espace sacré où le patient évoque ses relations et ses sentiments sur qui il veut et ce qu'il veut. Et si nous en parlons au médecin, ce sera pour de bonnes raisons. On n'est pas là pour échanger des ragots.

7. C'est parce qu'on était en dépression ou qu'il s'est passé quelque chose de précis

Il y a généralement un élément déclencheur. Expérience traumatisante, tensions dans ses relations, impression de ne plus parvenir à gérer le quotidien, les raisons de consulter sont multiples. Il ne suffit pas de cocher des cases pour savoir si on a besoin de voir un psy. Sauf à coller des étiquettes aux patients ou à les enfermer dans des cases. En fait, il y a toujours une bonne raison de consulter, raison qui peut évoluer par la suite: on peut partir d'une certaine expérience, puis en explorer d'autres.

8. On ne va pas bien

Il n'y a pas besoin d'être en danger pour aller chez le psy. Comme nous venons de le voir, il existe souvent un élément déclencheur, mais cela peut aussi être la conséquence d'une série d'expériences ou de sentiments. J'ai la vingtaine, je travaille, je suis heureuse, en bonne santé. Je ne souffre pas de mon travail, de mes relations sociales ou de mes loisirs. Je me rends sereinement à ces séances hebdomadaires. Pourquoi donc? Comme je l'ai dit, les raisons peuvent évoluer. En ce moment, je sens que j'ai encore beaucoup apprendre sur moi et sur la manière de gérer certains sentiments, certaines situations, certains besoins.

9. Une thérapie suit un calendrier précis

La durée idéale d'une thérapie est sujette à débat. Personnellement, j'ai commencé il y a six mois, et même si je suis très contente de mon psy, j'espère bien que je finirai par ne plus avoir besoin de consulter aussi souvent. J'ai un ami qui a suivi des séances pendant deux ans, un autre, deux mois, à raison de deux fois par semaine, pour surmonter un évènement traumatisant. La durée et la fréquence des séances font l'objet d'une discussion avec le thérapeute et le patient a la possibilité d'arrêter à tout moment.

10. On ne sait pas lâcher prise

Suivre une thérapie ne signifie pas qu'on a du mal à se détacher du passé. Pour travailler sur les difficultés du présent, il faut souvent évoquer le passé. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on vit dans le passé. On y fait de simples incursions pour tenter de disséquer et de comprendre certaines connexions et certains problèmes sous-jacents qui se posent à l'heure actuelle.

11. Vous devriez être triste pour nous, ou avoir peur de nous, toutes ces choses que vous n'auriez pas ressenties si on ne vous en avait pas parlé

Cela ne fait que renforcer la stigmatisation de ceux qui cherchent à se faire aider. Inutile de nous regarder ou de nous parler différemment sous prétexte qu'on vous a dit qu'on voyait un psy! Il n'y a pas de honte à cela, ni de mal à chercher l'aide ou les conseils d'un professionnel. Si vous devez en pensez quelque chose, soyez fiers de nous. Applaudissez notre décision de travailler sur nous-mêmes.

12. On prend des médicaments

Notre société a tellement l'habitude de chercher des solutions rapides qu'on n'envisage pas qu'un patient puisse suivre une thérapie sans prendre de médicaments. Ce n'est pourtant pas systématique. Certes, certaines maladies nécessitent un traitement, mais la thérapie développe notre capacité à faire face et à résoudre nos problèmes pour vivre plus heureux et en meilleure santé.

13. Nos psys nous disent ce qu'il faut faire et ce qu'il faut penser

Ne demandez jamais: "C'est ton psy qui t'a dit ça?" Le fait de voir un thérapeute ne signifie pas que nous avons abandonné le contrôle de nos pensées et de nos sentiments. Nous restons des êtres humains qui, au bout du compte, font appel à leur instinct et leurs connaissances pour prendre des décisions appropriées. Le thérapeute est là pour nous aider à trouver la force d'affronter les difficultés, et faciliter notre accès à une vie plus heureuse et plus saine. Son rôle n'est pas de nous dire ce que nous devons faire.

14. Mon psy peut aussi t'aider, ou aider ton ami

Je soutiens tous ceux qui cherchent un thérapeute, mais je rappelle que chaque psy ne convient pas forcément à l'ensemble des patients. Il faut éplucher les annuaires pour trouver celui qui sera le plus adapté à ses besoins et à ses envies. J'admets que ce n'est pas simple. Trouver un psy est en soi épuisant et peut décourager les plus hésitants. Mais beaucoup vous proposeront une séance de découverte, ou accepteront d'avoir un échange préalable par mail, ce qui vous permettra de faire le choix approprié.

J'espère, en mettant à mal ces idées reçues, contribuer à rendre cette société plus tolérante envers ceux qui cherchent de l'aide. Ce qui me permettra enfin d'annoncer que je vais chez mon psy aussi simplement que je parle de mon prochain rendez-vous, la semaine prochaine, chez mon généraliste.

Ce blog, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit par Aurélie Le Pape pour Fast for Word.

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