Vous ne supportez pas le changement? Trois réflexes pour mettre …


Brève de comptoir :
Clément : "Pourquoi changer ?"
Camille : "Pourquoi ne pas changer !"
Clément : "... ???"

PSYCHOLOGIE - Résister au changement est une excellente stratégie pour sécuriser les relations sociales. Difficile d'imaginer faire confiance à une organisation constamment changeante, difficile de collaborer avec les individus volontiers influencés par le dernier qui parle. Sur le plan psychologique, nombreux sont les processus qui vont nous aider à résister au changement : les routines mentales, les habitudes comportementales, les préjugés et stéréotypes. Bien adaptés à leur environnement, ils sont efficaces, rapides et performants, c'est le cas des savoir-faire professionnels, des gestes du quotidien ou des rituels d'interaction sociale. Grâce à eux nous vivons dans un monde stable et rassurant, qui nous aide à mieux anticiper nos prises de décisions et la manière d'interagir avec autrui. Soit. Mais routines, habitudes et idées reçues ont plutôt mauvaise presse, finalement on aime bien "quand ça change un peu"... ("oui mais pas trop quand-même..."), et on dit se méfier des stéréotypes et des jugements hâtifs... même si on se fie volontiers à sa première impression !

C'est en effet un casse-tête que de savoir si les idées reçues sont vraies ou fausses : les Bretons font-ils de bons chefs d'entreprise parce qu'ils sont têtus ou bien parce qu'on dit des bretons qu'ils sont têtus ? Et qu'en pensent les Bretons eux-mêmes ? A force d'être décrit comme un têtu, ne le devient-on pas ? Les stéréotypes menacent notre identité car ils nous disent comment nous comporter, ils nous informent sur ce que nous sommes censés être... même à l'insu de notre plein gré : "Tu es Normand, et tu le sais bien, les Normands ne savent pas décider !".

Une fois intériorisées dans notre esprit, les idées reçues fonctionnent comme de mauvaises habitudes de pensée, des routines mentales qui dominent notre vie intérieure et freinent notre motivation au changement. Cela se solde souvent par des auto-censures car "on ne se sent pas capable de...", et donc "on ne se donne plus la peine de...". Prenons l'exemple de la prise de parole devant un public ou pire, devant une caméra : se sent-on incapable car on perd ses moyens, ou bien parce que l'on se dit que l'on en est incapable ? Parions que la seconde réponse est la plus souvent vraie ! Ces routines mentales relèvent de ce que l'on appelle la fusion cognitive : on fusionne avec ces petites phrases qui, répétées par les autres et soi-même, vont figer notre pensée et notre action. On devient dépendant de notre langage intérieur, par exemple lorsqu'on rumine mentalement la même idée qui nous empêche de nous endormir ou quand on se persuade qu'on ne va pas y arriver.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a un certain confort à la fusion cognitive. En effet, elle génère une économie de pensée et évite de prendre des risques ("je ne suis pas capable, donc pourquoi aller plus loin ?"), ou encore elle apporte des bénéfices secondaires (par exemple acquérir un statut symbolique de victime ou bien encore éviter de s'exposer au jugement des autres). Raison pour laquelle on rencontre plus d'aversion que de goût pour le changement, quand bien même cela nous frustre !

Alors, comment faire pour supporter le changement ? Comment faire pour soi, comment faire pour autrui, et en particulier dans les situations de management ? Certes il n'y a pas de recette miracle, mais quelques principes à explorer. Puisque nous fusionnons facilement avec nos routines et habitudes, et bien testons la "défusion cognitive", méthode qui, d'une certaine façon, permet de "dérailler" de nos habitudes existantes.

1. Produire des analogies

Nous sommes au début des années 80, l'ordinateur a fait son apparition dans le monde de l'entreprise. Seuls les spécialistes que sont les informaticiens comprennent les rouages de cette technologie, le commun des mortels fusionne avec l'idée que ce n'est pas pour eux. Pourtant, un certain Steve Jobs a pour ambition d'équiper chaque foyer d'un ordinateur individuel ! Comment faire alors même que la population résiste au concept lui-même ? Apple va rendre familier et donc acceptable l'environnement de ses ordinateurs grâce à des analogies visuelles et sémantiques : l'écran est un "bureau" (desktop), les icones sont des "fichiers" (files) ou des "répertoires" (directory), que vous pouvez supprimer grâce à une "poubelle" (trashcan). Ce vocabulaire a permis aux utilisateurs d'affronter avec une moindre crainte un environnement inconnu. La société Amazon a fait de même pour le e-commerce, en créant le "panier" (shopping cart), jusqu'à utiliser l'icône d'un caddie. De la fusion mentale qui nous assène que "l'informatique c'est compliqué", ces stratégies analogiques ont permis une défusion grâce à une ouverture : "l'informatique c'est comme mon bureau, mon magasin ...".

La méthode de résolution de problème par analogie consiste à poser le problème dans un environnement qui n'a rien à voir avec le cadre de référence initial. Imaginer que l'on est quelqu'un d'autre, dans une autre société, dans un autre pays, dans un monde fantastique, voire se mettre à la place du concurrent permet une décentration efficace pour envisager de nouvelles solutions, un nouveau produit, et globalement défusionner et mieux envisager le changement.

2. Se distancier de soi-même

Faites l'expérience suivante : la prochaine fois que vous avez une importante décision à prendre, écrivez-vous une lettre à vous-même, dans laquelle vous présentez la situation, tous les arguments favorables et défavorables à la prise de décision, et la conclusion à laquelle vous vous arrêtez. Laissez cette lettre une semaine dans un tiroir, et la veille de prendre définitivement votre décision, lisez cette lettre. Que se passe-t-il ? Vous prenez un recul sur vous même, puisque l'état d'esprit dans lequel vous êtes en lisant la lettre n'est plus le même que celui dans lequel vous étiez au moment de sa rédaction. Cette dualité génère une défusion riche parce qu'elle provoque ce que l'on appelle une réflexivité : prendre conscience de soi-même, comme dans un miroir. Ce recul est souvent source de discernement : soit cela vous confortera dans la décision initiale, soit vous prendrez conscience de l'état mental routinier dans lequel vous étiez au moment de rédiger la lettre, et vous pourrez ainsi envisager d'autres pistes. Cette méthode s'appuie sur un constat souvent évoqué par le prix Nobel Daniel Kahneman : "Il est plus facile de repérer les erreurs des autres que les siennes". En devenant cet autre, je peux exercer un regard constructif sur moi-même !

3. Incarner

Vous êtes seul chez vous au téléphone. Que faites-vous ? Des gestes. Pourquoi ? Tout simplement parce que les gestes sont des activateurs de pensée. De très récentes recherches en psychologie montrent que plus on fait de gestes plus on fluidifie et change son mode de pensée. Susan Goldin-Meadow, de l'Université de Chicago, a même montré que des enfants stimulés et entraînés à produire des gestes analogiques lorsqu'ils apprennent leurs leçons de mathématiques vont mieux mémoriser le cours et réussir les exercices.

Les postures que nous adoptons ont elles aussi des effets puissants : se tenir une dizaine de minutes dans une position assertive (buste et regard droits, mains sur les hanches) augmente significativement le taux de testostérone et réduit le cortisol (hormone du stress), à l'opposé d'une posture de soumission (par exemple tête baissée, main repliée sur un bras et buste courbé). Globalement, tout comportement d'ouverture, que ce soit postural, gestuel ou déambulatoire est un facteur de mise en mouvement de la pensée et s'avère générateur d'idées nouvelles. Rien de tel pour envisager le changement qu'un entretien réalisé en marchant. Platon et Aristote l'avaient pressenti : vous voulez changer ? ... commencez à bouger !

Patrice Georget intervient en tant qu'expert dans le cadre de l'Apm (www.apm.fr) auprès des dirigeants adhérents, et notamment lors de la convention des 1er et 2 octobre 2015 à Lille. 3 200 chefs d'entreprises se réunissent autour du thème de l'aventure pour écouter, échanger, débattre et réfléchir avec 180 experts, aventuriers, philosophes, économistes, scientifiques... L'Apm rassemble près de 7 000 dirigeants francophones, répartis dans 350 clubs, présents dans 23 pays. Chaque dirigeant s'engage à se perfectionner dans le but de faire progresser durablement son entreprise et ses collaborateurs.

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