Violences conjugales : lever le tabou sur les blessures intimes

PAPEETE, lundi 26 août 2013. Le Groupe de Réflexion sur la Prévention des Violences (GRPV), une association créée en janvier dernier, organise cette semaine un colloque sur les violences conjugales. Avec ce lundi, une conférence état des lieux, réservée aux professionnels et aux intervenants invités : associations, services du Pays, forces de l'ordre, représentants de la justice. Cette conférence sera suivie du 27 au 30 août d'une formation qui s'adressera à une cinquantaine de professionnels. Enfin, le mercredi 28 août, une conférence publique avec l’expert national de ces questions, le docteur Roland Coutanceau, se tiendra à l'ISEPP à 17h30. Une intervention ouverte à tous.

Pour certains, les violences conjugales ne sont que des titres dans la rubrique faits-divers des journaux. Pour d’autres, il s’agit d’une souffrance psychologique et physique dont il est extrêmement difficile de sortir. Quel que soit le point de vue, le constat sur cette forme de violence en Polynésie en montre l’importance : en 2003, le parquet de Papeete enregistrait 445 procédures pour violences conjugales ; en 2011, plus de 800 affaires ont été traitées. Certes, entre temps, la création des associations de victimes et des campagnes locales de prévention contre les violences conjugales avaient permis de commencer à sortir le sujet du tabou dans lequel il était plongé, aussi bien par les victimes honteuses que par les agresseurs ou par l’entourage. Moins de déni, plus d’affaires. Mais, la Polynésie française enregistre à elle seule autant d’affaires de violences conjugales que l’agglomération grenobloise deux fois plus peuplée. Depuis le début de l’année 2013, en Polynésie, déjà deux femmes sont mortes, tuées par leurs conjoints. Il y a eu pour la seule année 2012, cinq meurtres au sein du couple et deux infanticides.

La preuve qu’il reste énormément de travail à faire sur le territoire pour prévenir ces violences. C’est la volonté du Groupe de Réflexion sur la Prévention des Violences (GRPV). Cette association a émergé en janvier dernier à la suite des réflexions menées lors des Assises des victimes en novembre 2012. L’association GRVP est composée de professionnels de l’action sanitaire et sociale, engagés auprès de différentes institutions et services du Pays ou de l’Etat (hôpital, prison, délégation à la famille et à la condition féminine…). Après dix ans de travail auprès des victimes, ces professionnels ont estimé qu’il était temps de prendre en main la situation des agresseurs. «La prévention menée n’est pas opérante et la prise en charge des agresseurs est insuffisante, notre groupe est né de ce constat. Cela n’a pas été si facile de faire accepter ce point de vue» explique Nadine Collorig, la présidente de l’association.

Ces professionnels rencontrent déjà les agresseurs (qui peuvent être des femmes) dans le cadre de la réponse judiciaire. L’obligation de soins qui assortit certaines peines répressives permet aux agresseurs de fréquenter pendant quelques temps le cabinet d’un psychologue ou d’un psychiatre. Mais cette réponse reste insuffisante : trop courte dans sa durée et surtout parcellaire puisque hors de Tahiti, ce suivi est impossible à mener, faute de professionnels dans les archipels. La prise en charge des agresseurs devient en tout cas aujourd'hui prioritaire : «95 % des détenus étant incarcérés pour des infractions sexuelles ou pour des violences conjugales, ont grandi enfant, dans un contexte de violence, qu’ils ont subi ou dont ils ont été témoins» rapporte le GRPV.

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