Vie de bureau. Que peut apporter la philosophie à l’entreprise ?

Que vient faire la philosophie dans le monde de l'entreprise ?

Pour régler les problèmes, on a fait appel, ces dernières années, aux coaches en tout genre, qui abordent les choses en terme de psychologie. On voit bien que ça ne marche pas. Ça n'a pas fait baisser le stress ni les conflits.

La philosophie, elle, s'appuie sur l'injonction de Socrate, « Connais-toi toi-même ». Elle invite à prendre le temps de comprendre ce qui se passe, à mieux cerner les relations entre collaborateurs, pour dépasser les verrouillages et se connecter aux autres. C'est essentiel car l'entreprise est un sport d'équipe ! L'entretien individuel, ça ne sert à rien. Plus que ses compétences, c'est la façon dont votre salarié se comporte dans la relation aux autres qui compte, c'est l'émulation collective qui importe.


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Pourquoi les dirigeants vous sollicitent-ils ?

Il y a une demande énorme. C'est le signe d'un système qui crée des souffrances. La question est de savoir comment on les règle. En dix ans, j'ai fait plus de 80 interventions dans des entreprises, des grands groupes comme des PME. Avant de commencer mon travail, je veux carte blanche de la part des managers, parce que j'appuie là où ça fait mal. Je regarde la façon dont on se parle, les mails que l'on s'envoie. Quand par exemple un cadre dit « envoie-moi un mail », alors qu'il suffirait souvent d'écouter. Les attitudes, les comportements, sont des notions très politiques, plus que psychologiques. La psychologie infantilise, elle individualise, elle esseule. La politique pose la question du collectif, du cap que l'on se fixe et donc du leadership.

Des exemples concrets ?

J'ai travaillé pour le groupe Mac Do sur le leadership au féminin, car le groupe voulait « rendre ses employées plus ambitieuses ». Pour Azzaro, il s'agissait de réfléchir sur la masculinité. Chez Barclay's, les dirigeants ont voulu travailler sur l'ambition, un mot creux auquel il fallait donner du contenu. J'ai été sollicité aussi en milieu psy, ou encore au ministère de la Défense. Dans de nombreuses PME aussi, comme Caprice des dieux. D'ailleurs, plus l'entreprise est petite, plus c'est facile de régler les problèmes.

Vous n'êtes pas tendre avec les « boîtes de communication ». Qu'est-ce qui vous chiffonne ?

Une entreprise leur fait appel pour afficher des valeurs, une image... C'est du marketing. Or on ne peut pas décréter des valeurs. Il faut d'abord bien se connaître, s'appuyer sur ce qui fonctionne ou pas en interne : l'ambiance dans l'entreprise, la façon dont on se dit bonjour, le respect mutuel. Comment peut-on afficher à l'extérieur des valeurs qui ne sont pas pratiquées en interne. Une fois ce travail réalisé, alors on peut établir des pistes concrètes pour tendre vers des valeurs idéales. C'est une aventure collective !

Quels sont les grands défis à relever, aujourd'hui, en terme de management ?

Les nouvelles technologies sont un bouleversement. « Comment profiter des mutations que nous vivons pour continuer à entreprendre ? », c'est la question que nous nous posons au sein des clubs APM (1). On avait l'habitude de croire que la connaissance était comme un dépôt à la banque. Avec Internet, c'est devenu une onde de charme, une énergie qui circule sans cesse et qu'il faut capter. C'est pourquoi il est urgent de créer une mixité dans les âges au sein des entreprises. Autrement dit, embaucher des jeunes, qui ont les nouvelles technologies au bout des doigts, ça les passionne, c'est inné alors que les « vieux » dépensent beaucoup d'énergie à essayer de maîtriser tout ça. Il faut être accro à la transformation en entreprise, qui est un des seuls lieux où l'intelligence peut créer du concret et du vérifiable !
 


(1) L'APM, Association progrès du management, regroupe 6 500 dirigeants francophones qui se perfectionnent par une pédagogie innovante, dans le but de faire progresser durablement leur entreprise. L'APM est un réseau de 333 clubs.

Laurent LE GOFF.

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