Vers une reconnaissance spécifique du rôle du père ?

Cette semaine, à La Rochelle, les journées d'études de l'
Association nationale des puéricultrices (ANDPE) s'articulent autour de l'attachement père - enfant. Les recherches ont mis au jour les spécificités du rôle de père dans le développement psychologique de l'enfant.
Fabien Bacro chercheur en psychologie du développement y intervient. Il explique à la NR l'avancée des recherches.

Une mère serait plus pro- tectrice tandis qu'un père pousserait son enfant à expérimenter. Comment passe-t-on de conclusions intuitives à des caracté- ristiques sur le rôle du père et de la mère ?

Nous faisons des recherches en psychologie, une discipline scientifique, et donc effectivement nous sommes sur des recherches quantitatives avec un certain nombre de méthodes qui sont scientifiquement validées sur les différents aspects des relations parents enfants. Beaucoup de recherches montrent que les pères vont plus pousser les enfants à être autonomes. Par exemple, lorsque les enfants sont sur un puzzle ou travaillent à résoudre un problème, en présence du père, celui-ci va plus les pousser à réussir par eux-mêmes alors que les mères vont plus aider les enfants lorsqu'ils le demandent. Ces recherches mettent en évidence des différences père - mère, et c'est ce qui a conduit un certain nombre de chercheurs à proposer une conception différente de la relation père - enfant comparativement à celle qui existait avec la relation mère - enfant.

Vous dites que les pères ont des jeux plus brutaux mais qui aident l'enfant. Comment ?

Le rôle du père de manière très générale est qu'il ouvre l'enfant au monde qui l'entoure et il le prépare finalement à entrer en compétition avec les autres. Il contribue à ce que l'enfant développe une confiance en soi suffisamment importante qui lui permette par la suite de réussir dans les différentes tâches qui l'attendent au cours de sa vie.

Le père peut-il avoir le rôle de la mère ?

On a des familles actuellement où ce sont les pères qui prennent plus soin des enfants quand, par exemple, ce sont eux qui prennent des congés parentaux. Il peut donc y avoir des situations où ça s'inverse. Mais même lorsque le père a ce rôle, nous remarquons aussi qu'il y a toujours des différences. Les pères vont toujours plus jouer à des jeux physiques avec leurs enfants. Ils auront certains caractères qui leur seront spécifiques par rapport aux mères.

Comment ces recherches influencent le travail des professionnelles de la petite enfance ?

L'idée est de mettre à disposition des professionnels et notamment des puéricultrices ces connaissances nouvelles. Cela permet de concevoir différemment les relations adultes - enfants de manière générale. Cela met en évidence que les enfants ont, oui, besoin de proximité et de réconfort – comme on le savait depuis longtemps grâce aux travaux sur l'attachement – mais ils ont besoin aussi d'apprendre à prendre des risques, à se débrouiller par eux-mêmes. On a toujours beaucoup insisté sur le besoin de proximité avec les adultes, de chaleur et de réconfort et on a laissé de côté cet autre aspect qui est bien mis en évidence dans les recherches sur les pères.

Cela n'interdit pas tout de même les pères de chercher à réconforter leurs enfants ?

Pas du tout, je pense que ce qui est important ce sont les enfants. Ils ont besoin des deux et peu importe le sexe des personnes qui répondent à ces besoins. Le tout est qu'ils obtiennent des réponses adaptées de la part des adultes qui prennent soin d'eux. Dans notre société française et de manière plus générale dans les sociétés occidentales, l'usage fait que ce sont plus les mères qui vont être enclines à s'occuper des soins et les pères des jeux et d'autonomiser l'enfant. Mais cela peut être aussi l'inverse. D'ailleurs on a des études qui montrent très bien que des enfants qui grandissent dans des familles homo-parentales se développent aussi bien que des enfants dans des familles de parents hétérosexuels, le principal étant que l'enfant trouve des réponses adaptées à ses besoins quels qu'ils soient.

bio express

Maître de conférences en psychologie du développement à l'université de Nantes, Fabien Bacro a commencé à s'intéresser à la spécificité du père dans le cadre de sa thèse, soutenue en 2007. Il a travaillé sur l'attachement au père et son influence sur l'adaptation sociale et scolaire des enfants de 3 à 5 ans. Il a utilisé des méthodologies utilisées dans la recherche issue de la théorie de l'attachement mais jusqu'alors réservées pour évaluer la relation mère-enfant. Pendant sa thèse, il a aussi découvert qu'une nouvelle théorie se concentrait justement sur la spécificité du père par rapport à la mère.
Il en conclut que les pères laisseront, par exemple, l'enfant s'aventurer davantage dans les lieux qui l'entourent, qu'ils le pousseraient à aller interagir avec d'autres qu'ils ne connaissent pas, à prendre des risques. Mais pas de manière inconsciente, ils le protègent et lui mettent des limites.

Leave a Reply