Une crise économique augmente la fréquence des troubles mentaux

LA CRISE - Les études démontrent un impact significatif de toute crise économique sur le psychisme.
Effectivement, les experts constatent un effet dramatique de l'instabilité économique sur l'équilibre psychologique des personnes avec l'exacerbation et la fréquence des troubles mentaux, l'augmentation du nombre de suicides, la hausse de la consommation d'antidépresseurs, l'explosion des affectations psychosomatiques, etc.

Si la question du «bien-être» mental des personnes affecte généralement peu l'opinion publique, ces phénomènes entropiques ont eux-mêmes des conséquences sur les performances économiques. Le coût financier des maladies psychiques est élevé, la baisse de productivité exponentielle, les personnes en détresse étant moins susceptibles d'obtenir ou de conserver un emploi. Elles représentent en outre un coût pour la société lorsqu'il s'avère nécessaire de verser des indemnités d'invalidité et de chômage, de financer les prestations sociales. L'effet est procyclique, on peut s'attendre dans le contexte actuel à ce que l'anxiété générée par la précarité des revenus et des emplois persiste. Les problèmes de santé mentale risquent par conséquent de devenir de plus en plus inquiétants. Les psychologues auraient plus que jamais leur place dans un débat qui concerne aussi bien une entité sociale de plus en plus précaire et difficile à préserver que des individus eux-mêmes en souffrance. Pourtant, ils semblent étrangement absents de la scène publique comme du marché de l'emploi. Pourquoi ?

La formation

Un nombre excessif de jeunes psychologues sort chaque année de l'université. Une proportion inadaptée au marché de l'emploi. Cette surpopulation de diplômés sature le marché du travail et dévalue la profession. De plus, cette mauvaise régulation des flux engendre un encadrement de moindre qualité, moins professionnalisant. L'enseignement ne prépare en aucune façon les jeunes psychologues à affronter le terrain. Les universitaires objectent qu'il ne faudrait pas aboutir à une pénurie de psychologues et rejouer ce qui s'est passé avec la médecine. La situation est pourtant sans commune mesure. Il n'y a pas et il n'y aura pas 150.000 emplois de psychologue créés en France dans les dix années à venir.

Les vestiges de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy porta de nombreux coups à la profession de psychologue. L'un des plus marquants fut la suppression d'une disposition concernant les missions premières de l'hôpital (art L 6111-1, al.1er du Code de la Santé Publique): «en tenant compte des aspects psychologiques du patient», qualifiée de «suppression d'une indication symbolique». Cette prise en compte des aspects psychologiques ne devait-elle pas, au cœur de la crise, constituer un axe majeur de garantie de santé publique? L'ensemble des missions du psychologue, qu'il s'agisse de fonctions cliniques auprès des patients et des familles, d'accompagnement des équipes soignantes, de liaison, ou de formation, d'information et de recherche, justifiait à lui-seul son existence à l'hôpital. L'ancien président a nui à la visibilité des psychologues en désavouant ainsi leur apport au domaine de la santé, en les reléguant au rang d'artefacts dispensables. Difficile pour un psychologue d'exercer son métier dans de bonnes conditions quand même la classe politique forclos sa légitimité à le faire. De la même façon, sa politique ultra punitive de la «récidive» et sa stigmatisation de la pathologie mentale a défavorisé la compréhension clinique des phénomènes en jeu et la dynamique préventive que requerrait tant la situation de crise. En moyenne, pour 800 détenus, 2 psychologues, investis d'une mission quasiment médiumnique d'évaluation du risque du passage à l'acte. Quel miracle Nicolas Sarkozy espérait-il?

Le scandaleux échec de Pôle-Emploi

C'est un fait prouvé statistiquement : Pôle-Emploi est incapable d'assurer sa mission d'insertion professionnelle des psychologues. Cela ne signifie pas qu'il ne propose aucune offre d'emploi. Non. Il fournit une profusion d'«accompagnement école-domicile d'enfant autiste». Ces petites annonces, chacune basée sur le même modèle et pauvre en informations sur l'employeur, s'adressent à des bac+2 ou plus : certainement pas à des psychologues malgré ce que suggère leur intitulé. Que les parents confiant leurs enfants se rassurent: le «psychologue» recruté sera encadré par un psychologue spécialisé ! Pôle-Emploi ne trouve pas d'emploi aux psychologues mais les transforme en accompagnateur ou, douce ironie, en conseiller à l'insertion. Ce nivellement par le bas, cette absorption du statut, du rôle et de la fonction du psychologue ne peuvent conduire qu'à son extinction à long terme. L'annihilation d'une psychologie fondée sur le respect de règles en accord avec la possession d'un titre est une escroquerie non seulement à l'égard du corps professionnel mais surtout des usagers qui s'en remettent à lui. Toutes les dérives sont alors possibles, tous les signifiés se confondent dans un statut qui n'a donc plus aucun sens. Le Syndicat National des Psychologues avait déjà dénoncé la remise en cause par Pôle-Emploi des garanties institutionnelles de conservation du titre de psychologue.

Marasme clinique

Les professionnels de l'écoute ne sont pas des professionnels du dialogue. Les psychologues sont incapables de proposer des solutions simples et concrètes, préférant s'interroger sur «l'épistémologie» et les «praxis» quand le public peine déjà à comprendre la distinction entre psychothérapeute, psychanalyste, psychiatre, etc. A force de craindre la vulgarisation de leur savoir, ils finissent par en empêcher la normalisation ! Ils se réunissent en cercles parfaitement hermétiques au public, ergotent sur le devenir de la psychanalyse quand c'est l'ensemble de la discipline qui est touché, écrivent des rapports que seuls d'autres psychologues pourront lire. Il n'existe d'ailleurs toujours pas d'ordre des psychologues. Certains cliniciens s'y opposent, accusant une «vaine quête de reconnaissance» alors qu'il s'agit d'une mesure essentielle pour une réglementation des pratiques, pariant sur une «nécessaire distanciation» du psychologue. Pari gagné ! Chez les psys, les débats font rage. Mais personne n'en sait rien.

Ceci n'est pas une conclusion

La crise est dramatique. A l'heure où la population est en demande de celui que Dolto définissait comme «quelqu'un qui ne s'angoisse pas devant l'angoisse», la psychologie poursuit son inexorable déclin. L'actualité nous fournit de nombreux exemples de ce que donne l'absence de prise en charge psychologique mais on continue de clamer que ce n'est pas «un emploi prioritaire». Les psychologues sont absents des institutions et seuls les plus riches peuvent se tourner vers une consultation en libéral. La demande est là. Mais l'absence de cette thématique lors des sommets sociaux des 9 et 10 juillet dernier est éloquente: la réponse se fera encore attendre longtemps.

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