Un prix national pour le photographe sarthois Georges Pacheco

Adepte de l'autoportrait où le modèle se prend lui-même en photo, ce fin psychologue de l'image a reçu un prix national pour une série sur l'allaitement, réalisée dans son studio, au Mans.

Il n'est pas du genre à la ramener. Mais hier, à Paris, il a gonflé sa notoriété. Georges Pacheco, 48 ans, a décroché le 2e prix du concours Les photographies de l'année, qui récompense les meilleurs professionnels de l'Hexagone. Le photographe manceau est récompensé dans la catégorie « Portraits », avec l'image d'une femme allaitant son nourrisson.

« La beauté universellede l'allaitement »

Cette photo est tirée d'une série réalisée dans son studio. Pour chaque tableau, l'épure d'un simple voile, posé sur les épaules de la mère, évoque les icônes de la peinture Renaissance. Le photographe assume cet héritage, « présent dans l'inconscient collectif ». Mais veut, sans tomber dans la béatitude gnan-gnan, ni le militantisme pro-allaitement, révéler la douce puissance de ce corps à corps. Montrer « la beauté pure et simple » d'un geste « universel, primitif, animal ». Révéler une intériorité. D'émouvants regards. Avec l'envie de faire poser des femmes de tous âges et toutes conditions.

« On ne voit pas où, ni quand ça se passe. C'est intemporel, on garde la plénitude de la maman et de son bébé », confirme Émilie, « Madone » de la photo primée (voir ci-contre), frappée par la capacité du photographe à mettre son modèle à l'aise : « Je suis pudique, mais il a su me faire oublier le contexte. Ça s'est fait naturellement. » Yves Brès, directeur du festival Les Photographiques, lui trouve aussi « un immense respect et une tendresse » dans sa façon « d'accompagner ses modèles, ou plutôt ses partenaires ».

« Le résultat ne prime pas sur la façon de faire »

Pour Georges Pacheco, « l'abordage » est primordial : « Le résultat ne prime pas sur la façon de faire. » À l'heure où le monde appuie sur le champignon, il prend son temps. S'efface au maximum, pour éviter que le modèle soit « l'otage » du photographe. Et vice-versa. « Je ne veux pas répondre au désir narcissique d'une personne qui veut être magnifiée. Et je ne veux pas imposer mon esthétique. Je cherche le vrai, le juste, ce qui se rapproche le plus de la personnalité. »

Les modèles prennent eux-mêmes la photo

Dans ses séries sur les aveugles, les jumeaux, les homosexuels ou les handicapés, il laisse à ses « invités » le soin de prendre la photo eux-mêmes. « Je prépare le cadrage, la lumière. Je crée un sas, comme une salle d'attente avec le psy. J'invite les gens à être sincères face à eux-mêmes. Après, je me retire. Pour la prise de vue, je laisse les gens appuyer sur la poire quand ils veulent. Ce sont eux qui choisissent le moment de photographier, de manière instinctive. » Avec cette idée : « Soyez à la hauteur de ce que vous êtes. » Et cette contrainte, à contre-courant du mitraillage numérique : une seule prise, la première photo est la bonne.

« Il faut réfléchir avant, savoir ce que l'on veut. Je suis pour l'acte unique, décisif. Comme un acte manqué, un lapsus. » Sa façon de faire tomber le masque, obsession de cet explorateur délicat, qui cherche à « sonder l'humain, mettre en évidence les mécanismes intérieurs ». En posant des questions essentielles : « Entre l'autre et moi, quelle est la différence ? Et surtout le point commun ? »

Les paysages l'ennuient, les visages le transportent, les phénomènes visuels le fascinent : illusions d'optique, anamorphoses... « Tout ce qui nous échappe », sourit d'une voix ronde, ce féru d'opéra venu à la photo après avoir entamé un doctorat en psychologie de l'art. Intello ? L'autodidacte, qui aurait pu devenir rat de bibliothèque, se dit « concerné par tout le monde », proche « des exclus, des oubliés ». Il a réalisé des reportages en Inde, à Cuba. Pigé pour des magazines de mode. Mais son credo reste le portrait. Avec un goût pour les séries.

Entre le Portugal et la Sarthe

La prochaine s'attache aux résidents de foyers, au Mans : immigrés, SDF, anciens taulards... Des « gueules » qui racontent des histoires. « Pour l'instant, je me fais apprivoiser », sourit le « photopsychologue », roulée au bec, gapette sur la tête. Son rêve ? « Photographier des immigrés portugais dans leur logement, en France et au Portugal », sourit Georges Pacheco, né au Portugal, où il est allé faire ses premières armes dans la photo. Comme pour éclaircir son identité d'homme-miroir. Qui réfléchit.

Jérôme LOURDAIS.

Recherche de modèles. La photo primée fait partie d'une série de mères portant leur enfant au sein. Pour cette série en cours, Georges Pacheco cherche des modèles. Contact : 06 85 88 18 43.

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