Travailler fort, lire beaucoup, et parfois perdre de temps en temps – Droit

Arrivée chez Robinson Sheppard Shapiro en 1987, Me Karen Kear Jodoin est une plaideuse habile qui agit au sein du département du droit de la famille du cabinet.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier/profession ?

Quand j'ai commencé mes études, mon intention était de devenir psychologue: je voulais aider les gens. J'ai donc obtenu mon baccalauréat en psychologie à McGill, puis j'ai fait quelques mois de stage à l'Hôpital général juif. Je travaillais pour un programme au sein d’une unité pour des gens sévèrement atteints de schizophrénie. Ils étaient stables, mais je ne constatais pas de véritable amélioration ou progrès à leur condition au fil du temps. L'un de mes anciens amis du secondaire faisait parti du programme, ce qui rendait les choses encore plus difficiles. Peu à peu, j'en suis venue à la conclusion que le domaine n'était pas pour moi.

J'ai donc pris un peu de temps pour réfléchir, puis j'ai décidé de devenir criminaliste. J'ai pris des cours à l'Université Concordia, puis j'ai été acceptée à l'Université d'Ottawa. Mes deux premières années comme avocate, je les ai donc passées à faire du droit criminel.

Il y avait cependant, dans le bureau au sein duquel je travaillais, un besoin en droit matrimonial… et personne ne voulait en faire ! (Rires). On m’envoyait donc les dossiers et progressivement, j'ai constaté que j'avais de la facilité avec le domaine et que je savais répondre aux besoins des gens. À compter de 1985, j'ai donc arrêté le droit criminel et me suis consacrée exclusivement au droit de la famille.

C'est arrivé un peu par hasard, c'est vrai. Mais je ne regrette pas cette chance! Dans tout cela, la chose qui n'a pas changé, c'est que j'aide toujours les gens dans mon travail.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?

Le grand défi de ma carrière a toujours été de savoir gérer le stress: le mien mais aussi celui de mes clients. Travailler avec des familles signifie partager des responsabilités qui peuvent être très lourdes. Le travail implique de savoir représenter les intérêts de son client, tout en s'assurant de faire le moins de dommage possible à la famille, et cela constitue une grande responsabilité. Il faut savoir orienter son client vers le bon choix, plutôt que de lancer une bataille qui ne se terminera jamais. Les parents doivent réaliser qu'une fois le dossier terminé, ils assisteront à des mariages ensemble, ils seront grands-parents ensemble, etc. Il faut savoir rappeler à son client l'importance de minimiser le conflit, puisque le conflit est dangereux pour les enfants. Comme avocat, nous devons faire de notre mieux pour nos clients. Il demeure que lorsque j'ai un procès pour la garde des enfants, j'avoue très mal dormir parfois. L'argent à diviser entre conjoints, c'est important, mais quand il s'agit des enfants, c'est une toute autre histoire.

3. Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit dans votre domaine, de quoi s’agirait-il ?

Je crois que certains changements sont déjà en cours : les juges et les cours sont déjà, par exemple, très sensibles à l'importance de suggérer d'autres façons de régler les différends, notamment par le biais de conférences de règlement à l’amiable. Quant à moi, je les utilise chaque fois. À mon avis, en droit familial, il y a toujours une solution. Que ce soit dans un contexte de médiation ou de conférence de règlement à l’amiable, il existe une façon de diminuer le nombre et l'importance des litiges en cour. Les gens qui prennent des décisions de leur propre consentement sont plus satisfaits de ces décisions que lorsqu'elles leur sont imposées, et les décisions ont donc plus de chance d'être suivies et respectées.

J’aimerais ainsi que la conférence de règlement à l’amiable, qui se tient en présence des avocats et du juge, devienne obligatoire. Je crois aussi qu'il serait bénéfique que les juges soient plus ouverts quant à leur opinion du dossier, plutôt que de s'en tenir, comme le font certains, à faciliter les négociations entre clients sans donner leur avis sur la question. Compte tenu du grand respect que les gens ont pour les juges et leur opinion, je trouve ce moyen de règlement des différends encore plus efficace que la médiation privée. En effet, la conférence de règlement à l'amiable est la première chance de l'individu d'obtenir une évaluation plus objective de sa cause par un tiers autre que son propre avocat. Je réussis d'ailleurs à régler plusieurs de mes dossiers de cette façon.

4. La perception du public envers la pratique du droit familial et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ?

Il semble selon les sondages que la confiance du public envers la profession soit en hausse. En droit matrimonial, il n'est pas toujours aisé d'en avoir une image positive compte tenu du fait qu'il s'agit de moments très difficiles pour les parties impliquées. Les clients en ont parfois non seulement contre les avocats, mais contre le système, les décisions rendues, etc. Je pense, cela dit, que beaucoup est fait pour aider à donner une image positive de la profession, bien que, oui, certains individus nuisent inévitablement à cette image.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant devenir un avocat reconnu en droit matrimonial ?

Premièrement, il faut de la compassion. Pour travailler avec des gens en situation de crise, il en faut nécessairement. Sans cela, choisissez une autre discipline, tout simplement!

Deuxièmement, il faut avoir la capacité de travailler très fort. "There is no elevator to success." Il faut donc travailler fort, lire beaucoup de jurisprudence et avoir le courage de perdre de temps en temps. Il vous sera, en effet, impossible de gagner toutes vos causes, mais avec chaque cause vous apprendrez quelque chose. Dans la mesure où vous aurez mis tous les efforts possibles et fait tout ce que vous pouviez pour votre client, vous pourrez dormir en paix.

Et enfin, il faut… la passion et le désir d'aider !

En vrac…

• Dernier bon livre qu'elle a lu : « Sixth Family » de Lee Lamothe. C'est l'histoire de la famille Rizutto, preuve que ses instincts de criminaliste n'ont pas été complètement mis au rencart!

• Son film préféré : « Ne le dis à personne » (Réalisateur : Guillaume Canet)

• Son resto préféré : « sEb », (Rue Saint Georges,Mont-Tremblant)

• Un pays qu'elle aimerait visiter : la Chine.

• Si elle n'était pas avocate, elle serait… traiteur, comme elle adore cuisiner!

Originaire de Montréal, Québec, c’est en 1987 que Me Karen Kear Jodoin se joint au groupe d’avocats de Robinson Sheppard Shapiro, où elle est associée. Dès le début, elle devient une référence au sein du département du droit de la famille et participe activement au développement de celui-ci. Habile pour la plaidoirie et redoutable adversaire, elle représente ses clients devant toutes les instances du Québec.
Dans sa pratique, Me Jodoin se spécialise dans les différents aspects qui entourent le droit de la famille dont entre autres : le divorce, les réclamations concernant le mariage et/ou cohabitation, la garde d’enfants et la pension alimentaire.
Éminente avocate dans son domaine, le talent de Me Jodoin a été maintes fois souligné par des associations reconnues dans le monde juridique. En effet, L’EXPERT la cite comme l’un(e) des avocat(e)s les plus éminent(e)s dans le domaine du droit de la famille et The Best Lawyers in Canada l’a choisie pour être au nombre des meilleurs avocats en droit de la famille.
Soucieuse de transmettre son savoir, Me Jodoin a enseigné le droit de la famille à la faculté de droit de l’Université de McGill. Elle est également membre de plusieurs associations regroupant des professionnels du droit.
Elle est membre du Barreau du Québec et du Haut Canada depuis 1984.

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