Sur quoi devra être coaché François Hollande ?

Principale surprise de cette présidentielle : François Hollande aura contre toute attente réussi à imposer sa personnalité de candidat "normal", d'homme simple et jovial, proche des gens. Ses premiers discours de président au soir du 6 mai en attestent. Et son déficit d'autorité et d'envergure jugé par beaucoup comme son principal handicap a été balayé par le débat du 2 mai face à Nicolas Sarkozy. Personnage tout en rondeur, il a de toute évidence été sous-estimé par ses adversaires. C'est là sa principale force. Nicolas Sarkozy n'aurait donc pas fait mouche avec sa petite phrase jetée à la figure du candidat Hollande lors du débat qui les opposait : « votre normalité n'est pas à la hauteur des enjeux ».
Mais d'aucuns s'inquiètent d'un président tout neuf, qui n'a jamais exercé de fonctions dans l'exécutif, qui ne s'est jamais frotté à l'international à l'heure de la mondialisation, et qui traîne la réputation d'un homme plus dans le consensus que réellement décisionnaire. Lui, aujourd'hui président, sur quels éléments va-t-il devoir travailler pour endosser pleinement son nouvel habit et ses nouveaux attributs ?

Etre proche de sa vraie nature
Tous les coachs sont unanimes : il sera d'autant un grand président qu'il restera proche de sa vraie nature.... "normale". "L'erreur serait de tomber dans le travers du président "tout puissant" à la Sarkozy, en voulant montrer qu'il n'est pas le "Flanby" que l'on a décrit", note Jacques Lecomte, docteur en psychologie et enseignant à l'université Paris Ouest, président de l'Association française de psychologie positive. Je me souviens du témoignage de Jan Carlzon, dans son livre "Renversons la pyramide", dans lequel il racontait que peu après avoir été nommé PDG d'une entreprise aérienne en raison de son management démocratique, il a commencé à agir à l'inverse, pour bien prouver qu'il était l'homme fort que la situation exigeait. Ce qui lui a été reproché, et il est revenu à son management démocratique, plus bénéfique pour les salariés et pour l'entreprise".

Ne pas se laisser balloter par l'environnement
Sa difficulté est donc là : dans sa "prise de poste". "S'il a toutes les qualités requises pour comprendre très vite les interactions, les alliances et les modes de fonctionnement, comme aurait à le faire tout nouveau dirigeant d'entreprise, il doit en revanche veiller aux représentations qu'il a de sa nouvelle fonction. Il court le danger du novice qui veut trop bien faire. Le coacher serait alors le faire travailler sur sa capacité à s'approprier un terrain inconnu. Il a une formidable occasion de créer une vision pour la France et n'est nullement encombré par aucune habitude. Il a donc une capacité d'innovation hors du commun pour un président de la République. A condition qu'il ne se laisse pas balloter par l'environnement et qu'il s'autorise à être créatif ", analyse le coach et consultant Jean-Christophe Barralis.

Une définition claire du rôle de l'Etat
De fait, François Hollande semble dans cette perspective si l'on en croit ses propos du débat du 2 mai où il a indiqué qu'il voulait "changer la conception française de la politique". Mais sa volonté "d'engager de grands débats", de "prendre de la hauteur et fixer de grandes ambitions", amène certains coachs à pointer chez lui son manque de précision sur le fond. "Il abuse du procédé de la répétition, ce qui le dessert. Il faudrait l'amener à être beaucoup plus concret, à ne pas esquiver les vrais problèmes. Il y a trop de sujets qu'il ne traite pas vraiment. Je ne le coacherais pas tant sur la forme - il a une excellente qualité de langage qui s'adresse à toute l'échelle sociale- que sur le fond. Il a dorénavant à définir un vrai projet avec une définition claire du rôle de l'Etat", estime Jean Pagès, coach et fondateur de l'Institut Français d'Appreciative Inquiry.

"Il manque de convictions fortes"
Barbara Escande, également coach de dirigeants et de cadres supérieurs ne dit pas autre chose : "Il aime la politique pour discuter et débattre. Mais la vraie question à laquelle il devrait répondre serait de savoir ce qu'il veut vraiment incarner. Ce n'est pas un homme de décisions car il manque de convictions fortes. Il est dans la stratégie chinoise en évitant tout clivage, à l'opposé d'une Martine Aubry". Pour cette coach qui a côtoyé au PS François Hollande lorsqu'il était premier secrétaire, son principal écueil est de détester le conflit et de ne jamais savoir trancher entre deux opinions contradictoires. "Il aurait donc besoin d'être coaché sur le fond, sur ce qu'il souhaite réellement faire de son quinquennat. Quelle image veut-il laisser de lui dans les livres d'histoire ? De quoi veut-il qu'on se souvienne ? S'il se fixe de réduire le chômage, de combien exactement ? Ainsi il apprendrait à être plus dans l'efficacité opérationnelle qui lui fait encore défaut et pourrait découvrir qu'il peut faire autrement que ce qu'il a toujours fait. On retrouve ce genre de situations avec des PDG lorsqu'on les aide à aller au-delà des mots qu'ils ont toujours employé. Mais dans ce cas il faut les pousser dans leurs retranchements".
Le costume de président offre ainsi à François Hollande, l'occasion inespérée d'incarner un nouvel homme politique, vierge d'actions trop précises. "Il est neuf et c'est en soi très puissant", conclut Jean-Christophe Barralis.
 

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