Suicide dans une école maternelle : comment prendre en charge les …

PSYCHOLOGIE - Comment prendre en charge les victimes de traumatisme lorsqu'elles sont en bas âge? Alors qu'un homme, dont l'identité n'est pas encore connue, s'est donné la mort devant une dizaine d'enfants dans une classe maternelle jeudi 16 mai, une cellule psychologique a immédiatement été mise en place par le ministère de l'Éducation nationale.

Quelles questions les psychologues poseront-ils aux enfants? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre? Quels conseils donner aux parents? Le HuffPost a posé la question à Karen Sadlier, psychologue à l'Institut de victimologie et auteur de L'état de stress post-traumatique chez l'enfant (PUF).

HP: Comment les enfants vont-ils réagir?

KS: Dans ce type de situation, les enfants ont des réactions de stress traumatique. C'est normal, puisque ce dont ils ont été témoins aura été perçu comme une menace vitale. Ils devraient donc exprimer immédiatement des signes d'anxiété, de peur. Ils pourront aussi avoir des difficultés à s'endormir s'ils ne sont pas accompagnés par des adultes ou encore être irritables, ce serait même plutôt bon signe. Lorsque, à la suite d'un événement traumatique, un enfant n'exprime rien c'est qu'il est dans un état dissociatif. Loin de vouloir dire qu'il ne sera pas en souffrance, cela implique que les signes d'anxiété apparaîtront plus tard avec sans doute plus de force.

HP: Comment éviter cela?

KS: Les psychologues vont aider les enfants à verbaliser et à identifier leurs émotions. Tristesse, colère, ils devront aussi se tourner vers leurs parents qui pourront les y aider. L'essentiel est de ne pas laisser l'enfant seul avec l'événement et de récréer un lien de confiance avec un adulte. Les parents devront également être aidés avec la nécessité de prendre en compte cette donnée: l'événement a eu lieu dans une école privée, qui devait être considérée comme plus sûre, le choc n'en sera donc que plus grand.

HP: En maternelle la capacité des enfants à verbaliser est encore limitée, de quelle manière les psychologues vont-ils s'y prendre?

KS: Même en bas âge, les enfants sont capables d'identifier certaines émotions. La peur, par exemple, est très rapidement exprimée et exprimable pour un enfant. Les psychologues poseront des questions simples. De quoi l'enfant a-t-il eu peur? Du bruit? De l'entrée de l'homme dans la pièce? De la maîtresse qui a elle aussi eu peur? A-t-il peur que ça recommence? Les enfants ont aussi d'autres moyens d'exprimer ce qu'ils ressentent, notamment de manière plus ludique. Dessin, pâte à modeler, marionnettes, jeux, il y a différents scénarios. Leur ressentiment pourra s'exprimer dans des jeux avec des figurines, c'est important qu'ils puissent aussi s'exprimer comme cela. Mais dans un premier temps, les psychologues vont être plus directs.

HP: Quelles conséquences à long terme pour ces enfants?

KS: Quand la situation traumatique se résume à un seul événement comme c'est le cas ici, plus les enfants bénéficient du dialogue et de la capacité à s'exprimer dans le cadre de relations de confiance, plus ils sont en mesure d'absorber les symptômes du choc. Mais les souffrances peuvent perdurer s'ils ne trouvent pas ces cadres qui leur permettront de parler. Il en va de même pour les parents. Ils pourront également en parler entre eux, mais il sera peut-être plus simple de discuter directement avec des psychologues.

HP: On ne connaît pas encore l'identité de la personne qui s'est donnée la mort, comment faudra-t-il réagir si l'on se rend compte que c'était une personne connue des enfants?

KS: Cela fera entrer la prise en charge à un niveau de complexité supplémentaire. Dans ce cas, il faudra leur parler de l'individu, de ses problèmes, de sa maladie. Il faudra également leur poser la question de leur sentiment vis-à-vis de la personne? Comment se sentaient-ils avec elle? Quelle relation avaient-ils?

HP: Peut-on parler d'une enfance volée?

KS: La question est d'ordre philosophique et dépend de l'image que l'on se fait de l'enfance. Ce qu'on peut dire c'est que cet événement spectaculaire sera introduit par les enfants dans le cadre de leur expérience d'enfant. Ils sauront que ce type d'événement peut arriver. Dans tous les cas, il faudra continuer d'entretenir cette parole pour qu'ils intègrent cette expérience sans souffrir inutilement.

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