Stigmatisation de l’apparence chez les jeunes: attention danger


PSYCHOLOGIE - Entrer dans la vie adulte, c'est devenir autonome et indépendant en trouvant une activité professionnelle, une vie relationnelle satisfaisante et une place dans la société.

Mais quand on est gros, ce parcours s'avère semé d'embûches tant les stéréotypes liés à l'obésité sont négatifs. Ils contaminent les jugements portés par autrui et par la personne concernée elle-même. Comment lutter contre ces images de personnes perçues comme négligentes, sans volonté, peu performantes et malades? Ces jugements les enferment dans une disqualification d'autant plus difficile à surmonter qu'elle n'est pas reconnue légalement et qu'elle est légitimée par un discours officiel alarmiste et culpabilisant.

Dans cet environnement hostile, l'adulte en devenir, particulièrement sensible à la norme, peut développer des stratégies de défense pour préserver l'estime de soi mise à mal. Il perçoit tour à tour son corps réel non conforme et un corps virtuel, idéalisé, sans obésité. Cette dichotomie conduit à la recherche de solutions miraculeuses pour maigrir enfin, de façon définitive. Mais en attendant cet hypothétique changement deux solutions peuvent s'offrir à lui:

• Il peut surinvestir le monde extérieur au détriment de sa perception de lui-même en s'oubliant,
• Il peut se couper de la réalité et s'enfermer dans une vie fantasmatique.

Honte et culpabilité aux effets pervers

L'image du corps devient morcelée, floue, difficile à intégrer physiquement et psychiquement. Le rejet induit des sentiments de honte et de culpabilité qui envahissent le champ émotionnel. La honte favorise la crainte de toute manifestation d'hostilité (réflexions, regards, critiques) et le repli. La culpabilité initie des recherches de solutions souvent inadaptées à une situation singulière qui ne peut se penser que globalement, dans un parcours de poids et sur la durée. La culpabilité active ou réactive les troubles du comportement alimentaire et les échecs à moyen et long terme.

L'individu peut alors mettre son corps à distance en niant son obésité au prix d'une aggravation de sa situation pondérale.

Vivre entre parenthèses et remettre à plus tard des choix de vie

Or on sait qu'il est plus facile de stopper la spirale ascendante que d'intervenir sur des poids de plus en plus élevés. Les solutions proposées, même chirurgicales ne sont jamais pleinement satisfaisantes. Il peut aussi vivre entre parenthèses, en attente d'un amaigrissement idéalisé avec l'idée que celui-ci peut résoudre tous les problèmes rencontrés. Maigrir suffisamment pour obtenir un travail intéressant, pour rencontrer l'âme sœur, pour susciter la compréhension et la sympathie, des pensées qui s'inscrivent inconsciemment et qui remettent sans cesse à plus tard certains choix de vie.

Difficile de déclarer sa flamme quand on craint le rejet de son corps pléthorique. Difficile de se laisser courtiser quand on se demande s'il s'agit d'un pari, d'une envie d'exotisme ou d'un homme sans goût puisqu'il est prêt à apprécier ce que les autres détestent. Il faudra souvent plus de temps pour faire confiance, pour assumer ses choix socialement, pour décider d'avoir des enfants majorant les problèmes de conception parfois.

Les réseaux sociaux augmentent cette méfiance quand on voit combien ils peuvent multiplier très rapidement la diffusion de jugements négatifs, voire de harcèlement.

Des réseaux sociaux parfois humiliants

Aux USA par exemple, des sites de "body shaming" ont pour objectif de faire honte aux personnes grosses. Ils canalisent les idées les plus dévalorisantes les concernant et conseillent de les humilier de toutes les façons possibles. Mais au-delà de ces comportements extrêmes, il est souvent choquant de lire des commentaires stigmatisants dans des sites non dédiés.

Disqualification professionnelle à l'oeuvre

Stigmatiser une apparence c'est réduire la personne à cette caractéristique et contaminer ses possibilités d'adaptation, qui existent pour d'autres différences, mieux tolérées. Les stéréotypes négatifs de l'obésité conduisent à la discrimination dans l'emploi par exemple puisque les qualités professionnelles du candidat ou de la candidate s'effacent et la personne est réduite à son apparence. Le testing de Monsieur Amadieu, sociologue, montre combien cette discrimination est prépondérante même pour des emplois éloignés du public.

Il n'est pas rare en outre, de constater combien les emplois proposés aux personnes obèses sont inférieurs à leur qualification. Dans l'association Allegro Fortissimo des témoignages ont montré qu'en cas de chômage, des postes d'entretien sont proposés à des personnes ayant fait de très longues études, ce qui n'est pas le cas pour des personnes de poids standard.

Comment construire sa vie quand on est plus gros que la moyenne dans ces processus de disqualification si généralisés? Sachant que les difficultés existent dès l'école, un sentiment d'incompétence induit peut limiter les ambitions et entretenir des peurs qui agissent comme des prophéties auto-réalisatrices. Ces processus mal connus doivent être associés aux informations concernant l'obésité pour sensibiliser aux stéréotypes négatifs et à leurs effets qui aggravent la situation. Ils doivent permettre de mieux comprendre l'impact de la communication médiatique et les précautions à prendre pour ne pas nuire aux personnes concernées.

Une réflexion éthique permettrait d'analyser ces mécanismes en les rendant conscients.

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