Staccato: l’héroïsme pour tous

Anna Lietti

Philip Zimbardo est un professeur de psychologie américain connu pour ses recherches sur la question: «Comment devient-on un héros?» Dans le Bronx où il a grandi, il avait un camarade d’école nommé Stanley Milgram, future célébrité mondiale pour ses recherches sur la question: «Comment devient-on un tortionnaire?» Il me semble que les travaux du second ont davantage passionné le grand public que ceux du premier. Pourquoi? Ça mériterait une recherche.

En réalité, Philip Zimbardo s’intéresse aux héros comme aux tortionnaires – ce qu’il appelle «le yin et le yang de la condition humaine». Il observe que la frontière séparant ces extrêmes est plus mouvante qu’on ne l’imagine. Surtout, il rappelle qu’entre la minorité des diaboliques et celle des admirables il y a, moulée sur l’arrondi parfait d’une courbe de Gauss, la majorité passive, qui espère sauver son âme en s’abstenant d’agir dans un sens ou dans un autre. Elle se trompe puisque, face au mal, la non-action fait de vous un complice, rappelle Philip Zimbardo. Il cite le philosophe irlandais Edmund Burke: «Tout ce qui compte pour que le mal puisse triompher, c’est que les bonnes gens ne fassent rien.»

En d’autres termes, appliqués à l’actualité: au lieu de me perdre en conjectures intérieures pour deviner la réaction que j’aurais eue comme passager du Thalys face à un terroriste, je ferais mieux de me demander quoi faire, comme citoyenne d’un pays en paix, face à la tragédie de l’exode qui touche des dizaines de milliers de gens fuyant leur pays en guerre.

L’ambition de philip Zimbardo est de «démocratiser l’héroïsme». Il a mis au point des programmes d’entraînement, destinés notamment aux élèves des écoles, pour les encourager à développer leurs «muscles héroïques». Par exemple, en portant secours à leurs camarades maltraités dans la cour d’école.

Je trouve ça épatant. D’un autre côté, je m’interroge sur ce paradoxe: la psychologie de l’héroïsme s’intéresse à l’individu, tout en notant que ce qui déclenche la prise de risque chez le héros, c’est sa capacité de passer du «je» au «nous».

Alors: comment passe-t-on du «je» au «nous»? Une manière classique est de chanter l’hymne national tous les matins. Une autre, c’est de s’intéresser à l’actualité, à l’histoire, à la politique. Tenez, imaginez un prof qui lirait le journal tous les matins avec ses élèves. Oui, bon, évidemment, il prendrait des risques. anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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