Pour inciter au vote, il est plus efficace de s'adresser à l'individu que de mettre l'accent sur l'action de voter. Valoriser l'électeur permet d'en faire plus qu'une simple voix : un véritable allié.
"Je suis ce que je fais" : cette affirmation sur laquelle plancheront pendant encore des années les candidats à l’épreuve de philosophie du bac, est probablement avérée en matière électorale. Le fait de voter en dirait, en effet, beaucoup sur l’électeur, ses valeurs et ses aspirations, bien sûr, mais aussi sur la façon dont il se perçoit lui-même à travers ses actions.
Les chercheurs en psychologie cognitive ont déjà démontré qu’il était plus efficace, pour convaincre un individu d’entreprendre une action, d’en appeler aux caractéristiques qu’il s’attribue et à l'image qu’il a de soi, qu’à l’action elle-même (aussi louable soit-elle).
Prenons l'exemple des campagnes de financement d’associations caritatives : un appel direct aux donateurs "indispensables et généreux" serait ainsi bien plus efficace qu'un slogan plus pragmatique invitant à "donner 100€ pour nourrir 2 enfants".
Appliqué à la politique, ce phénomène psychologique explique pourquoi il est plus efficace de motiver les "électeurs" plutôt que d’appeler à "voter".
Are you talking to me ?
Des chercheurs d’Harvard et Stanford ont testé cette hypothèse lors des élections présidentielles de 2008 en Californie, et pour le poste de Gouverneur du New Jersey en 2009, en posant différentes questions la veille du scrutin. Le résultat est sans appel, avec une participation qui peut varier de 10 points en fonction de l'orientation du message. "Serez-vous un électeur demain ?" fonctionne ainsi bien mieux que "Voterez-vous demain ?", et "A quel point est-ce important pour vous d’être un électeur demain ? " s'avère bien plus efficace que "A quel point est-ce important pour vous de voter demain ?", pourtant assez proche.
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Lecture : 82% des électeurs à qui ont été posés des questions axées sur l’action (par exemple "voterez-vous demain ?") se sont déplacés pour voter aux élections présidentielles de 2008 en Californie.
Source : L’étude en Californie a porté sur un échantillon de 133 personnes volontaires pour répondre sur Internet la veille de l’élection. L’étude dans le New Jersey s’est faite sur un échantillon tiré au sort et représentatif de 214 personnes, les questions ayant été administrées par téléphone la veille et le jour de l’élection. Les listes électorales étant publiques aux Etats-Unis, il a ensuite été très simple de vérifier lesquels des participants avaient ou non voté. Source : Christopher J. Bryan, Gregory M. Walton, Todd Rogers and Carol W. Dweck (2011). “Motivating Voter Turnout by Invoking the Self”.