Serge Hefez : interview nouvel ordre sexuel

On ne naitrait pas fille ou garçon, mais on le deviendrait ? Alors que notre culture occidentale, l'Eglise et la science ont entériné l'idée contraire dans nos inconscients, de nombreux psychologues affirment un nouvel ordre sexuel, dans lequel les déterminants de genres s'effacent peu à peu. Modèles familiaux, éducation, polarité... Serge Hefez, psychiatre et psychanalyse, nous répond et nous éclaire.

 - Serge Hefez : interview nouvel ordre sexuelC'est une bonne nouvelle que nos identités sexuelles deviennent plus fluides ?
Oui, évidemment nous avons tous à gagner à un ordre sexuel plus fluide. Les femmes en premier lieu, car la complémentarité rigide des sexes les cantonnaient dans une position d'infériorité et de destin de seconde zone par rapport aux hommes.
Mais les hommes ont aussi à gagner car ils subissaient des contraintes à être dans les positions obligatoires de la virilité (conquête, pouvoir, asservissement de l'autre). De plus en plus d'hommes qui viennent me consulter s'épanouissent dans l'intimité ou la relation à l'enfant.

63% des Françaises pensent que les hommes et les femmes ont des cerveaux différents contre 36% des Français (sondage opinion way pour Books). Malgré les réalités physiologiques, comment l'expliquez-vous ?
Les femmes s'interrogent sur leur nature, qui elles sont, comment elles fonctionnent. Ce questionnement identitaire et psychologique traverse moins les hommes. C'est un peu Vénus qui se heurte à Mars et qui fabrique cette idée selon laquelle "les hommes sont vraiment différents de nous".
C'est aussi parce que les femmes sont convaincues que l'expérience du corps féminin (pénétration, accouchement, allaitement) est très chargée émotionnellement et ne s'explique que par des différences de cerveaux.

Vous vous opposez à un certain nombre de psys qui s'inquiètent de la remise en cause de la complémentarité de genre. Pensez-vous que toutes les structures familiales se valent dans l'intérêt de l'enfant ?
Les outils de la psychanalyse sont nés d'une culture et d'une époque. Le masculin et le féminin sont totalement connotés historiquement parce que l'on a reproduit sur le plan psychique ce qu'on voyait dans les positions sociales. Freud était à la fois visionnaire sur l'inconscient féminin/masculin et rétrograde sur l'imbécillité des femmes.
De nombreux psys sont pris dans une norme culturelle parce que nos outils viennent de la culture de l'Oedipe, l'enfant construit son identité sexuée dans un processus d'intériorisation provoqué par le parent.
Avec le décloisonnement entre les sexes, les caractéristiques féminines ou masculines modifient les psychismes.
Prenons l'exemple de la dichotomie classique chez les hommes de la Maman ou la Putain qui s'estompe de plus en plus dans les arcanes de l'inconscient.
Et si certains schémas familiaux sont plus complexes que d'autres, dans la réalité ils ne rendent ni fous ni confus sur son identité...

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la polarité fondatrice de notre corps/esprit n'est pas masculin/féminin mais fusion/defusion ?
Ce qui construit le psychisme de l'enfant, c'est l'expérience de la fusion et de la séparation. L'enfant est psychiquement relié au parent, à la mère en général.
Il va intérioriser son psychisme, créer mentalement l'image de sa mère dans son esprit, ce qui va lui permettre d'être séparé d'elle sans difficulté.
C'est le principe de la triangulation. Le parent en entrant en relation avec un autre adulte aide l'enfant à se séparer psychiquement de lui.
L'enfant devient observateur de la relation entre ses parents dans le cadre de romans familiaux de plus en plus complexes mais qui vont le structurer.

Le patriarcat semble mort, mais pensez-vous que les pères ne jouent pas suffisamment leur rôle auprès de nombreux enfants ?
Ce n'est pas tellement la fin du patriarcat, qui est en jeu mais plutôt le fait qu'un certain nombre de pères ne peuvent plus jouer de rôle structurant auprès de l'enfant.
Un enfant qui vit avec un parent seul accède plus difficilement à la séparation psychique.
Or, dans 80% des cas, un parent seul, c'est une mère. Et parfois, à la suite de séparation douloureuse, certaines mères excluent le père de l'éducation, ou certains pères abandonnent leurs responsabilités, mettant ainsi l'enfant en danger.


Il est alors nécessaire que d'autres protagonistes interviennent. On pourrait dire au parent seul "occupez vous psychiquement ailleurs, votre enfant en a besoin" !

Pensez-vous que le nouveau projet de loi sur le mariage gay résolve les questions posées à la famille homoparentale ?
C'est une avancée, les familles homoparentales se sentaient hors la loi, de seconde zone, dans la précarité car un des deux parents n'était pas reconnu. Elles éprouvent un grand soulagement que la société, de façon même symbolique, reconnaisse une place à ce type de filiation.

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