Sarkozy – Hollande : le choc des personnalités

A la différence des conducteurs de métro, des pompiers ou des ingénieurs du nucléaire, les présidents de la République ne passent pas de tests psychologiques avant de prendre les commandes. L'onction du suffrage universel suffit. Mais les psychologues américains n'en ont pas moins développé des techniques particulières pour décrypter la personnalité de ceux qui nous gouvernent. Questionnaires, analyses de la communication non verbale, des interviews et des biographies...

Formé au "profilage", Pascal de Sutter, professeur à l'université de Louvain-la-Neuve, membre de l'International Society of Political Psychology, est coauteur, avec Hélène Risser, de "Dans la tête des candidats" (Les Arènes, 2011). Il livre son diagnostic sur les cas des deux finalistes de la présidentielle en cinq points, les "big five", méthode élaborée à l'Université Harvard pour résumer les tendances fondamentales d'une personnalité. 

 

 

1. Fermeture d'esprit / Ouverture aux expériences

François Hollande apparaît beaucoup plus fermé aux expériences nouvelles que Nicolas Sarkozy. C'est l'une des principales différences entre les deux candidats. Pour François Hollande, cette caractéristique peut être considérée alternativement comme un défaut ou une qualité. Il peut s'obstiner dans l'erreur. Hollande n'est pas quelqu'un qui change facilement de direction. Mais cette stabilité est aussi un gage de constance. Les profils de ce type font ce qu'ils disent et disent ce qu'ils font. D'autant que François Hollande n'est pas rigide. Il écoute les autres et sait modifier son jugement. Sarkozy, a contrario, apparaît très inventif.

A la base des personnalités inventives, on retrouve souvent le besoin de reconnaissance et une peur de l'anonymat. La créativité agit comme une compensation du déficit narcissique. Au risque, on a pu le constater, de se montrer brouillon voire contradictoire. Très soucieux de plaire, hypersensible au jugement d'autrui, Sarkozy est plus opportuniste que son rival. Ce qui le conduit à agir sous le coup de l'émotion, d'une manière excessive.

2. Désorganisation / Organisation

De ce point de vue, Hollande et Sarkozy sont comparables. Comme l'immense majorité des hommes politiques - à l'exception de François Bayrou et Jean-Louis Borloo -, ils montrent un bon niveau d'organisation et de méticulosité. Selon nos critères, ils affichent aussi un bon niveau de probité. Contrairement à ce que peuvent penser certains de leurs opposants, ils ne paraissent pas particulièrement dissimulateurs ou magouilleurs.

3. Introversion / Extraversion

Nicolas Sarkozy est particulièrement extraverti. C'est un atout dans le cadre d'une campagne électorale lorsqu'il s'agit de susciter une émotion. Mais cela devient un handicap quand il faut incarner la fonction de président de la République ! Une extraversion excessive, un manque de retenue et un comportement qui devient caricatural transforme le capital de séduction en répulsion. On le lui a suffisamment reproché...

François Hollande est un homme extraverti et introverti. C'est l'une de ses singularités. Le socialiste est un timide dont les craintes sont compensées par un tempérament très coopératif et agréable. Sa personnalité fascine en petit comité, mais il ne jouit pas d'un grand charisme pour soulever les foules. Sans doute n'a-t-il pas toujours été parfaitement à l'aise vis-à-vis de lui-même. Il y a chez lui une pudeur, une retenue qui peut lui nuire en tant que candidat. Il aurait probablement intérêt à montrer un peu plus ses sentiments, comme lors de son meeting du Bourget. Mais cette retenue lui permet d'être un rassembleur. Il est parvenu à fédérer son camp jusqu'à ses plus irréductibles adversaires.

4. Agréable / Désagréable

Cet axe résume la perception du caractère par autrui. Et de ce point de vue, il existe un écart important entre les deux candidats. L'agréabilité est le trait le plus marqué de François Hollande. Ceux qui le rencontrent le trouvent sympathique. Même s'ils notent une certaine réserve chez lui.

Le niveau d'agréabilité faible affiché par Nicolas Sarkozy s'explique en grande partie par sa tendance à critiquer les autres, à les mettre mal à l'aise, voire à les humilier. Doutant de lui-même et ayant un tel besoin de se mettre en avant, le président sortant apparaît hautain, méprisant parfois cassant. Cette attitude suscite des réactions très négatives chez les chefs d'Etat qui ont pu le côtoyer, mais aussi parmi les électeurs.

5. Stabilité / Nervosité

François Hollande est capable d'un self-control très supérieur à la moyenne ! Ce contrôle émotionnel est un gage de stabilité. A l'inverse, Nicolas Sarkozy passe par des états extrêmes : enthousiasme excessif et abattement irrationnel. Certes, il a évolué sur ce point depuis 2007("Ces fous qui nous gouvernent", avec Hélène Risser, Les Arènes, 2007).

La comparaison de ses profils à cinq ans de distance indique qu'il a pris conscience de certains de ses excès. Mais il continue de jouer sur les émotions. Pour les susciter, il est souvent l'agresseur. Mais il peut aussi jouer l'agressé. Chacun sait que dans les débats télévisés les spectateurs prennent le parti de la victime. Je suis persuadé qu'il saura s'en souvenir lors du prochain débat face à François Hollande...

Conclusion

Le profil de François Hollande est celui d'un homme normal. Il n'aime pas dominer pour dominer. François Hollande présente un trait saillant, rare chez les dirigeants politiques : une forte aptitude à la coopération. Selon nos critères, les gens possédant un score élevé sur cet axe sont généralement considérés comme accommodants. Hollande affiche un tempérament de "roseau d'acier" à la fois flexible et inoxydable.

Extraverti, dominant et ambitieux, Nicolas Sarkozy peut être perçu comme un sujet dynamique, courageux et déterminé. Mais son agressivité, son hyperactivité et son sentiment de supériorité peuvent aussi provoquer un sentiment de rejet. " Narcissique compensatoire ", Nicolas Sarkozy souffre d'une anxiété qu'il essaie de calmer en s'efforçant de dominer sa vie et celle des autres.


 

 

Article publié dans "le Nouvel Observateur" du 26 avril 2012.

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