Roms : Jean-Marie manque un poil de psychologie…

Ecrivain, journaliste

L’Homo politicus aime décidément les métaphores olfactives. On avait eu Chirac et son propos fameux et fâcheux sur « le bruit et l’odeur » des immigrés, l’emploi jusqu’à la nausée du qualificatif « nauséabond » par les indignés compulsifs et les pavloviens compassionnels pour dénoncer tout propos dérogeant au canon de la pensée autorisée, les relents de ceci et de cela, des années trente ou de la période la plus sombre de notre histoire. Et voilà que Jean-Marie Le Pen s’y met, évoquant la « présence urticante et disons… odorante » des Roms dans la ville de Nice.

Sur ce coup, la moutarde a dû monter aux narines de Marine, qui tâche depuis son élection à la tête du Front national de policer le discours, afin de faire oublier les sorties du patriarche, dont les médias ont depuis belle lurette fait leur miel pour frapper le parti d’anathème. Plus d’un quart de siècle après les faits, le « détail de l’Histoire » pour qualifier les chambres à gaz et le calembour Durafour-crématoire, en réponse à l’appel de Michel Durafour à « exterminer le Front national », continuent de meubler la mémoire collective.

La fille de, qui a eu tout le loisir d’analyser de près les errements et les erreurs de son père, a bien saisi que si elle voulait convaincre sur le fond, il lui fallait mettre les formes. Que défendre des idées fortes demandait plus de finesse encore dans le maniement de la langue. Qu’il fallait en finir avec les petites saillies rappelant davantage le vieux tonton éméché et gouailleur qui met les pieds dans le plat en fin de banquet familial. Et qu’entre les outrances et l’eau tiède crachée à longueur de journée par les états-majors des grands partis (Harlem, si tu nous écoutes…), il était encore un petit espace d’expression, et ce même si les cerbères médiatiques patrouillent.

En 2009, Marine tuait ainsi le père, déclarant ne pas partager sa vision sur ce « détail » de l’Histoire. Depuis, la stratégie de dédiabolisation du Front national paye, comme le prouvent son score à la présidentielle et les résultats des candidats FN aux dernières législatives partielles ― même si le concours d’une UMP anémique et d’un PS désavoué, rattrapés tous les quatre matins par quelque nouvelle affaire, ne doit pas être sous-estimé.

Pour autant, et Marine Le Pen ne le sait que trop, l’édifice conserve la fragilité constitutive des nouveau-nés. Un mot de trop, bon ou mauvais, et tout sera à reprendre. Alors oui, on l’imagine redoutant la formule mal à propos du père, lui mettant des coups de pied sous la table, lui faisant des signes discrets, l’index en travers de la bouche pour lui intimer de se taire, afin de préserver le parti de ses traits hasardeux.

Mais il est comme ça, Jean-Marie, quand il a quelqu’un dans le nez, il manque un poil de psychologie… Serait-il pourtant si compliqué de s’en tenir à ce principe simplet : on juge les actes, mais on n’attaque pas sur le physique ? Et par physique, il faut entendre tout ce que l’on perçoit de l’autre par nos sens, jusqu’au toucher, puisque les Roms niçois donnent, semble-t-il, de l’urticaire au vieux grognard et grogneur de Saint-Cloud.

Le dommage de tout ça est qu’il ait fallu attendre un mot mal senti pour voir les médias s’intéresser au sujet de fond : alors même que les démantèlements de camps roms illégaux sous Sarkozy et Hollande n’ont en rien réglé la question de la difficile ― si ce n’est de l’impossible ― cohabitation avec le voisinage, qu’en sera-t-il le 1er janvier prochain, autant dire demain, quand les populations roms de Roumanie et de Bulgarie bénéficieront, à l’instar de tout Européen, du principe de libre circulation ? Désormais, les journalistes, avec le panurgisme qu’on leur connaît, risquent fort de jeter le bébé rom avec l’eau du bain.

Pour la petite histoire, Marie-Christine Arnautu, que Jean-Marie Le Pen était venu soutenir à Nice dans la perspective des municipales, est née d’une mère italienne et d’un père émigré de… Bulgarie. Sans doute n’est-elle pas la plus mal placée pour évoquer la question rom, et tâcher de prouver que le Front national n’en a pas après l’immigré, mais après les échecs de l’immigration de masse. Eh bien, parlons-en de ces échecs, mais de grâce, Homo politicus, laissez nos tarins chatouilleux en paix !

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