Raqi ou imam, mais surtout pas psy ! – Al

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Souvent, lorsque les musulmans souffrent d’un problème psychologique, ces derniers pensent en premier lieu à un mal occulte. En sociologie, on parle dans ces cas-là d’« externalité », de ce besoin qu’à l’être humain de donner une raison externe à l’origine de ses maux. Il semblerait que chez les musulmans en France cette tendance soit tout de même assez exacerbée. Héritage culturel ou crainte narcissique, nous avons pour habitude d’accuser l’autre avant de chercher à nous remettre en question.

Les imams encouragent le recours à la psychologie

Une maladie psychologique va ainsi être traitée comme un mauvais sort. Dès lors commencent les interprétations et les accusations envers les personnes que l’on croit jalouses, envieuses, déçues, aigries, etc. Puis vient le temps des raqi (exorciseurs) pour bénéficier d’une roqiya (séance d’exorcisme), pourquoi pas. Enfin, on consulte un psychologue, tout en gardant restant sceptique, car on ne veut surtout pas entendre parler de traitement. C’est là ce que j’observe souvent : raqi ou imam, mais surtout pas psy !

Face à l’inconnu, au mal-être, à la pathologie « invisible » mais perceptible, le musulman lambda va « consulter » un imam, qui, espère-t-il, va lui expliquer la nature de ses troubles, suite à quoi la guérison surviendra. Seulement, ce n’est pas aussi simple. De plus en plus d’imams orientent des patients vers les psychologues, car ils reconnaissent le côté mental de certaines affections et ne sont pas formés pour gérer ces troubles. L’imam est tout à fait disposé à rassurer, écouter, conseiller puis orienter un frère, une sœur, ce qui n’est nullement négligeable. C’est très important, pour nous, de pouvoir bénéficier de personnes craignant Dieu pour nous aider.

L’importance d’un soutien spirituel

L’imam, le cheikh, le professeur ou le représentant religieux est un tiers qui a son rôle dans la prise en charge des personnes souffrantes, mais il faut reconnaître ses limites. Dans tous les cas, ses connaissances vont permettre de nous aider à relativiser nos souffrances, ses rappels, qu’ils soient versets du Noble Coran, hadiths, récits de la vie des pieux prédécesseurs ou autres, ne peuvent que nous amener à réfléchir et nous orienter davantage vers Dieu. Celui qui fait un pas vers Allah le Très-Haut s’avance à lui.

Accepter l’épreuve, s’en remettre à Allah le Très-Haut, patienter, faire des aumônes, sont des conseils thérapeutiques et font partis de ce vers quoi nous voulons, nous thérapeutes musulmans, orienter nos patients. Lire le Coran, faire du dhikr, quoi de plus véridique pour chasser l’angoisse et fortifier sa foi. Mais souvent il faut en plus de cela une aide médicale, un soutien psychologique plus ciblé, permettant de trouver des moyens concrets pour faire face à certaines difficultés.

D’une complémentarité entre spiritualité et psychologie

J’ai le souvenir d’une sœur venue consulter, car elle n’arrivait vraiment pas à accepter la mort de son petit garçon de deux ans. Musulmane, pratiquante, elle était fortement soutenue par son mari/ Mais ses larmes ne cessaient de couler tellement la douleur était forte. Les séances avec elle avaient pour objectif de l’aider, non pas à oublier, car cela est impossible, mais à accepter ce choix divin. Travailler autour de ce que représente la mort, tant selon l’islam que selon la psychanalyse (seul point commun à tous les êtres humains, seule chose que nous ne pouvons tester, raisons de cette douleur, etc.), l’aidait à relativiser. Réfléchir sur le sens des épreuves l’a également soulagé. Je lui ai demandé de lire la passage dans sourate Al-Kahf, sourate la Caverne (verset 80) où Allah le Très-Haut explique les raisons de la mort d’un enfant pour le bien-être de ses parents.

Lui permettre de se lâcher totalement, de pouvoir exprimer sa peine, sa douleur, sa colère, dans un cadre contenant, sans jugement, aidant, lui a fait beaucoup de bien. C’est aussi ça une thérapie, c’est poser quelque part quelque chose de lourd qui ne va pas rester sans retour, qui sera écouté, élaboré, raisonné et peut-être accepté. Du moins on essaie.

Des exemples, permettant de montrer la complémentarité de la religion avec la psychologie, il y en a des centaines. Aucune consultation avec un patient musulman ne s’est déroulé sans référence à l’islam. Je tiens vraiment à le préciser, car certaines personnes perçoivent en notre rôle une substitution à la religion, ce qui n’est évidemment pas le cas. Il s’agit de références complémentaires, c’est vraiment important de percevoir le travail du psychologue de cette façon car c’est ainsi que nous travaillons.

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