Quand seul le succès compte…

Le syndrome de réussite par procuration (SRP), ou quand l’enfant devient un « faire-valoir narcissique ».   

En tant qu’intervenante en psychologie du sport, il n’est pas rare d’être confrontée à des témoignages de jeunes qui nous confient avoir le sentiment d’un amour parental conditionné. En clair, ils ressentent l’amour de leurs parents lorsqu’ils gagnent. Ils cherchent alors à répondre aux attentes parentales pour assouvir leur besoin de reconnaissance, d’amour. La tâche est alors extrêmement complexe pour l’enfant ou l’adolescent qui  « joue ». En effet, plus question de rentrer sur un terrain de sport pour se contenter de gagner un match, une compétition, de marquer un but, un point, mais bel et bien de remporter l’amour parental tant convoité. Difficile de parler de « jeu » dans ces conditions. Ces enfants vivent un amour parental « sous condition » et sont prêts à tout endurer en vue de l’obtenir. En sommes-nous seulement conscients ?

Le « syndrome de réussite par procuration » étudie ces parents qui sur-investissent la réussite de leur enfant dans le domaine musical, sportif, voire scolaire. La famille s’organise alors de manière excessive autour de ce projet dont nous pouvons douter qu’il soit partagé. L’enfant devient avant tout un sportif qui doit réussir dans la mesure où toute la « maison » œuvre dans ce but. Une jeune joueuse de tennis, au cours de notre premier entretien, me confiait être triste en se souvenant du temps où son père l’accompagnait au cinéma, au lieu de l’entraîner. Un jeune joueur regrettait quant à lui ses vacances « d’avant », à savoir celles antérieures à la découverte de son talent. Ces journées ne bénéficiaient alors d’aucun programme particulier et laissaient place à ses envies. Aujourd’hui, le moindre week-end, la moindre semaine de vacances sont planifiés à proximité d’un centre d’entraînement lui permettant de poursuivre sa pratique. De son propre aveu, les « vraies vacances » n’existent plus.

En 1999, Toffler al. nous proposent quelques indices destinés à faciliter notre reconnaissance de la situation problème (SRP).

Les parents souffrant du syndrome de réussite par procuration sont désignés comme « pseudo-altruistes ». Ces parents « modèles », « exemplaires », mettent en avant leur engagement démesuré pour le succès de leur enfant. Ils expliquent « tout faire » pour la réussite de sa « carrière », à la fois sur un plan financier et organisationnel (certains déménagent à côté du club, changent de métier, …). Ils présentent toutes leurs actions comme des sacrifices qui donnent droit à « un retour sur l’investissement ». C’est ici que la fameuse phrase tombe : « avec tout ce que nous faisons pour toi ! »… sans s’être demandé si ce « tout » n’est pas excessif et si l’enfant le souhaite réellement. En demande-t-il autant ? Il préfèrerait sans aucun doute jouer, sans avoir le sentiment d’avoir quelque chose à rembourser.

Autre indice, « l’instrumentalisation » de l’enfant. Grégory Michel (professeur de Psychopathologie) précise : « c’est le cas lorsque les parents ne font plus la différence entre leurs propres besoins de réalisation et de succès et ceux de leurs enfants. Ces derniers deviennent alors un moyen pour atteindre un objectif donné » (site SFPS). L’enfant se voit donc relégué au rang d’objet destiné à satisfaire les ambitions, les idéaux des parents par l’intermédiaire de ses victoires. L’enfance est sacrifiée sur l’autel des rêves parentaux. Il n’est plus question de « jouer » mais de réussir pour que les parents se sentent valorisés, gratifiés.

Le dernier indice à souligner concerne « la maltraitance » à travers des comportements incitant, poussant l’enfant à pratiquer malgré son état de grande fatigue physique ou psychologique, une maladie, une blessure… Les parents peuvent également participer dans ce cas au renforcement de certains troubles du comportement alimentaire. L’enfant souffre mais son statut « d’objet » bloque la résonance que cette souffrance devrait induire auprès de son entourage.

Selon Michel et Puper-Ouakil (2006), le profil de personnalité de l’enfant joue un rôle essentiel dans l’émergence et le maintien du syndrome : « Par exemple, une personnalité perfectionniste au travers d’éléments anxieux, rigides voire obsessionnels ainsi qu’un profil basé sur un fort niveau d’activation peut s’avérer être vulnérabilisant pour l’enfant » (op.cit.).

Si, bien heureusement, de nombreux enfants participent à leurs activités sportives avec plaisir, il est important d’avoir connaissance de ce syndrome afin de nous aider à prendre garde et à ne pas franchir certaines limites. Il n’est pour autant pas facile d’être parent dans le contexte de la compétition c’est pourquoi une réelle formation devrait être proposée par les différentes structures d’accueil de nos jeunes sportifs. Les parents aussi ont besoin d’être accompagnés, ne serait-ce que pour définir leur rôle au sein de ce projet ainsi que les comportements qui donneront à leur enfant le plus de chance de s’épanouir, voire de réussir.

Michel G, Purper-Ouakil D. Personnalité et développement. Du normal au pathologique. Ed : Dunod, Paris, 2006.

Toffler IR, Knapp PK, Drell MJ. The achievement by proxy Spectrum : recognition and clinical response to pressure and High-achieving children and adolescents. J. Am. Acad. Child. Adolesc. Psychiatry, 1999, 38 : 213-216.



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