Psychologie poker : l’influence négative du pessimisme sur votre jeu

Plusieurs spécialistes s’accordent à dire que le pire ennemi contre lequel le joueur de poker doit se battre, c’est lui-même. En effet au-delà des connaissances techniques, de l’ampleur de ses acquis, il y a la capacité à les appliquer dans le feu de l’action, y compris lorsque les évènements ne se passent pas comme prévu (bad beats, session noire, etc.) et que le tilt pointe le bout de nez.

Le tilt, voilà l’ennemi. Beaucoup s’imaginent à tort que le tilt est un état de colère qui nous fait voir rouge avant de casser la table, jeter les jetons en l’air et insulter le croupier ou ses adversaires. En réalité, l’état dit du tilt est bien plus subtil et sournois que cela. D’une manière générale, être en tilt signifie s’être éloigné de son A-game, c’est-à-dire de son meilleur niveau de jeu. La concentration déclinante au cours d’une partie, dès lors qu’elle a pour conséquence de ne plus vous conduire à prendre les meilleures décisions en fonction du contexte, est un état de tilt. Un joueur peut être au fait de toute la panoplie technique connue au poker, savoir par cœur les cotes, les calculs divers, les pourcentages, si après deux bad beats il se met à tilter et à spew, il ne sera pas gagnant sur le long terme, malgré son potentiel technique.

L’une des manifestations du tilt la plus répandue et pourtant la moins reconnue par les joueurs, c’est tout simplement le pessimisme, et sa variante le défaitisme. Pour être gagnant au poker comme dans toutes les disciplines, il faut avoir un mental de gagnant ; c’est une qualité très rare et très difficile à développer, ce qui explique que partout où la compétition existe seule une minorité de champions parvient à décrocher les titres. Autrement dit, avoir un mental défaillant qui consiste à se voir perdu d’avance est la meilleure façon d’être effectivement un perdant au poker. Surtout au poker. Il y a une distinction à faire entre la plupart des sports qui appellent de grandes facultés physiques (avec des exigences d’âge, de condition physique, etc.) et des disciplines comme le poker et plus généralement les activités essentiellement intellectuelles et psychologiques. Pour réussir à la gymnastique de haut niveau, avoir un mental d’acier ne suffit pas si vous n’avez de toute façon aucune disposition physique pour réussir les figures et soutenir le rythme cardiaque, y compris si vous savez comment réaliser théoriquement chacune des figures acrobatiques en question. Il en va de même au football : vous pouvez parfaitement savoir comment marquer des buts sur le papier, si vous n’avez pas la condition physique qui vous permet de subir un match, vous ne marquerez pas de buts. Le poker est différent. Au-delà des connaissances, du savoir jouer, il y a le mental. La chance des joueurs : inutile d’avoir le rythme cardiaque d’un marathonien, ni la souplesse d’une gymnaste russe, ni les épaules d’un nageur olympique pour vous asseoir à une table de grands joueurs et de les raser méthodiquement. Vos adversaires ont les mêmes acquis que vous, ils connaissent les mêmes tables de calculs, les mêmes probabilités, savent comme vous comment valoriser une main gagnante et limiter la casse avec les mains battues. A partir du moment où le joueur a assimilé cette évidence d’égalité du savoir, il sait que la victoire se joue à un autre niveau : la guerre psychologique. Dans tout ce qu’elle englobe, c’est-à-dire aussi dans la capacité à garder la tête froide, à accepter sans broncher les aléas de la variance, à encaisser les bad beats sans jamais s’écarter de son A-game. Si tous les joueurs de poker savaient s’en tenir à cette discipline, il n’y aurait que des vainqueurs, c’est-à-dire que des perdants. Or, s’il n’y a qu’une minorité qui gagne, c’est bien qu’il y a cassure à un moment.  

Je suis pessimiste, donc je perds

La règle est imparable sur le long terme. Et cela s’explique par une mécanique psychologique basique : être pessimiste dans une partie de poker consiste à se chercher d’avance des excuses pour justifier un résultat négatif. Tout d’abord, qu’appelons-nous « être pessimiste » au poker ? Tous les joueurs le sont un peu, c’est un état où l’on se voit battu d’avance, où l’on anticipe qu’aucun tirage ne va entrer, que les flops ne se connecteront jamais à notre main, que les joueurs en face sont des « chattards », etc. A chaque fois que l’on adopte cet état d’esprit, on prend une option sur sa future défaite. Le pessimisme est une position de confort. En se convainquant d’être victime du sort, des cartes, de la malchance, nous élaborons le discours que nous raconterons aux autres et à soi-même pour expliquer notre future défaite et cela influe négativement sur la suite des évènements. Après tout, puisque nous sommes plus malchanceux que les autres, que le sort s’acharne sur nous, quoi de plus normal qu’aucun flop ne tombe ni qu’aucun tirage ne rentre ? De cette façon, on se soustrait à toute responsabilité puisque nous nous sommes trouvé une justification. Dès lors que l’on a une excuse, on se met plus facilement à payer des tirages douteux en sachant que s’il n’entre pas (et ce scénario arrivera forcément plus souvent), nous serons confortés, installés, assis dans notre vision défaitiste en nous disant « c’est confirmé, je n’ai pas de chance ! ». Alors que si nous avions abordé la partie sans ce pessimisme, nous n’aurions sans doute pas suivi ces tirages obscurs et nous serions encore dans le tournoi.

Le piège extrêmement vicieux de ce pessimisme consiste à vouloir, pour se rassurer, confirmer notre malchance pour s’assurer que l’on est bien poissard. Pour aller chercher cette confirmation, on se met inconsciemment à suivre beaucoup trop souvent ; c’est-à-dire quand les cotes et les pourcentages ne le justifient pas. Qu’importe d’ailleurs qu’ils ne le justifient pas puisque nous ne sommes plus là pour gagner mais pour (se) « prouver » que l’on est card dead. C’est une variante de l’arrogance et de l’égocentrisme ; dès lors que nous avons établi un constat, même s’il est irrationnel voire délirant (« je suis le joueur le plus malchanceux du monde, je perds tous mes flips, je n’ai jamais de paire servie, etc. »), notre premier souci –dominé par notre ego- est de prouver que nous avons raison et que notre constat est avéré. Quel joueur peut dire sans sourciller qu’il n’a jamais adopté cette attitude ?

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