Psychologie poker : la manipulation visuelle

A une table de poker, tous les moyens sont bons pour tromper l’ennemi. Il est désormais acquis que la seule technique théorique et mathématique ne suffit pas à faire d’un joueur un joueur gagnant. Au-delà de ces connaissances, il y a notamment toute la dimension psychologique. C’est le levier psychologique qui, sans doute, fait la différence entre les bons et les très bons et influe sur les résultats à long terme. Le poker à cela de cruel qu’il impose, pour parvenir à son but qui est de soutirer aux autres tous leurs jetons, de mettre en place des mécaniques de manipulation, de mensonge, de tromperie ; une guerre où le plus « vicieux » sera capable de tendre les pièges les plus efficaces.

Dans ce domaine, il existe une façon de manipuler un adversaire en se servant de sa perception visuelle. C’est une technique efficace lorsque les conditions rendent possible son application ; efficace et particulièrement sournoise ! Mais peu importe car nulle morale au poker. Pour paraphraser Mike, le héros du film « Les Joueurs » (rounders) : « ce qui est immoral, c’est de ne pas prendre le fric d’un pigeon ! ».

La manipulation visuelle consiste à envoyer à son adversaire des signaux ostensiblement visibles, dans le but que ceux-ci viennent prendre le pas sur le reste de sa réflexion, ou à défaut qu’ils deviennent un facteur décisionnel. Notre arme pour se faire : nos jetons, tout simplement. Les jetons en cours dans un tournoi de poker sont de valeurs différentes, chaque valeur étant représentée par une couleur. Il y a souvent un écart important entre la plus petite valeur et la plus grosse ; c’est d’autant plus vrai quand nous sommes à une phase du tournoi avec antes, antes qui nécessitent de laisser en circulation sur la table des jetons assez petits pour que le joueur s’acquitte de cette mise obligatoire. Ici, nous allons donner à nos jetons une autre fonction que celle qui consiste à simplement calibrer un « sizing » dans une démarche foncièrement mathématique.

Certains éléments doivent être réunis :

-          C’est forcément une partie en live

-          Vous avez une forte main, généralement les nuts ou presque

-          Vous avez un read sur votre adversaire qui vous assure qu’il a également une main forte, mais que vous battez

-          Votre adversaire n’est pas un joueur fort

-          Idéalement vous avez la position (mais si vous êtes un bon joueur, vous avez presque toujours la position lorsque vous jouez un coup), même si hors-position l’action demeure possible avec ses ajustements

Dans la situation présente, vous êtes prêt à jouer à hauteur de votre tapis entier car vous êtes certain d’avoir la meilleure main, et tout vous indique que votre adversaire a également une main forte. Forte, mais peut-être pas assez pour suivre à tapis, et c’est là que l’exercice de la manipulation visuelle va entrer en scène car vous voulez value goulument. Vous savez que votre adversaire n’est pas très fort, c’est-à-dire qu’il répond à ces critères :

-          Il est facile à manipuler

-          Il n’a pas une grande confiance en son jeu et cherche des signaux rassurants

-          Il est capable de faire des erreurs importantes

-          Il est plutôt « calling station »

Autrement dit, il est 1) la cible parfaite et c’est une bonne nouvelle car 2) ce profil correspond à une très importante proportion des joueurs qui fréquentent les tournois de casino, généralement aux buy-in allant de 50 à 500 euros.

*

Nous prétendons que vous savez que votre adversaire à une main forte parce que vous avez un read sur lui. Par exemple, vous le savez très serré et s’il est encore dans le coup au turn malgré l’action préflop et postflop, dans votre analyse cela indique qu’il est armé. Dans notre situation, vous avez les nuts ou une main extrêmement forte, c’est-à-dire de quoi jouer le coup à fond. Seul ennui : votre adversaire est, comme nous venons de le voir, assez serré. Comme beaucoup de joueurs faibles, il est scared money et il évite les situations à tapis. Dans notre analyse, nous avons établi qu’à l’instar des joueurs de son niveau, il a besoin de signaux rassurants pour se sentir confiant (en lui et donc voir grandir la confiance en sa main). Nous allons lui envoyer un signal rassurant en ne misant que quelques jetons, très peu par rapport au pot qui lui en contient une tonne !

C’est rassurant de se dire que l’on peut remporter un pot physiquement très important, contenant des dizaines de jetons constitués en montagne alléchante, en n’engageant que quelques jetons, non ?

Le plus souvent, ce plan diabolique de manipulation visuelle prend sa forme concrète au turn. C’est encore plus efficace si vous avez réuni tous les éléments depuis le flop, mais ne rêvons pas ! Quoi qu’il en soit, la technique consiste à se défaire de ses jetons de petites valeurs au flop (si vous avez les éléments si tôt) et/ou au turn. Votre adversaire mise 5500 ? Gardez vos jetons de 1000 et ne payez qu’avec des jetons de 100, voire de 25. De cette façon, vous allez fabriquer une situation où :

-          Le pot va devenir gros physiquement (amoncellement de jetons, alléchant visuellement)

-          Votre stack, délesté des petites valeurs, va devenir physiquement petit, dans l’idéal ridiculement petit puisque les gros jetons sont toujours peu nombreux par rapport aux petits

Vous savez votre adversaire capable de suivre une mise, mais pas votre tapis. Seulement, en arrivant à la river, votre tapis ce n’est plus que  … quelques cacahuètes ! En tout cas visuellement. Le pot est tellement gros que le croupier aura besoin de ses deux mains pour le pousser vers le futur vainqueur du coup ; et votre tapis est ridiculement petit. Le contraste visuel est spectaculaire et susceptible d’être l’un de ces « signaux rassurants » dont a besoin votre adversaire faible. D’autant que lui aura placé sa mise de 5500 avec des jetons de grosses valeurs, maintenant un stack encore visuellement opulent, beaucoup plus que le vôtre qui est réduit à peau de chagrin.

L’impact visuel est très fort. A partir de là, que vous soyez en position ou non, avec l’initiative ou non, n’a plus tellement d’importance dans la mesure où, il faut le reconnaitre, un joueur assez faible pour se laisser embarquer dans ce piège est de toute façon un joueur contre lequel les codes techniques perdent de leur prépondérance. Si vous êtes en position et qu’il checke, poussez votre tapis se réduira à envoyer quelques jetons ; à peine de quoi combler le creux de votre main. S’il mise, votre relance à tapis aura le même effet. L’adversaire, pour gagner ce qu’il considère être un gros pot n’aura à payer que quelques jetons, peu de choses pour lui car, croit-il, son tapis est encore important.

Conclusion : ce type de manipulation visuelle ne fonctionnera pas contre tout le monde, c’est un fait. Il est impératif de cibler des joueurs faibles. Par chance, ceux-là sont nombreux, grouillent autour des tables de tournois et fournissent le gros des prizepools. Nous avons cités les joueurs amateurs de casinos, mais qui n’a jamais croisé, y compris sur des circuits de tournois prestigieux à forts buy-in, des joueurs très mauvais capables des pires erreurs ? Ils sont, eux aussi, des cibles idéales. On dit d’un mensonge que plus il est gros, plus il passe. Essayez celui-là, vous serez surpris des résultats !

URL courte: http://www.formulepoker.info/?p=2814







Publié par Laboratoire
Archivé sous Actualité, Technique et Stratégie.
Vous pouvez suivre les réponses à cet article par le RSS 2.0.
Vous pouvez laisser une réponse ou un trackback sur cet article

Open bundled references in tabs:

Leave a Reply