Psychologie: l’informatique me met en panique

Publié le vendredi 26 octobre 2012 à 08H00

INFORMATIQUE. Il nous est tous arrivé de nous sentir incompétent devant un ordinateur. Pour certains, chaque face-à-face avec la « machine » est un cauchemar. Que cache cette résistance ?

En cas de panne, certaines personnes pensent qu'elles ont fait quelque chose de mal

En cas de panne, certaines personnes pensent qu'elles ont fait quelque chose de mal

«L'ordinateur nous confronte au monde logique des mathématiques, et tout le monde n'est pas bon en logique pure, rappelle le psychologue et psychanalyste Michael Stora. Pour ceux qui fonctionnent davantage sur le registre de la sensibilité et des affects, la confrontation à une machine qui en est dépourvue peut être ressentie comme violente, voire comme une punition. Quand, sur l'écran, apparaît la question « Etes-vous sûr de vouloir fermer l'application ? », ils ont l'impression qu'on leur pose une question existentielle. »

Je me sens en faute

D'après Fabien Fenouillet, professeur en psychologie des apprentissages, en cas de panne, « certains pensent im médiatement qu'ils ont fait quelque chose de mal ». Un sentiment de culpabilité qui renvoie à l'enfance où, soumis à des parents trop autoritaires, certains ne se sont jamais sentis le droit à l'erreur. Comme l'explique le professeur de psychologie, « ceux qui n'ont pas été autorisés à casser ou à abîmer leurs jouets n'ont pas éprouvé leur propre puissance sur les objets. Ils se sentent d'emblée en état d'infériorité face à eux ».

Je redoute l'echec

Michael Stora constate, lui, que nous nous attendons à ce que l'ordinateur, n'étant qu'une « machine », nous obéisse au doigt et à l'œil. « Or, il arrive qu'il nous mette à mal dans notre capacité à contrôler. Et pour ceux qui ont l'habitude de vivre dans la maîtrise, cette peur d'être mis en échec est d'autant plus violente qu'elle joue sur le narcissisme. » L'informatique confronte des personnes narcissiquement fragiles à leur incapacité à subir des échecs. « Pour elles, l'ordinateur devient une sorte de surmoi, une grande « surface de projection ». »

J'ai peur d'etre dEvoile

« Je me sens à peu près capable de me débrouiller avec le traitement de texte, de naviguer sur le Net, mais je suis vite débordé au moindre problème, avoue difficilement Jean-Louis, cadre de 55 ans. Et je n'ose pas demssander l'aide de mes collègues, par peur d'être disqualifié. » La pression du groupe est un autre grand facteur de stress, car comme le remarque le psychanalyste Joseph Rouzel, « l'informatique nous expose aux autres comme nous ne l'avons jamais été ». Nos résultats sont devenus plus faciles à comparer depuis qu'ils passent au crible des traitements de texte ou des tableaux qui en uniformisent la forme. « Mais surtout, depuis les ordinateurs en réseau, nous exposons nos travaux en cours aux yeux des autres, avec leur lot d'errements et d'erreurs qui peuvent être vus, lus, commentés. » Vivre sous le regard d'autrui est une épreuve douloureuse pour certains, « en particulier ceux qui sont en quête de reconnaissance dans le travail. N'ayant pas bénéficié de signaux suffisamment positifs de leurs proches pendant leur construction psychique, ils ont des réticences à se présenter au jugement des autres ». Le blocage face à l'informatique intervient alors comme un mécanisme de défense pour l'éviter.

Que faire ?

Réactiver le sentiment de capacité
Il s'agit de recommencer jusqu'à plus soif les actions que nous maîtrisons déjà. Car elles renforcent notre sentiment d'efficacité, explique le professeur en psychologie des apprentissages Fabien Fenouillet. « Ce sentiment repose sur la certitude que les actions réalisées produiront les résultats espérés. Ce qui détermine notre motivation et notre comportement. » Plus d'efficacité, plus de motivation… et réciproquement !
Se comparer à d'autres
« Tant que le problème n'induit pas de grave souffrance, la meilleure prescription est de dédramatiser », affirme le psychanalyste Joseph Rouzel. Pour cela, il conseille de se comparer à d'autres, de même niveau, et de constater que la plupart se heurtent aux mêmes difficultés, sans en faire un drame. De quoi apaiser notre sentiment d'infériorité. Et nous encourager à apprendre et à progresser.
Suivre une formation
Pour prendre confiance dans ses capacités, s'autonomiser, une formation peut être utile. « L'objectif fixé est toujours de maîtriser ses outils. Mais le chemin pour y parvenir peut être plus ludique et plus sinueux, observe Fabien Fenouillet. Ainsi, en découvrant les arcanes du web ou en comprenant ce qui se passe à l'intérieur de la machine, processeurs, mémoire vive, mémoire de stockage…, on peut arrêter de diaboliser l'ordinateur et retrouver le plaisir de faire. »

SA SOLUTION

Stéphane, 48 ans, chargé de clientèle
« Quand, après des années de chômage, j'ai retrouvé un emploi, j'étais aussi heureux qu'anxieux : entre-temps, les ordinateurs avaient envahi le métier, et je n'y connaissais rien. Je paniquais au moindre souci, j'avais honte, je me sentais presque un imposteur. Jusqu'au jour où mon patron m'a avoué avec un naturel décomplexé qu'il était nul en informatique. J'ai clamé : « Moi aussi ! » dans un cri de soulagement qui nous a fait éclater de rire. Ce moment de complicité a tout changé, je ne vois plus l'ordinateur comme un « ennemi », j'ai relativisé. Et, du coup, je m'en sors mieux ! »
ANNE PICHON


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