Psychologie du changement : une spirale d’engagements ?

Montreuil - Village Mondial des Alternatives @charlotte IzardMontreuil - Village Mondial des Alternatives @charlotte IzardVoir l'image en grand0 votes1 vote0 vote0 votes1 vote0 vote

Depuis vendredi, en marge de la COP21, la société civile déploie toute l'énergie de son engagement sous des formes très variées :
- un tribunal juge le crime d'écocide en présence de nombreux représentants des peuples indigènes à la maison des métallos,
- des centaines d'acteurs du changement échangent leur expérience devant des milliers de visiteurs à l'Université de la Terre, avec le réseau entrepreneurs d'avenir à l'Unesco,
- des milliers de citoyens partagent leurs solutions au Village mondial des alternatives à Montreuil
Et des centaines d'initiatives éclosent partout en France...

Tous ces mouvements, préparés en souterrain depuis des mois voire des années, forment une spirale d'engagements de la société civile, mais sont-ils inscrits dans la durée et peuvent-ils rallier à grande échelle ?
Réponses sensibles et personnelles de quatre grands militants du changement réunis à la Villette par Actes Sud samedi dernier.

Passion, courage et imagination
A l'origine, Rob Hopkins, Paul Watson et Lamya Essemlali (Sea Shepherd) ou Vandana Shiva ont appliqué une "pédagogie du saut dans le vide".
"Lorsque des gens qui n'ont pas des compétences particulières se décident à agir ensemble, cela leur donne beaucoup de liberté et de créativité, raconte Rob Hopkins, initiateur du réseau des villes en transition qui compte aujourd'hui 1200 villes dans le monde (transition towns). C'est ce qui nous est arrivé lorsque nous étions encore étudiants et un peu désœuvrés. Personnellement, j'ai baigné dans la culture Punk et cela m'a donné beaucoup d"énergie. Nous étions peut-être fous, mais qu'avions-nous à perdre ?". A cette audace initiale s'ajoute la magie des rencontres au bon moment : "Au début, je souhaitais m'engager mais cela aurait pu être en faveur des forêts, de la biodiversité, raconte Lamya Essemlali de Sea Shepherd. Mais j'ai rencontré Paul (Watson) et j'ai su que c'était avec lui que j'agirais".

Entre optimisme et pessimisme, ils ont opté pour l'optimisme de l'action. "Quand on agit on est plus serein, précise Lamya. On peut alors discuter calmement, même avec des opposants". Un peu bisounours tout cela ? Pas tant que ça... Ni Paul Watson, l'homme qui se bat contre les baleiniers japonais ou les pêcheurs des îles Féroé, ni Vandana Shiva aux prises avec les grandes multinationales ne peuvent être suspectés de naïveté ou d'idéalisme. Et pourtant, Paul Watson l'affirme haut et fort : "Avec de la passion, du courage et de l'imagination, vous obtiendrez tout ce que vous voudrez ! Voyez ce qu'a fait Nelson Mandela en Afrique du Sud".

Pour sa part, Vandana Shiva, à la tête de l'association Navdanya, en appelle à la créativité, essentielle pour réformer les sociétés, mais également à la désobéissance : "Nous devons désobéir à des lois qui ne respectent ni les humains, ni les lois supérieures de la nature, affirme-t-elle. C'est un devoir supérieur ! Exigeons davantage de démocratie et de transparence". "Nous sommes souvent confrontés au cynisme, explique Lamya et devons pouvoir rester calme car la colère est contre-productive".
Mais cette "haute exigence" de l'engagement est-elle tenable sur la durée ? "Nous n'agissons que pour une seule raison, souligne Paul Watson qui figure parmi les personnes les plus recherchées par l'Etat japonais : parce que nous jugeons que c'est la bonne chose à faire". Cette motivation à agir "juste" implique du discernement et une grande cohérence personnelle qui se nourrit de la connaissance de soi. "J'ai mis des années à pouvoir être réellement végétarienne, confie Lamya Essemlali. Mais après avoir oscillé entre viande et discours, j'ai choisi d'embarquer à bord des navires de Sea Sheperd et d'être totalement en cohérence avec mes choix militants. J'ai cessé de manger de la viande et c'est là que je me suis sentie vraiment en harmonie".

Le tipping point est derrière nous
Mais qu'advient-il une fois le premier élan passé ? Lorsque la persévérance et la détermination doivent prendre le relais ? Il faut alors guetter le fameux "tipping point", ou point de bascule. " Le tipping point est le moment le plus important, celui où votre projet se met à rallier des centaines de personnes, à toute vitesse, avec un rythme exponentiel. Nous l'avons attendu longtemps, et aujourd'hui je pense qu'il est derrière nous, confirme Rob Hopkins. C'est flagrant avec la monnaie complémentaire. Après nous être demandés si c'était "possible" ou si cela était "autorisé", nous avons imprimé notre Totnes pound de 21 euros (!), tout simplement. Et à notre grande surprise, l'étincelle s'est enflammée. Outre la Totnes pound, de nombreuses villes ont désormais leur monnaie en Grande-Bretagne, comme Bristol, ou dans le monde entier". "L'économie décarbonée est inévitable, confirme Paul Watson. La question qui demeure aujourd'hui est : quel sera le pas d'après ?". Mais cet horizon ne signifie pas que ces activistes peuvent se reposer sur leurs lauriers, au contraire. Aux militants un peu "fatigués" ou désabusés, Paul Watson conseille : "Pour résoudre les problèmes impossibles, essayez... les solutions impossibles !".

Exprimer ses besoins et célébrer
Car pour poursuivre leur révolution vers un nouveau monde, ces militants ont besoin de chacun d'entre nous. "Arrêtez de manger du poisson, martèle Paul Watson. L'océan se meurt à petit feu, et vous pouvez inverser la tendance !"
Mais l'engagement ne se décrète pas. "Nous mettons à contribution des psychologues, raconte Rob Hopkins. Ils jouent un rôle essentiel dans la pré-transition car ils aident ceux qui désirent s'engager mais qui ne savent pas comment le faire, ou qui hésitent à quitter un travail rémunérateur, changer de vie ou qui se demandent ce qu'ils peuvent apporter au mouvement... Nous leur offrons ce travail d'accompagnement et de "mentoring" gratuitement".

Cette approche psychologique n'est pas un luxe, c'est une nécessité. "La façon dont on crée est aussi importante que ce que l'on crée, souligne Rob Hopkins. Pour mener notre transition écologique à terme, nous avons aussi besoin de soutien, de reconnaissance, ou de se parler. Par exemple, avant de démarrer une réunion, pourquoi ne pas prendre des nouvelles les uns des autres ? De même à la fin de la rencontre, il est utile de l'évaluer ensemble : qu'a-t-on appris, comment se sent-on après ce travail ?, etc". Cette méthode a permis à Totnes de réduire considérablement le nombre des... burn out.
"Un militant ou une personne engagée doit être heureux et en forme, conclut Rob Hopkins. Il lui faut se nourrir correctement, prendre soin de sa santé, passer du temps en famille et ne pas oublier de célébrer à la moindre occasion avec ceux qu'il aime". "
"Pour savoir qui l'on est, il faut savoir qui l'on aime", conclut Vandana Shiva (et non qui l'on haït ndlr).
Etinceler, désobéir, persévérer, se relier, célébrer, aimer... Qui a dit que s'engager était rébarbatif ?

Sinon, Côté négociation ça avance. « Le plus dur reste à faire mais nous avons l’intime conviction qu’on peut arriver à un bon accord » (FNH, Mathieu Orphelin voir photo). Cette analyse de la Fondation Nicolas Hulot résume assez bien, en ce lundi, l’esprit du lourd paquebot embarqué au Bourget et qui poursuit sa route vers l’accord de Paris attendu pour vendredi. Un accord qui, soit dit en passant, est ramené à 20 pages (... enrichi d’une déclaration de mise en œuvre pré 2020 et de demandes d’ajouts de pays de 10 pages supplémentaires….). Mais de nombreux points achoppent encore et 900 termes sont entre crochets (donc à négocier) comme la date de révision, 2019 ? (Union européenne), et surtout la partie financements. Les négociations vont recevoir l'appui de leurs ministres. Et la présidence Française jugée efficace par la plupart des délégations a mis en place des "facilitateurs" pour fluidifier les négociations. La carte postale est bien différente de Copenhague où, dès la fin de la première semaine de négociation, le bruit de l'échec bruissait dans les couloirs... Voyez les sites experts ici : de l'Iddri ou de Greenpeace ici.

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