Psycho: être heureux, c’est choisir et autres clés du bonheur de la …

Ex-champion de squash, ce quadra américano-israélien est l'un des chantres de la psychologie positive. Jusqu'en 2008, ses cours rassemblaient près de 1 400 étudiants à Harvard, devenant ainsi le cursus le plus populaire de l'histoire de l'université. En quoi consiste cette discipline, surnommée la "science du bonheur" ? Née aux Etats-Unis en 1998, sous l'impulsion du chercheur Martin Seligman, elle analyse les composantes du bien-être en puisant dans la neuropsychologie, les sciences sociales et les techniques de méditation. Conférencier dans le monde entier, Tal Ben-Shahar intervient devant le grand public et auprès de patrons de multinationales. Dans son dernier livre (1), il met l'accent sur l'importance de nos choix quotidiens. Et sur les différentes façons de "saisir sa chance". Explications.

"Spleen, sensation de vide, envie de changement... Plusieurs chemins mènent à la remise en question. Pourquoi n'a-t-on pas le sentiment d'être heureux ? Comment atteindre le bien-être durable ? Pour commencer ce cheminement, il faut d'abord s'affranchir d'une conception acidulée du bonheur, héritée de la tradition du happy ending à l'américaine, omniprésente dans les contes de fées et au cinéma. Croire en la félicité éternelle, attendre que quelqu'un ou quelque chose nous rende définitivement heureux conduit invariablement à la déception. Aux Etats-Unis - où la recherche de bonheur a été inscrite dans la Constitution par les pères fondateurs -, la société fait souvent l'amalgame entre réussite matérielle et bonheur.

Cela est illusoire et réducteur. Autre brèche dans les idées reçues : celui-ci ne résulte pas d'un changement drastique, mais d'une succession d'efforts et de choix. Il exige que l'on prenne du recul sur soi et que l'on s'inscrive dans une logique de "réflaction" (faite de réflexion et d'action). Va-t-on suivre les sentiers battus ou être le scribe de son propre voyage ? Ira-t-on au travail en négligeant son maintien ou en ayant l'air confiant et assuré ? Doit-on céder à la procrastination ou saisir l'instant présent ? Le quotidien se compose de maintes décisions qui, prises une par une, semblent sans réelles conséquences. Ensemble, pourtant, elles pavent la route de notre épanouissement personnel.

La patience est également un impératif. En hébreu, les mots sevel ("souffrance"), sibolet ("constance") et savlanout ("patience") ont la même racine. Ce n'est pas un hasard : la recherche du bonheur nécessite ces deux dernières qualités, et cause parfois de la souffrance. S'attendre à changer vite et sans effort mène souvent à l'échec. Il est de coutume de penser que le plus difficile est de prendre une décision. En réalité, la chose la plus compliquée est de prendre conscience que le choix existe. Il faut aussi apprendre à se focaliser sur ce qui nous rend heureux et à ne pas se laisser submerger par les éléments négatifs."

Pourquoi attendre ?

"C'est l'un des plus grands défis de l'existence. Chaque jour, nous devrions penser à cinq raisons au moins d'éprouver de la gratitude. Je pratique cet exercice depuis le 19 septembre 1999, date à laquelle j'ai entendu la célèbre présentatrice américaine Oprah Winfrey le conseiller à ses téléspectateurs ! Et, quand la gratitude devient une habitude, nul besoin d'attendre un événement particulier pour se réjouir. Dans La malédiction du chat hongrois, le célèbre thérapeute Irvin Yalom met en scène des patients atteints d'un cancer en phase terminale. Pour certains d'entre eux, la confrontation directe avec la mort a, paradoxalement, des effets psychologiques salutaires. Elle permet d'acquérir une sensation de maîtrise de soi, facilite la communication avec les êtres chers, et nous fait pleinement apprécier les plaisirs les plus élémentaires. Même si les capacités cognitives et affectives des patients restent inchangées, ils se sentent plus "vivants" que jamais. Ce choc et cette recherche urgente de bonheur ont été observés dans la société new-yorkaise peu après les événements du 11 septembre 2001. Alors pourquoi attendre d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête pour adopter cet état d'esprit ? Faut-il que le vent tourne pour se rappeler que l'on est mortel ?

Avant de me consacrer à la psychologie positive, j'ai traversé de nombreuses périodes de doute. Dans ma jeunesse, j'assimilais - à tort - le bonheur à la réussite professionnelle. Après cinq ans d'entraînement intensif, je suis devenu, à l'âge de 16 ans, le plus jeune champion de squash d'Israël. Ce fut l'un des plus beaux jours de ma vie. En revanche, l'euphorie qui a suivi a été de courte durée. Après un pic d'exultation, je suis entré dans une phase dépressive. Décrocher ce titre n'était, semble-t-il, pas "suffisant" pour être heureux. Quelques années plus tard, alors que j'enseignais la psychologie positive, j'ai été confronté à un autre défi : à mesure que la crise économique et financière s'aggravait, ma clientèle augmentait et me sollicitait davantage. Conséquence : ce qui avait commencé comme un tremplin professionnel tournait au cauchemar. Au bout d'un an de travail acharné, j'étais au bord du burn-out. Deux voies s'offraient à moi : subir mon épuisement ou réorganiser ma vie pour retrouver la paix intérieure. J'ai choisi la seconde option, non sans efforts. Des études en psychologie attestent que le bonheur des individus est déterminé à 40 % par les choix qu'ils font. Ainsi, chaque fois que je suis dans l'impasse, je me remémore les vers écrits par l'Américain Robert Frost, en 1916. Dans The Road Not Taken (Le chemin qu'on n'a pas pris), le poète se trouve à l'embranchement d'une route, contraint de choisir un chemin. Il opte finalement pour le moins fréquenté. Et cette décision, raconte-t-il, a fait toute la différence."

(1) Choisir sa vie. 101 expériences pour saisir sa chance, par Tal Ben-Shahar. Belfond, 295 pages.

© DR


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