Psycho : Démarchage, pourquoi moi ?

Témoignage

Karima, 37 ans. « En ville, je me fais systématiquement aborder par des représentants d'ONG. Ils sont jeunes et souriants, je n'ose pas être désagréable. J'ai du mal à stopper la discussion, car j'ai l'habitude d'être serviable. »

Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement à Vannes et auteur de Psychologie du consommateur (Dunod).

Vers qui vont les démarcheurs ?

Dans la rue, certains passants mettent en place un net scénario de refus devant des prospecteurs : ils consultent subitement leurs SMS, rasent les vitrines, accélèrent le pas et regardent le sol. Au contraire, quelqu'un qui marche lentement et renvoie un sourire sera perçu comme plus généreux par les chercheurs de dons. Ils vont davantage vers des gens dont ils arrivent à capter le regard ; c'est un moyen d'établir un contact privilégié. Au téléphone, c'est facile d'éconduire quelqu'un, mais en face à face, c'est très compliqué. Par exemple, si votre interlocuteur vous pose trois questions auxquelles vous aurez répondu « Oui », il vous sera ensuite beaucoup plus difficile de poser un « Non ».

Savent-ils qui donnera plus ?

Des études sur les comportements des consommateurs nous ont appris que d'abord, la similarité engendre la préférence : on donne plus facilement à quelqu'un qui nous ressemble. Ensuite, on donne davantage quand on sait que les autres ont donné aussi. C'est pourquoi quêter avec une tirelire transparente est plus efficace. Les gens sont aussi plus généreux quand il fait beau. Lors d'un test, on a fait écouter des bonnes et des mauvaises nouvelles à des individus. Ceux qui ont écouté les bonnes ont donné davantage. L'être humain est profondément affectif, c'est une éponge : plus il absorbe de positif, plus il redonne de positif.

Dans la rue, on fonctionne un peu en mode automatique…

Des études montrent que les hommes aident davantage les femmes à cause de l'idée, construite socialement, de la galanterie. De même, quelqu'un qui porte des lunettes (mêmes fausses) est perçu comme plus professionnel, plus intelligent. Dans la rue, on doit réfléchir ou prendre une décision en une demi-seconde, on fonctionne donc sur des automatismes et les stéréotypes jouent à fond. Cela se comprend, sinon on serait en permanence dans une ultra-vigilance qui nous coûterait beaucoup mentalement. Mais justement, aujourd'hui, avec la mondialisation et la télévision, de plus en plus de stéréotypes tombent parce que les horizons s'élargissent. Contrairement à ce que l'on entend souvent, les gens deviennent finalement de plus en plus tolérants et donc de plus en plus altruistes.

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