Présidentielle française : ce que vous voudriez savoir sur les …

Chercheur et psychologue à l’université de Louvain en Belgique Pascal de Sutter est un expert recherché sur la question de la psychologie politique. Associé à Hélène Risser, journaliste, Pascal de Sutter vient de publier Dans la tête des candidats* un ouvrage dans lequel il utilise la technique du profiling qui sert à établir le profil psychologique des leaders politiques, un peu comme les experts de la police le font pour les tueurs en série, sans qu’on puisse bien sûr ébaucher un rapprochement entre les uns et les autres…

DSK emporté par ses émotions

Dominé par ses émotions, un candidat n’ira pas bien loin. Pour le démontrer, les auteurs de Dans la tête des candidats prennent l’exemple de Dominique Strauss-Kahn. Intellectuellement, rationnellement DSK a parfaitement conscience des menaces qui pèsent autour de son éventuelle candidature à la magistrature suprême comme il le dira lui-même, le 28 avril, à des journalistes de Libération. « Le fric, les femmes et ma judéité » constituent son talon d’Achille reconnaît-il alors.


Parfaitement lucide mais aussi « doté d’un niveau élevé de recherche de plaisir » qui « le pousse –émotionnellement- à oublier la sagesse d’une stratégie de communication à long terme » notent les auteurs. L’impulsivité chez Dominique Strauss-Kahn marque un autre trait dominant de sa personnalité et, poursuivent-ils, cette impulsivité associée à la recherche du plaisir peut conduire à des prises de décision irrationnelles « qui ont gravement nui à l’atteinte de ses objectifs ». Cependant, « quand DSK prend son temps, remarquent les auteurs, ses décisions sont généralement très pertinentes »… Il est par ailleurs intéressant de noter que le profil de DSK a été établi en mars 2011.
 
C’est grâce à différentes techniques scientifiquement validées que la CIA aux Etats-Unis, le FSB en Russie, les ministères des Affaires étrangères ou de la Défense de plusieurs pays de l’Otan établissent un profilage psychologique des grands dirigeants. Le but est bien sûr de savoir dans la mesure du possible « à qui on a affaire » lors des négociations et en amont, aujourd’hui pour le grand public, à qui va-t-on confier les plus hautes responsabilités politiques.
 
Point trop modeste, assez méfiant et très ambitieux


Dominique Strauss-Kahn sorti de l’arène électorale, restent dans la course François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélanchon et Nicolas Sarkozy dont on trouve les « portraits » dans l’ouvrage Dans la tête des candidats avec ceux de Martine Aubry, Jean-Louis Borloo et François Fillon. N’ont pas été retenus par les auteurs, Dominique de Villepin (France solidaire), Philippe Poutou du NPA et Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière.

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Faire de la politique suppose-t-il d’avoir un profil similaire ? C’est ce que craignait Pascal de Sutter en se lançant dans la rédaction de son livre. Or, les résultats de ses observations montrent au contraire des différences bien plus marquées que ce à quoi on peut s’attendre. Selon les profils établis d’après la grille d’analyse de Millon, presque tous les candidats ont un bon niveau de domination, d’extraversion, d’ambition et de méticulosité. « C’est le quarté gagnant pour s’attaquer à cet Everest qu’est la campagne présidentielle, être capable de séduire les électeurs et organiser son travail ».
 


On retrouve également, comme on le supposait, un point commun entre tous ces hommes et femmes politiques sur leur « niveau d’humilité, d’inhibition et de retrait-isolement, nettement en dessous de la population générale ». Cela dit, les différences que révèle le profilage sont plus intéressantes encore que les points communs. Pour le niveau de domination par exemple, François Hollande (comme François Fillon) est assez atypique pour un leader politique avec un niveau extrêmement bas de 2 contre 27 pour Martine Aubry, 22 pour Sarkozy et 20 pour Marine Le Pen.
 


ll est intéressant aussi de découvrir que Nicolas Sarkozy et François Bayrou, a priori deux hommes assez différents, ont en commun des personnalités narcisso-compensatoires. Autrement dit, tous les deux ont une revanche à prendre sur la vie, estimant n’avoir pas eu dans leur enfance, ni la reconnaissance, ni l’amour, ni la naissance qu’ils auraient souhaités. Pour Sarkozy, c’est l’argent qui joue le rôle de réparateur  alors que pour Bayrou qui n’a que mépris pour l’argent, c’est la culture historique ou littéraire qui sert de compensation.   

La nature profonde


Les auteurs pointent également le piètre degré de stabilité émotionnelle de Jean-Luc Mélanchon comme de Nicolas Sarkozy, au contraire d’Eva Joly et de François Hollande. « Etonnant, remarquent-ils, quand on sait combien la jungle politique demande de solidité psychologique ». Les spécialistes du profilage politique cherchent avant tout à mettre au jour la « nature profonde » des personnes qu’ils observent, autrement dit le tempérament établi dès le plus jeune âge et qui ressort malgré tous les apprentissages en communication des professionnels de la politique.
 


C’est pourquoi, explique Pascal de Sutter, le fait de regarder des politiques en coupant le son, en ne gardant que leurs attitudes et mimiques (communication non-verbale) nous en apprend beaucoup sur eux. C’est ainsi que chez Hollande comme chez Sarkozy la tristesse de leur regard devient flagrante même accompagné d’un sourire avec, en plus, un côté anxieux chez le président sortant. Il n’y a pas ces discordances chez Marine Le Pen qui accorde discours, geste et expression ce qui donne beaucoup de force à sa parole. A contrario, François Bayrou conserve une expression neutre pour ne pas dire immobile qui dessert son discours qui se veut enthousiaste, novateur et même parfois mordant.
 
Ces observations n’ont pas à être interprétées comme le feraient par exemple des psychanalystes répètent les profileurs politiques. Les données révélées par des heures d’entretiens avec l’entourage du sujet étudié, les vidéos vues et revues, les écrits décryptés nourrissent seuls le portrait qui sera ensuite brossé. Jamais, rappelle Pascal de Sutter, il n’a eu d’entretien particulier avec les politiques français qui figurent dans son livre « de peur qu’un contact humain et émotionnel ne vienne biaiser l’analyse ».     
 
* Editions Les Arènes   

 

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