Politique – Le clivage gauche-droite revisité de manière atypique …

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VOTRE REPAS DOMINICAL et familial s’est transformé en champ de bataille. Votre frère a trouvé Nicolas Sarkozy un peu gonflé sur le nucléaire lors de sa visite sur le site du Tricastin. Votre beau-père ne supporte plus ni Eva Joly, ni Cécile Duflot. Votre belle-mère trouve que François Hollande a un vrai profil de président depuis qu’il s’est mis au régime.

Votre dimanche avait mal commencé. En allant chercher votre pain, vous avez croisé votre voisin qui ne jure que par la fille Le Pen. Au moment de l’apéro, un copain vous a dérangé pour vous demander de réviser vos certitudes sur DSK.

Votre dimanche s’est mal terminé car vous avez voulu zapper d’une chaîne à l’autre pour ne pas perdre une miette des déclarations des invités politiques. C’est comme ça qu’on passe une mauvaise nuit et qu’on arrive migraineux le lundi matin au bureau.

Il ne l’a pas forcément fait exprès. Mais ça tombe bien. L’antidote pour vous remettre de votre dimanche épouvantable, sort précisément en librairie aujourd’hui. Le titre peut constituer un premier remède, à condition d’être capable de respecter la prescription rigoureusement : « On ne parle pas de politique à table ».

Signé Sylvain Bosselet. Ce n’est pas un politologue patenté, ce qui fait tout son charme. Même que l’on n’est pas obligé, c’est lui qui le dit, de souscrire à la totalité de ses éclairages et hypothèses qui ont au moins le mérite de sortir d’un débat trop formaté et vérolé par les éléments de langage.

Agrégé de philosophie et docteur en psychologie, il a dirigé un séminaire sur la critique freudienne de la philosophie au Collège international de philosophie. Il est enseignant au lycée Lakanal à Sceaux. Ce sont ses multiples casquettes, et surtout la dernière, qui l’ont poussé à commettre un ouvrage ramassé de 126 pages, à la fois accessible et documenté sur les valeurs réelles ou supposées de la gauche et de la droite.

Arbitre des élégances, Sylvain Bosselet met en perspectives et en compétition Hobbes et Rousseau, Thanatos et Eros, l’état de nature et le contrat social, tels des fils d’Ariane, pour cheminer avec l’auteur. Lequel avoue être parti d’un constat terriblement banal : « Quand j’étais lycéen, je ne m’intéressais pas à la politique, je le constate encore avec mes élèves de terminale », explique le quadra philosophe. « Or, nous devons leur enseigner des notions sur l’État, la société, le droit. Pour rendre mon cours plus attrayant, je leur pose d’emblée une question brutale : faut-il voter à gauche ou à droite ? Pas aussi simple, mais cela peut être abordé simplement ».

D’où ce livre pour découvrir ou redécouvrir les coulisses conceptuelles du discours politique. Sur le Ciel de Platon et la nature d’Aristote, sur les racines psychologiques des choix politiques, l’utopie des bons sentiments et délire de méfiance, la justice, l’ordre, la liberté, la richesse, gauche et droite sont renvoyés dos à dos, le centre aussi. Valeurs éternelles -ou presque- postures éphémères et réductrices. Dualité de l’homme, animal politique, épris de liberté, mais aussi d’ordre. Les mêmes mots avec des sens opposés selon qu’ils sont employés par la gauche ou la droite. Voilà le drame.

La solution ? Sylvain Bosselet se garde de proposer un « kit », si ce n’est d’appeler à un recours accru à la science. « On n’a jamais disposé d’autant de chercheurs aujourd’hui que depuis que l’humanité existe ».

À recevoir comme une critique en creux des politiques qui cèdent trop volontiers, déplore amèrement notre philosophe, à la dictature de l’immédiateté, « sans prendre le temps de réfléchir et de s’appuyer sur des avis de spécialistes. Entre le « chercheur-roi » et le « bureaucrate-roi », son choix est fait. Mais il rassure le lecteur un brin désarçonné : « La légitimité du pouvoir se puise dans le vote du peuple ».

Philippe RIVET

Repères

Constituante

L’antagonisme gauche-droite remonte au 28 août 1789 lors d’un vote à l’assemblée.

Ceux qui étaient défavorables au roi (Tiers État) étaient assis à la gauche du président, ceux qui le soutenaient (clergé et noblesse) à droite.

« On ne parle pas de politique à table », Sylvain Bosselet, éditions Bréal. 14,50 €

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