Paroles de croyants

Paroles de croyants

José, bouddhiste de 29 ans


"Paroles de croyants" est la nouvelle série du site internet du Monde des Religions qui s’intéresse à celles et ceux qui vivent leur foi intensément tout en demeurant ancrés dans le monde moderne. Cette semaine, José, bouddhiste de 29 ans.

© Flilipe Ferreira / flickr

Né de parents espagnols, José à passé toute sa vie à Paris. Après des études de psychologie et un Master 2 d’anthropologie, il est aujourd’hui psychologue dans une maison de retraite ainsi qu’en Centre médico-psychologique pour enfants en banlieue parisienne. Il a fondé, avec d’autres collègues qui pratiquent la méditation, une association, "jeunes et psy". De confession catholique à l’origine, José s’est tourné vers le bouddhisme après l’adolescence à la suite d’une rencontre avec Fabrice Midal* . La pratique de la méditation et les préceptes bouddhistes, dans une acceptation laïque, sont au cœur de son existence.

Le bouddhisme et sa pratique

« L’idée du bouddhisme et du Bouddha, c’est de se relier tout simplement aux choses telles qu’elles sont. Dans notre vie quotidienne, nous n’osons pas faire l’épreuve de chaque moment de notre vie de la manière la plus pleine : on fuit cela par l’espérance, on se crispe, on attend que les choses viennent à nous en blamant les circonstances extérieures. La méditation, qui est au cœur de ma pratique, devient alors un travail nécessaire pour apprendre à approcher au plus près de ce qui est, tel qu’il est. Cela permet de se rendre compte qu’il existe un espace plus grand et plus ample que tous nos points de vue, qu’on ne peut pas maitriser, par rapport auquel il convient simplement d’être-là : la réalité est vide de toute caractéristique définitive. Je pratique la méditation environ trois fois par semaine, selon mes disponibilités, entre vingt et quarante minute ; j’assiste également chaque mercredi aux séminaires proposés par Fabrice Midal, et je lis des textes, en lien direct ou indirect avec le bouddhisme. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que bouddhisme, tel que je le pratique, ne consiste pas à renier le monde occidental pour se tourner vers une spiritualité exotique ; l’objectif c’est d’être beaucoup plus responsable vis-à-vis du monde dans lequel on vit, beaucoup plus présent aux choses, et être plus authentiquement humain. La méditation est une pratique qui, grâce à une posture (torse ouvert, ancrage au sol, respiration etc.) et une discipline, consiste à être simplement en silence avec soi-même pour redécouvrir cette qualité naturelle de présence : on prète attention à notre expire, qui en se disolvant, lie le centre de notre être et l’environnement où nous nous trouvons,. Il est alors inévitable que des pensées et des émotions viennent nous visiter, il ne faut alors ni se laisser emporter par elles ni les chasser mais apprendre à regarder ce processus d’apparition et de disparition et revenir au présent. Grace à la méditation assise, notre attention devient plus vive et soutenue et donc à même de changer notre vie quotidienne ».

Pourquoi pratiquer

« Je me suis rendu compte à un moment donné qu’il y avait quelque chose de plus ample que mes pensées, que mes petits problèmes, qui est l’ampleur du réel, l’espace qu’on peut toucher. Devant les problèmes, les difficultés du monde, on peut prendre refuge dans une transcendance, une religion, l’alcool etc. L’idée de marcher dans les pas du Bouddha, c’est d’arrêter de prendre refuge dans un territoire spécifique, une identité, et accepter de prendre refuge dans l’espace, le non-ego, et se tourner vers le Bouddha, le dharma et le sangha. Le Bouddha, c’est l’exemple à suivre pour sortir de l’enfermement ; le dharma, ce sont ses enseignements ; le sangha, c’est la communauté. L’idée, c’est qu’il n’est pas possible de suivre cette voie sans avoir d’enseignant. L’enseignant n’est pas quelqu’un de plus grand, de supérieur etc. mais simplement quelqu’un de plus avancé dans la voie qui s’adresse à chacun et qui va nous guider sur notre chemin pour rentrer de manière concrète et réelle avec l’enseignement du Bouddha. Toute la communauté se déploie autour de l’enseignant, et permet à chacun sa propre édification car nous y sommes reconnus pleinement. La communauté est nécessaire au développement de toute tradition spirituelle car en évitant l’isolement, elle évite que chacun reste dans son terrier ».

Bouddhisme et monde moderne

« Je n’ai aucune difficulté a pratiquer ma spiritualité dans le monde moderne actuel, au contraire : toute l’idée c’est justement de faire avec la réalité. Un auteur comme Franz Kafka illustre parfaitement cela. Il a vécu à Prague, et dans tous ces livres on constate qu’il rentre en rapport avec ce monde et en fait l’épreuve. On lui a d’ailleurs beaucoup reproché de ne pas avoir fait plus, ni d’avoir de solution. Mais c’est justement le problème avec les idéologies : on décide que le réel est mauvais et qu’il faut le changer, ce qui est une stratégie pour justement éviter d’être responsable ; c’est encore une fois une manière de cloisonner la réalité et de refuser quelque chose de l’impossibilité du monde. Le geste de Kafka par contre est celui de faire l’expérience du réel et d’y répondre – non pas de le changer ou l’éviter. Je pense que - dans des situations bien sûr très différentes - j’essaie de faire ce même geste ».

Dogmes et questions de mœurs

« Dans le bouddhisme tel que je le conçois, il n’y a pas de dogme ni d’orthodoxie : personnellement je ne crois pas à la réincarnation, je ne cherche pas à savoir si cela existe ou pas, j’essaye vraiment d’être ancré dans le quotidien tel qu’il est réellement afin de vivre l’ampleur de la réalité. Le fait que les choses soient mortelles permet simplement de donner un sens plus immédiat au monde : chaque instant meurt et fait place à un autre, ce qui demande de vivre avec le plus d’acuité possible. Je pense que liquider l’angoisse de la mort fait perdre tout rapport authentique aux choses. Les autres préceptes bouddhistes, s’abstenir de tuer, de voler, de dire des choses offensantes, d’avoir des relations sexuelles préjudiciables, ou de prendre des produits intoxiquants, sont généraux : ils n’interdisent rien en particulier, ni ne sont des impératifs catégoriques. L’idée n’est pas d’établir des règles fixes, mais de développer une présence d’esprit qui permet de répondre à la singularité de chaque situation. Ainsi, sur des questions de mœurs comme l’avortement, le mariage et l’adoption pour les homosexuels ou encore l’euthanasie, je n’ai pas de position idéologique et j’estime qu’il faut examiner au cas par cas. Ce genre de décision appartient à la personne concernée, je n’ai pas de position a priori, mis à part un principe général du respect de toute vie.

Les autres religions

« Je pense qu’il y a une dimension spirituelle dans chaque religion qui permet de toucher cette présence, cet espace plus vaste de la réalité hors de toute métaphysique ou préconceptions. Martin Buber dans le judaïsme, Maître Eckhart dans le christianisme ou Ibn Arabi dans l’islam sont des exemples parmi d’autres. Ensuite, le gros problème, c’est que la religion devient souvent aujourd’hui une identité, un carcant dévaluant certaines dimensions de notre existence, pour s’en préserver, souvent de façon illusoire. Cela devient un moyen de se protéger de vivre sa vie, et empêche parfois d’être présent au monde. Cela dit, il n’y a pas de meilleure manière ou de spiritualité supérieure : pour ma part j’ai rencontré la voie bouddhiste, mais j’aurais très bien pu, dans d’autres circonstances, me tourner vers une autre voie. Il y a des milliers de portes qui permettent de faire l’épreuve de chaque moment de sa vie, le bouddhisme est l’une d’entre elles. L’unique vérité c’est avant tout celle dont chacun fait l’épreuve ».

* Fabrice Midal est le fondateur de l’Ecole occidentale de méditation, il propose une approche laïque de la méditation et du bouddhisme, en lien avec la culture et l’art occidental.

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