Parle-moi, j’ai des choses à dire

Quand malentendus et reproches s’installent dans le couple, l’amour a du plomb dans l’aile. Vient de paraître un petit traité de psychologie pratique qui tente d’aider Madame à décoder le fonctionnement de Monsieur. Un livre que les hommes devraient aussi lire pour mieux comprendre les femmes...

Depuis le best-seller de John Gray, Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, on le sait: les hommes et les femmes sont des extraterrestres l’un pour l’autre, qui parlent la même langue, mais pas le même langage. Deux sexes qui sont pourtant biologiquement identiques à 97,83%, mais voilà, c’est le petit 2,17% de différence qui poserait problème…

D’où un certain nombre de conflits qui finissent parfois par détériorer la vie à deux. Tombons dans la caricature: Madame aimerait faire un brin de causette, Monsieur ne rêve que d’une bulle de silence après le boulot. Madame aimerait entendre des mots doux, Monsieur considère qu’il les a déjà dits. Madame aimerait s’épancher, Monsieur se sent mis sur la sellette… Et ainsi va le petit monde des malentendus qui se soldent par 50% de divorces dans nos sociétés occidentales.

Et sur les 50% qui restent ensemble, 30% se résignent, seuls 20% sont heureux»,

corrige Yvon Dallaire, thérapeute conjugal au charmant accent québécois, qui a publié un ouvrage pratique, non dénué d’humour: Dix stratégies pour faire parler son homme
* (Ed. Jouvence, 2015).

En trente-cinq ans de consultation, ce psychologue a vu défiler un nombre incalculable de couples avec toujours le même reproche fondamental: les femmes en veulent aux hommes de ne pas communiquer suffisamment. «C’est souvent Madame qui souhaite aborder les problèmes de couple, parce qu’elle a plus d’attentes. La femme a aussi un grand désir de perfection, elle est la force progressiste du couple, alors que l’homme est plus conservateur, il veut consolider ce qui marche.»

Décalages en cascade

Un premier décalage qui en précède d’autres. Et qui, d’après le thérapeute convaincu de la psychologie différentielle des sexes, prendrait racine dans des comportements spécifiques depuis la nuit des temps. L’homme porterait en effet encore dans ses gènes la posture millénaire de Cro-Magnon: «fight or flight», regard télescopique du chasseur dominant sa peur, habitué à vivre aux aguets, à traquer le mammouth plutôt que la conversation. Alors que la femme, longtemps confinée à la caverne, tromperait l’attente et son insécurité viscérale en faisant la causette... Autant de réactions ataviques qui resurgiraient encore aujourd’hui dans les situations de stress, faisant craquer le vernis de toute civilité.

Ainsi, ce que l’on prend pour une absence d’émotions chez l’homme ne serait qu’une résurgence du guerrier, qu’il porte le pagne ou la cravate.

En fait, les hommes sont tout aussi émotifs que les femmes, si ce n’est davantage,

mais ils agissent leurs émotions plutôt qu’ils ne les disent. Ils ont d’ailleurs plus de mal à les exprimer verbalement, car la transmission entre leurs cerveaux émotif et logique est moins grande et moins rapide.» Intéressant: on a constaté une augmentation de la pression artérielle chez l’homme quand la discussion devient émotive, tandis que celle de la femme monte lorsque la communication est coupée.

Alors, comment trouver l’harmonie et contourner les obstacles de la biologie? Yvon Dallaire, adepte de la thérapie positive, encourage les partenaires à valoriser les bons comportements. «Le biscuit fonctionne mieux que le bâton! On a observé que les couples heureux se disent cinq à dix fois plus de compliments que de reproches. Il faut mettre l’accent sur le positif, arroser les fleurs plutôt que les mauvaises herbes. Si on travaille sur les forces, si on a des projets ensemble, si on joue ensemble, c’est bien parti pour durer!»

Apprendre le langage de l’autre

Affiner ses connaissances du fonctionnement de l’autre permet aussi d’éviter les écueils à répétition: avec Monsieur, on ne commence pas une conversation sur l’oreiller – le repos du guerrier –, on parle direct et on évite l’allusion – la parole est argumentaire et le chasseur a besoin d’un objectif clair –, on respecte son besoin de silence – Cro-Magnon rumine dans sa tête avant de communiquer le fruit de ses réflexions… Bref, savoir que le cerveau de Monsieur est mono-tâche et sa pensée séquentielle – un bison après l’autre – permet d’adapter son discours.

Yvon Dallaire en est convaincu, une bonne communication est une des clés de l’amour qui dure.

Tous les couples sains peuvent être sauvés et en valent la peine.

Mais cela demande de l’amour, de la bonne foi, une connaissance des dynamiques du couple et des efforts pour les mettre en pratique.» Or s’il faut deux personnes pour faire un duo, une seule suffit à le transformer. Ne reste plus qu’à apprendre le langage de l’autre…

*Disponible sur exlibris.ch

Texte © Migros Magazine – Patricia Brambilla

 

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