Où est-on le plus heureux en France ?

Jordi Quoidbach, chercheur au département de psychologie de l’Université de Harvard (États-Unis) propose une nouvelle application gratuite pour smartphone « 58 sec pour augmenter votre bonheur ». M. Quoidbach, également intervenant dans l’émission « J’ai décidé d’être heureux » diffusée ce 7 février sur M6, a répondu à nos questions.

 

Sciences et Avenir : Comment mesure-t-on un indice de bonheur ?

Jordi Quoidbach : Le plus efficace, pour évaluer le niveau de bonheur d’un individu (qui est une notion subjective) c’est tout simplement de lui poser la question « êtes-vous heureux dans la vie ? ».

Par le passé on soumettait donc les gens à ce type de question très générale. Mais on s’est aperçu que les facteurs contextuels comme la météo ou l’état de satiété du moment influençaient grandement les réponses. Pour les chercheurs en sciences humaines qui travaillent sur le sujet, l’outil idéal est plutôt celui qui mesure le bonheur à différents instants donnés et en fait ensuite une moyenne sur une longue durée.

C’est ce que nous proposons avec cette nouvelle application. Elle interroge l’utilisateur plusieurs fois par jour – de manière aléatoire – pour connaître son niveau subjectif de bonheur puis en tire un indice sur 100, des statistiques sur la semaine, le mois…

 

S et A : En quoi consiste cette application ?

JQ: Quatre à douze fois par jour (selon les paramétrages choisis) l’utilisateur reçoit un message qui l’invite à répondre à quelques questions, six maximum, auxquelles on répond en moins d’une minute (58 secondes !).

Pour certaines questions on demande un échantillon de voix, par la lecture d’une phrase, à partir duquel grâce à des algorithmes développés avec le MIT nous détectons les indices de stress.

Nous proposons aussi une tâche qui mesure le temps de réaction après l’apparition de certains mots. Il s’avère en effet qu’un individu déprimé réagira davantage à un mot négatif que positif.

 

Imaginer quatre choses positives pour le lendemain, au moment du coucher, fait augmenter l’indice de bonheur

 

À la fin de chaque semaine l’utilisateur reçoit un feedback détaillé. Il va ainsi pouvoir réaliser ce qui le rend vraiment heureux. Par exemple, les gens peuvent afficher un score de bonheur de seulement 60/100 devant la télé, alors que l’indice monte à 90/100 lorsqu’ils sont entre amis. Pourtant ils regardent bien plus la télé que ne voient leurs amis, paradoxal !

À chaque feedback nous proposons des petits conseils et exercices de psychologie positive en fonction du profil et des difficultés propres à chacun. Par exemple, une étude de 2009 de l’université de Liège a démontré que le fait d’imaginer quatre choses positives pour le lendemain, au moment du coucher, fait augmenter l’indice.

 

S et A: En fait, c’est surtout un formidable outil de recherche pour vous ?

JQ: Oui, les gens participent à une expérience grandeur nature. Financée sur nos fonds propres – l’équipe est composée d’un médecin psychiatre et de deux ingénieurs – l’application va, en effet, nous permettre de récolter une quantité énorme de données de terrain.

 

Mise en ligne le 31 janvier 2013, nous avons à ce jour déjà 34 000 utilisateurs en France. D’où nous avons déjà tiré une première carte de bonheur.

 

C’est le plus vaste projet d’ « expérience sampling » (méthode d’étude psychologique qui consiste à demander à des volontaires d’arrêter leur activité pour décrire leur comportement, leur pensée…) jamais menée en sciences humaines.

Mise en ligne le 31 janvier 2013, nous avons à ce jour déjà 34 000 utilisateurs en France. D’où nous avons déjà tiré une première carte de bonheur (voir carte).

Ces données vont être étudiées pour répondre à une question de recherche encore totalement inexplorée : « Quand et avec qui est-on le plus heureux ? ». Ces connaissances peuvent avoir un intérêt important en clinique, pour améliorer la gestion du stress par exemple ou de la douleur chronique.

 

Elena Sender
Sciences et Avenir
07/02/13

 

 

En savoir plus

www.58sec.fr

 

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