OM : la psychologie Bielsa

Avec lui, le secret est toujours bien gardé. Son groupe vit dans une bulle. Vase clos, clique, clan : les termes importent peu. Pour Marcelo Bielsa, seule compte la vérité du terrain. Décrypter la psychologie d'un personnage surnommé "Le Fou" est une mission (presque) impossible.

Comment motive-t-il ses troupes ? Tape-t-il du poing sur la table, ou fait-il passer ses messages en douceur ? Présenté comme un entraîneur autoritaire, l'est-il réellement ? Pas vraiment, à en croire les quelques échos qui remontent de son effectif.

Au printemps dernier, lorsqu'ils ont vu son nom sortir dans la presse, beaucoup d'Olympiens frissonnaient, pensant voir débarquer un véritable tyran. Quelques semaines plus tard, ils ont découvert un homme discret, effacé.

Plus proche d'un passionné de football comme Jean Fernandez (en moins sympathique), que de techniciens réputés pour leurs excès colériques, tels Giovanni Trapattoni, Louis van Gaal ou Felix Magath.

Les joueurs s'attendaient à voir un tyran. Ils ont découvert un homme effacé, dans son monde

S'il ne fait pas trembler les murs, l'ex-sélectionneur de l'Albiceleste peut bien sûr être irrité. Cette exaspération, il la garde cependant en lui, en suant à grosses gouttes. Ce qui ne l'empêche pas de prendre des mesures radicales.

Comme lorsqu'il a interrompu la séance jeudi dernier après l'incident avec Morgan Amalfitano. "Même si tu ne parles pas espagnol, tu sais quand il est énervé !", souriait Alaixys Romao le lendemain.

L'ancien coach de l'Athletic Bilbao est finalement plus glacial que bouillant. "Quand il s'exprime, il ne nous regarde pas, nous non plus", lâche l'un de ses joueurs en référence à ses yeux tournés vers le pupitre lorsqu'il passe en conférence de presse (un supplice pour lui). Ce comportement étrange en a d'ailleurs surpris plus d'un au sein de l'équipe.

Marcelo Bielsa est dans son monde et celui-ci tourne à 99 % autour du ballon rond (le 1 % restant étant pris par sa famille et son goût pour le patrimoine historique ; il a notamment été subjugué par Notre-Dame-de-la-Garde).

"El Loco" avance avec ses certitudes, en appliquant les mêmes principes qu'en Argentine, au Chili et au Pays Basque espagnol. "C'est un bosseur ! Est-ce que ça dérange d'être un travailleur aujourd'hui en France ?, s'emporte Luis Fernandez, qui a mis en relation Vincent Labrune et la légende des Newell's Old Boys au printemps dernier. Est-ce que ça pose un problème de penser au football 24 heures sur 24 ? J'ai l'impression que ça gêne !"

La mayonnaise n'a pas pris lors des deux premières journées. Ce qui ne veut pas dire que l'OM va pédaler dans l'aïoli durant toute la saison. "Il met en place une méthode. C'est aux joueurs d'adhérer, poursuit l'ex-entraîneur du PSG, qui apprécie l'Argentin. J'ai eu l'occasion d'échanger avec lui, d'écouter ses analyses à plusieurs reprises et je peux vous dire que c'est un régal ! Il est certain qu'il n'est pas hyper expansif devant les médias, mais ce n'est pas sa priorité.

Lui, il est dans la recherche permanente pour faire progresser ses garçons. Et pour ça, il mérite une médaille. Il tente, il essaye. Il veut leur donner un plus en leur inculquant les valeurs du travail. Souffrir pour réussir : s'ils sont dans cette orientation-là, ils y arriveront.S'ils veulent franchir un palier, ils ont l'entraîneur et le staff pour..."

Luis Fernandez : "Le travail, la seule chose qui l'intéresse"

Ce staff, justement, tout passe par lui. L'armada d'adjoints de Bielsa distille ses messages.

Si, chaque matin, l'entraîneur olympien se fait traduire les articles des journaux par son interprète Fabrice Olszewski, c'est en revanche le préparateur physique Jan van Winckel qui sert de passerelle entre le coach et ses joueurs. Le Belge est devenu une plaque tournante de l'Olympique de Marcelo. C'est à lui que Gignac et ses partenaires s'adressent le plus souvent.

Et le ton peut parfois monter, comme après le match à Bastia (3-3), au sujet de la fatigue ressentie dans les trente dernières minutes. Les plaintes ont été transmises au coach, qui a donc modifié le programme. "L'équipe a manqué de la fraîcheur physique nécessaire pour imposer son jeu, reconnaissait Bielsa quelques jours plus tard face aux journalistes. Cela indique que la charge de travail que j'ai planifiée était exagérée. La responsabilité de ce déficit physique m'incombe. Cette semaine, nous avons donc travaillé différemment."

Ce qui n'a pas empêché son OM de sombrer devant Montpellier (0-2) quarante-huit heures après. "C'est à la fin du bal qu'on paye les musiciens !, s'insurge Luis Fernandez. Ce n'est que le début, laissons-le bosser. Le travail, c'est la seule chose qui l'intéresse. Il ne fait aucun cadeau."

En quelques semaines, l'ancien sélectionneur du Chili l'a déjà prouvé : déçu du manque d'implication de Thauvin au cours d'une séance, il lui a fait savoir qu'il n'avait pas besoin de venir à la suivante. Le champion du monde U20 est pourtant l'un de ses rares relais dans l'effectif.

Mettre ses hommes devant leurs responsabilités, sans aucune pitié : voilà sa manière de les motiver. Avec les risques que cela comporte : à savoir se les mettre à dos très rapidement si les résultats ne suivent pas... Voilà pourquoi il préfère s'appuyer sur des joueurs au CV encore très léger, lesquels lui devront tout s'ils viennent à exploser au très haut niveau.

Contrairement à ce qu'il peut prétendre dans ses discours officiels, ceux qui sont écartés du projet ne l'intéressent pas du tout. "Je n'ai vu ni lui, ni ses adjoints", confie l'un des membres du "loft". Lorsque Bielsa s'adresse directement à quelqu'un, il le fait de toute façon toujours devant un témoin. Les hispanophones comme Olszewski et Passi l'assistent donc dans ces moments-là.

S'il donne régulièrement des conseils à Imbula, l'Argentin est beaucoup moins loquace avec d'autres. Et quand un Olympien veut s'adresser à lui, il doit d'abord passer par l'un de ses nombreux disciples.

Quand un Olympien veut s'adresser à lui, il doit passer par l'un de ses disciples

Reste maintenant à savoir ce qu'il prépare pour le déplacement à Guingamp, samedi (17h). La semaine ayant précédé la réception des Héraultais, le gourou de Rosario avait continué à travailler le 3-3-3-1 avec ses fidèles.

Le jour du match, il a ressuscité le 4-2-3-1 d'Élie Baup. À la grande surprise d'une partie de son effectif. Un coup de poker tactique perdu face à un autre flambeur dans ce domaine, Rolland Courbis. Mais il en gagnera d'autres.

Seule certitude : avec Marcelo Bielsa, il est difficile de faire des prédictions. Dans sa tête, les idées ne cessent de fourmiller. Question football, "El Loco" n'est pas si fou que ça. Pour le reste...

 

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